Comprendre les enjeux de l'agriculture

Au-delà de la planification inhérente à tout projet, celui de l’agriculture urbaine doit réussir la cohabitation de deux espaces habituellement éloignés, tant sur le plan géographique que social.

Certes la ville se nourrit de la production agricole mais elle n’en perçoit habituellement que le fruit. Un projet d’agriculture urbaine porte plusieurs ambitions : offrir une alimentation saine, créer un circuit court entre producteurs et consommateurs, sensibiliser la population à l’agriculture durable ou encore créer une nouvelle activité génératrice d’emplois. Certains espaces urbains inutilisés se prêtent à priori à l’installation de surfaces arables mais l’exploitation implique la prise en compte d’autres facteurs environnementaux, réglementaires ou financiers.

 

L’agriculture urbaine requiert l’adhésion de multiples partenaires et acteurs, les habitants, l’exploitant, les services municipaux… chacun devant y trouver son compte alors que le concept est encore récent.

En France c’est la Fondation de France qui, en 1997, porte la création d’un nouveau réseau national de jardins partagés dont la philosophie est de créer une communauté éducative et sociale autour du potager. En 2021, cette initiative sera amplifiée dans le cadre du Plan France Relance, il prévoit le développement de l’agriculture urbaine pour reconnecter les urbains à la production agricole et offrir une ressource alimentaire aux habitants les plus démunis. Dès lors, le gouvernement encourage les promoteurs à intégrer des projets d’agriculture urbaine dans leurs projets immobiliers.

Aujourd’hui les projets sont menés avec une réelle ambition d’importer l’agriculture au cœur des villes en proposant des espaces exploitables et productifs.

En fonction de l’environnement immédiat, de l’espace disponible, de l’exposition solaire et des contraintes architecturales, le projet varie du jardin potager à la culture hydroponique en passant par les murs végétaux. Les ressources à planifier sont en partie les mêmes qu’en agriculture conventionnelle, à savoir :

  • Semences,
  • Plants,
  • Outillage ;
  • Intrants ;
  • Moyens d’irrigation…

Pour chaque ressource, les porteurs de projets privilégient des partenariats avec des fournisseurs locaux, les pépinières peuvent fournir les semences et plants tandis que les collecteurs de déchets peuvent fournir la matière organique nécessaire à la fertilisation.

L’exploitation de la parcelle qui comprend des tâches agricoles classiques : plantation, irrigation, gestion des maladies, récoltes… est une opportunité de former à la pratique des personnes en insertion ou en reconversion.

Même si les projets actuels ne reposent plus uniquement sur des objectifs communautaires, l’installation d’une exploitation agricole urbaine est l’opportunité de sensibiliser les locaux et d’emporter leur adhésion.

La stratégie d’intégration peut prendre différentes formes :

  • Ateliers découvertes à destination des résidents ;
  • Mise à disposition de l’espace pour des formations ;
  • Programmes collectifs de bénévolat ;
  • Conduite de travaux de recherche pour des scientifiques…

Compte tenu de l’impact d’un tel projet, celui-ci doit prendre en compte les aléas d’exploitation, notamment en termes de risques sanitaires et de pollutions diverses, sonores, olfactives ou visuelles.

Des professionnels accompagnent les projets à différents stades de leur déploiement :  identification de partenaires financeurs, instruction des dossiers réglementaires liés à l’exercice, études d’emplacement, dimensionnement des installations, gestion du volet durable, conseils en équipements…

Les conseils d’un bureau d’études en agriculture urbaine

Lucas Blanes est cofondateur du bureau d’études Le Grand Romanesco. En tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), il accompagne les bailleurs, promoteurs et collectivités dans la réalisation de projets d’agriculture urbaine.

Le bureau d’études intervient aussi intervenir sur les études techniques préalables : nature des sols à cultiver, résistance des toitures, plans de dépollution….

Connaître les objectifs, le territoire et les acteurs locaux constitue donc un prérequis à tout lancement, selon Lucas Blanes.

Dans la majorité des cas, le porteur de projet a identifié un ou plusieurs espaces potentiels susceptibles d’accueillir son projet, il existe principalement deux types d’installation :

  • Le potager partagé, production agricole vivrière ;
  • La ferme urbaine, production agricole professionnelle.

Outre l’aspect temporel du projet, il est important de lui donner une identité, est-ce un projet promoteur d’agroécologie ? Une expérimentation de permaculture ? une démonstration de biodiversité ? La population aura-t-elle accès au site ? Quel gain pour la ville qui héberge le projet.

L’agriculture urbaine à vocation professionnelle est un concept récent dont il faut défendre l’intérêt auprès des partenaires et des habitants.

Dans la phase opérationnelle, le choix des espèces plantées va répondre à des attentes ornementales, nourricières mais aussi de biodiversité. Ainsi une plante pourra être introduite pour l’ombre qu’elle offre aux cultures ou des animaux dans le cadre d’un éco pâturage.

En milieu urbain, les fermes urbaines exploitent des surfaces plus restreintes qu’en milieu rural, il est donc important de diversifier les activités pour augmenter la rentabilité au m2.

La rentabilité n’est pas le seul objectif et il est possible d’envisager un projet sur une surface réduite si celui-ci a pour vocation d’embellir un lieu tout en offrant un espace de convivialité et quelques m2 de plantations expérimentales.

En revanche, pour un projet de ferme urbaine viable, il est souhaitable de disposer d’au moins 500m2 de surface utile, 1000m2 idéalement.

Si le choix de l’exploitant fait l’objet d’un appel à candidatures, il est préférable d’élaborer un cahier des charges par objectif pour ouvrir la consultation à plus de solutions et bénéficier de l’expertise des professionnels.

L’expérience ivoirienne

L’ONG 2AUCI soutient l’agriculture urbaine ivoirienne en tant que levier de la sécurité et de la souveraineté alimentaire.

Dans le cadre de sa mission de promotion des systèmes de production alimentaire urbains, elle accompagne les porteurs de projets pour utiliser au mieux leurs ressources et exploiter durablement leurs espaces productifs.

Son Président, Zana Ouattara, a lancé une première édition du Festival des agriculteurs urbains de Côte d’Ivoire (FAUCI) qui s’est tenu le 27 mai dernier dans la commune de Yopougon, une occasion de mettre en lumière l’activité et inciter les pouvoirs publics à prendre en considération l’agriculture urbaine dans les plans d’urbanisation et, plus généralement, dans les politiques publiques.

Les exploitations urbaines sont gérées en dehors des circuits officiels, les exploitants craignent de s’adresser aux autorités pour officialiser leur activité. Celle-ci n’est donc ni organisée, ni fédérée, ce qui freine son développement, sa viabilité et la sécurité autour des pratiques (intrants, pollutions…).

Avec ce premier festival, Zana Ouattara entend casser les préjugés sur ce métier d’agriculteur perçu comme une activité « salissante » par la jeunesse.

Une grande partie de cette jeunesse quitte les régions rurales pour venir s’installer en ville mais peine à trouver de l’emploi, l’agriculture urbaine peut lui offrir une opportunité professionnelle.

L’objectif est aussi de créer une synergie entre les citoyens, les politiques et les agriculteurs urbains informels pour faire reconnaître cette forme d’agriculture, faciliter son financement et son accompagnement sur le terrain, notamment en identifiant de nouveaux espaces urbains exploitables et en formant les jeunes agriculteurs.

Ce projet s’inscrit pleinement dans les ODD, notamment celui lié à la sécurité alimentaire : les denrées alimentaires deviennent disponibles en quantité, et accessibles puisque cultivées à proximité immédiate, le circuit court entre producteurs et consommateurs permet de produire selon la demande et limite les pertes dues au stockage et au transport.

Si l’agriculture urbaine réussit à attirer la jeunesse, celle-ci contribuera à sa digitalisation, en amont, les exploitations peuvent être partiellement pilotées par des services numériques, en aval, les denrées peuvent être proposées, commandées et livrées depuis des plateformes en ligne.

 

Source : LinkedIn et MediNews