Comprendre les enjeux de l'agriculture

Au même titre que les fertilisants, l’irrigation a pour objectif d’améliorer le rendement des cultures, de pallier une sécheresse ou de satisfaire des cultures gourmandes en eau comme le maïs ou le coton. Le secteur agricole consommant 70% des ressources hydriques disponibles, on comprend l’importance de disposer de techniques d’irrigation performantes et durables. Les exploitants doivent faire un compromis : irriguer efficacement sans gaspiller, un double défi agronomique et technologique. Irrigation gravitaire, par aspersion, en goutte-à-goutte… chaque technique a ses applications, avantages et inconvénients que nous exposons ici.

 

Selon la FAO, un cinquième des cultures irriguées produit deux cinquièmes des récoltes, l’irrigation constitue un levier essentiel de productivité et participe à la sécurité alimentaire.

L’irrigation est aussi une source de gaspillage importante. Toutes techniques d’irrigation confondues, les études montrent que moins de la moitié des volumes d’eau utilisés en agriculture atteignent leurs objectifs. Les raisons de ce gaspillage sont multiples :

  • Les réseaux de distribution non entretenus ;
  • La mauvaise organisation de la distribution ;
  • La méconnaissance des sols et des cultures ;
  • La dégradation de la biodiversité et de sa capacité à valoriser l’apport hydrique ;
  • Le changement climatique.

L’irrigation, une histoire ancienne

Les scientifiques ont découvert des traces d’irrigation datant de 5000 ans avant J.C. dans la zone semi-aride située entre l’Euphrate et le Tigre, le premier irriguait les terres tandis que le deuxième accueillait les ruissellements.

En Égypte, les agriculteurs adaptaient leurs cultures aux crues du Nil. Dès 3000 avant J.C. puis les Égyptiens ont détourné une partie du fleuve pour alimenter une réserve (lac Moeris) et organiser une distribution aval composée de canaux, régulateurs et barrages.

De son côté, l’Unesco a inscrit à son inventaire un système d’irrigation datant du 3e siècle avant J.C., découvert dans la Province du Sichuan (Chine). Ce dernier, encore en activité, permet l’irrigation des plaines du Chengdu.

L’organisation des Nations-unis protège aussi le système d’irrigation « aflaj » du Sultanat d’Oman, dont les traces datent d’au moins 500 ans après J.C. Ce système d’irrigation utilise la gravité pour alimenter la surface (cultures et populations) à partir des eaux souterraines.

Source : Observatoire du Patrimoine d’Oman

 

Par la suite, les hommes ne se sont plus contentés de dévier ou de canaliser l’eau, ils ont innové en matière de techniques de captage et de transport :

  • La noria est une chaîne équipée de seaux qui permet de capter l’eau pour la remonter à la surface ;
  • La roue à eau, manuelle ou animée par des animaux ;
  • Les pompes à chapelet, à spirale….

Toutes les techniques d’irrigation sont encore utilisées à travers le monde en fonction des moyens et des contraintes géographiques mais le monde agricole fait le même constat, la ressource en eau se raréfie et les agriculteurs sont contraints d’optimiser leurs installations d’irrigation pour pérenniser leurs activités.

 

L’irrigation gravitaire

Sur l’île de Madère, on peut encore voir des canaux d’irrigation qui s’étendent sur environ 2000km. Initialement construits en bois au 15e siècle par les colons, ils ont été rénovés en béton et transportent encore l’eau à travers l’île.

En général, l’installation se compose d’un canal principal divisé en plusieurs canaux, eux-mêmes prolongés par des sou-canaux, créant un réseau de distribution par gravité. Ce système séduit par sa simplicité mais il consomme beaucoup d’eau et enregistre des pertes par évaporation.

L’arrosage finale se fait selon deux méthodes :

Le ruissellement sur une pente allant de 1 à 3% ;

La circulation par des rigoles (5 à 10 litres seconde).

Pour cette dernière option, l’irrigation est plus rapide et intense pour les plantes situées à proximité des rigoles tandis que le reste de la parcelle recevra l’eau ultérieurement par infiltration.

 

L’irrigation par aspersion

Dans ce cas, le réseau de distribution final est équipé d’un système d’arrosage, aérien ou enterré, capable d’irriguer de grandes surfaces cultivées.

Très utilisée, cette technique présente plusieurs inconvénients :

  • L’irrigation est uniforme et ne tient pas compte des besoins localisés ;
  • L’arrosage de la plante complète, notamment ses feuilles, favorise l’apparition de maladie alors que les racines sont les seules consommatrices.

On peut considérer qu’une partie de la distribution est perdue car non utilisée par la plante.

L’irrigation par goutte-à-goutte

Très prisé car économe en eau, le système d’irrigation par goutte-à-goutte nécessite toutefois un réseau à fort maillage permettant de distribuer l’eau au pied de chaque plante et ne s’adapte qu’aux petites surfaces cultivées.

Pour être performant, ce système doit recevoir une eau filtrée, débarrassée des impuretés qui pourraient obstruer le circuit. Pour son bon fonctionnement, l’exploitant doit assurer une maintenance experte, celle-ci est 30% plus coûteuse que les autres systèmes. De plus, on estime que l’installation doit être changée tous les cinq ans environ.

En revanche, cette technique d’irrigation présente l’avantage de garantir une distribution directement aux racines avec un faible taux de pertes.

L’irrigation par brumisation

Cette technique, reprise dans l’irrigation par nébulisation, est principalement utilisée sous serres.

L’eau est distribuée dans un espace clos, sous forme de brouillard et offre un environnement humide aux cultures. Il est possible d’incorporer des solutions enrichies dans le nébuliseur.

L’écosystème humide procure un environnement favorable aux plantes mais comme pour le goutte-à-goutte, il est utilisable sur des surfaces réduites et nécessite un entretien particulier (buses, dispersion…).

L’irrigation par submersion

Réservée principalement aux rizières, cette technique requiert peu d’expertise. Elle consiste à inonder la surface cultivée.

Elle présente toutefois un inconvénient : sa consommation en eau.

Source : DarSiHmad.org

Drinking Fog, le brouillard comme ressource

Au Maroc, le projet Drinking Fog consiste à implanter des filets et des collecteurs dans les zones montagneuses pour exploiter les nappes brumeuses et redistribuer l’eau potable ainsi collectée pour assurer la production alimentaire locale.

Ce projet est le fruit d’une collaboration entre la fondation Dar Si Hmad et l’ONG Wasserstiftung visant à garantir un accès à l’eau potable pour des tribus du sud-ouest du Maroc.

Les 31 collecteurs ont été installés à 1500 m d’altitude, ils alimentent environ 1600 personnes. Les brouillards sont poussés dans les filets par les vents, leurs particules d’eau restent prisonnières des filets jusqu’à produire un ruissellement. Les porteurs du projet indiquent qu’un mètre carré de ces filets peut produire jusqu’à 22 litres d’eau par grand brouillard. L’eau obtenue est distribuée au même tarif que dans les autres régions.

Une telle initiative sécurise l’accès à l’eau pour ces populations et permet de pérenniser la vie économique locale : les femmes, libérées de la corvée d’eau, cultivent les denrées pour la consommation de leur foyer tandis que les hommes gèrent l’entretien des équipements de captage.

Dans les Îles Canaries, Jonay González Pérez et Sara Rodríguez Dorta, agriculteurs, comptent aussi sur cette ressource pour arroser leur 1,4 hectare de terres où poussent citronniers, pruniers et artichauts.

Sur 400 m des panneaux captent les particules d’eau, jusqu’à 1,8 m3 les bons jours. L’eau ruisselante est récupérée dans une citerne souple de 360 m3. Depuis cette initiative, le gouvernement local, soutenu par la Commission européenne, a financé d’autres projets dans le cadre du programme Life Nieblas.

La technique est ancienne et encore peu répandue, mais les sécheresses récurrentes la remettent en lumière. Elle suscite à nouveau l’intérêt des pouvoirs publics et des institutions qui accompagnent les agriculteurs.

Le choix de la technique d’irrigation est souvent le reflet de la situation économique de l’exploitant. La micro-irrigation constitue la meilleure alternative en termes de performance et d’économie d’eau mais compte tenu des faibles moyens dont disppose la majorité des agriculteurs, les techniques conventionnelles sont encore fortement utilisées car elles ne requièrent pas d’investissements et ne mobilisent pas de compétences techniques avancées.

Sources : SyndicatIrrigationDromois.fr, AgriMaroc.ma, Bladi.net, EcoSources.org, CourrierInternational.com