La réglementation des Etats
Les fausses semences constituent un défi dans quasiment tous les pays. Au Ghana, à Madagascar, au Malawi et en Ouganda, les entreprises semencières affirment ne pas être satisfaites des efforts de leur gouvernement pour relever ce défi. Toutefois, plusieurs pays ont ces dernières années pris des mesures répressives comme le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda et ont engagé des moyens pour former et accréditer des inspecteurs de semences indépendants afin de compléter les efforts actuels du gouvernement.
Au regard des défis identifiés dans le développement et la réglementation des OGM en Afrique, il est essentiel que les Etats disposent d’un cadre réglementaire en matière de biosécurité, c’est-à-dire de prévention des risques possibles en matière sanitaire et environnementale.
De nombreux Etats ont déjà adopté une législation sur la biosécurité, un préalable à l’arrivée de semences transgéniques. C’est le cas du Kenya comme on l’a vu mais aussi du Mozambique, de la Côte d’Ivoire et du Malawi qui ont des législations favorables aux OGM. Le Nigeria a créé, en 2001, la National Biotechnology Developement Agency (NABDA) pour promouvoir, commercialiser et réglementer les produits de la biotechnologie. La National Biosafety Management Agency (NBMA), chargée de prévenir des risques biotechnologiques, supervise l’utilisation de ces pratiques et réglemente la commercialisation des produits issus des plantations GM. La loi nigériane sur la biosécurité interdit par exemple une modification génétique de l’aliment inférieur à 4 %.
Réglementations en matière d’OGM
Les pays sont en outre liés (s’ils ont ratifié) par le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, qui est un accord international sur la biosécurité et un complément à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. La loi modèle africaine sur la biosécurité, élaborée par l’unité de biosécurité de l’Union Africaine sert de son côté de modèle aux pays africains pour élaborer leurs propres lois nationales, pour les pays africains. A ce jour, 44 pays africains signé ou ratifié le Protocole de Cartagena ; 19 pays africains disposent de lois de biosécurité. La plupart de ces législations nationales sont inspirées de la loi modèle africaine[13]
Lever les contraintes de la brevetabilité ?
Le secteur des biotechnologies agricoles s’est structuré autour de deux évolutions majeures : d’importantes avancées comme on l’a vu dans le domaine des biotechnologies et le renforcement de la protection juridique des innovations. La recherche en biotech végétale coûte cher (de l’ordre de 40 millions d’euros pour la mise en marché d’un événement génétique, comme le Bt évoqué plus haut, en Europe). Concernant la sélection conventionnelle il faut une dizaine d’années pour la développer et comme toutes les recherches appliquées, la création variétale est une activité à risques. L’obtenteur doit pouvoir l’exploiter commercialement. Le droit de propriété intellectuelle est là pour garantir son retour sur investissement. Des conventions successives de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) ont installé les instruments juridiques de protection des innovations.
Pendant longtemps, à l’exception du Kenya, de l’Afrique du Sud, du Maroc et de la Tunisie , les pays africains n’avaient pas de système de propriété intellectuelle et les sélectionneurs publics ou privés n’étaient pas rémunérés même quand leurs variétés étaient très utilisées. Le résultat est que les budgets de la recherche publique ont diminué au fur et à mesure que les Bailleurs se retiraient de l’Agriculture, et donc le nombre de variétés nouvelles à disposition des paysans, déjà très faible, a diminué.
Ces dernières années, la Tanzanie, l’Egypte, mais surtout l’OAPI, qui regroupe 17 pays francophones et lusophones ont adopté une protection de type Upov. Le système est cependant peu utilisé par la recherche publique sauf à titre “défensif”, par exemple en coton.
En Europe, le certificat d’obtention végétale (COV) de l’Union pour la protection des obtentions végétales (Upov) est considéré comme le seul système sui generis efficace pour protéger la variété végétale. Le système de l’Upov a trois avantages par rapport au brevet sur les variétés, interdit dans tous les pays africains, et en dehors de l’avantage commun essentiel qui est de rémunérer la sélection. Le premier est la possibilité d’utiliser librement pour la sélection d’autres variétés les variétés protégées sans l’accord du propriétaire de la variété et sans lui payer quoi que ce soit. Le deuxième est que les paysans peuvent utiliser et reproduire ces variétés sans rien payer pour des usages familiaux, en bref en agriculture qu’on appelle de subsistance; le troisième est la possibilité pour les paysans “commerciaux” de reproduire les semences de ces variétés pour leurs besoins avec une rémunération plus faible du sélectionneur que ce qui est payé sur les semences certifiées.
Cependant même si le dispositif des certificats d’obtention végétale (COV) est moins contraignant et rigide que le brevet d’autres pistes sont ouvertes, inspirées en particulier par l’Inde. L’Inde, qui n’est pas membre de l’Upov, a adopté un système sui generis original avec la Protection of Plant Variety and Farmers Right Act s (Protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs) de 2001. Grâce à cette loi les agriculteurs peuvent utiliser sans limites toutes les variétés végétales y compris transgéniques. Ils peuvent échanger, vendre les semences de ferme, à condition que la vente ne s’effectue pas sous le nom de la Variété.
Peut-on espérer un changement ? Le dispositif des certificats d’obtention végétale (COV) est moins contraignant et rigide que le brevet[14]. Concernant les traits ou événements génétiques brevetés la mise en place de génériques peut être une évolution intéressante. Les premiers brevets d’OGM délivrés pour une durée de 20 ans sont dans le domaine public. Cela signifie que les redevances sur brevets ne devront plus être payées à leurs titulaires. Les applications biotechnologiques seront alors moins onéreuses et leur utilisation par les agriculteurs moins restreinte, si de nouveaux acteurs notamment publics décident d’utiliser ces innovations et de produire les semences de variétés qui les intégreraient.
D’autres pistes sont ouvertes, inspirées en particulier par l’Inde. Ce pays, qui n’est pas membre de l’Upov, a adopté un système sui generis original avec la Protection of Plant Variety and Farmers Right Acts de 2001. Grâce à cette loi les agriculteurs peuvent utiliser sans limites toutes les variétés végétales, transgéniques. Ils peuvent échanger, vendre les semences de ferme, à condition que la vente ne s’effectue pas sous le nom de la Variété.
Contraintes de la brevetabilité
Convention
UPOV* |
Système alternatif de type indien | |
Les agriculteurs sont autorisés à vendre des semences protégées | non | non |
La reproduction des semences protégées « à la ferme » est autorisée | Possible dans une certaine mesure | oui |
Les semences protégées peuvent être utilisées librement pour l’obtention de nouvelles variétés | oui, mais avec certaines restrictions | oui |
Les variétés locales développées par les paysans peuvent aussi être protégées | non | oui |
*UPOV : Union internationale pour la protection des obtentions végétales
Source : Semences agricoles, monopole privé sur un bien public, Vers un développement solidaire n° 233, n°spécial avril 2014.
Des programmes de recherche publique avec des semences biotech libres de droit ainsi que des programmes de sélection participative constituent une voie d’avenir. Il peut aussi être envisagé des « licences pour utilisation humanitaire » qui permettrait l’emploi par les agriculteurs produisant pour eux-mêmes ou leur communauté proche de technologies brevetées. À ce sujet, est souvent cité le cas du riz doré, transgénique, enrichi en fer et vitamine A (dont la carence est responsable de cécité infantile) grâce à l’introduction d’un gène en ferritine, crée en 1999 pour améliorer le sort de centaines de milliers d’enfants philippins. Ce riz nécessitait la mise en œuvre de 70 brevets. Les licences furent accordées gratuitement au Golden Rice Humanitarian Board par une trentaine d’entreprises et d’universités, sans paiement de redevances par les petits exploitants. L’affaire reste controversée, mais elle constitue un précédent[15]. On pense aussi à l’initiative de l’entreprise française Nutriset qui donne la possibilité aux entreprises locales d’obtenir sur Internet un Accord d’usage de brevets, notamment pour la production d’un aliment thérapeutique prêt à l’emploi Plumpy’Nut®, mis au point en 1996. Cet accord leur permet d’utiliser les brevets pour développer et commercialiser leurs propres produits auprès des acteurs de l’aide humanitaire.