Comprendre les enjeux de l'agriculture

Des centaines d’hectares de miscanthus  – herbacée vivace originaire d’Afrique et d’Asie du Sud-   pourraient être mobilisés pour fabriquer des pièces détachées pour l’industrie automobile

Le Programme d’investissement d’avenir (PIA), « Biomasse pour le futur », a effectué pendant huit ans des études visant à trouver des alternatives à la consommation d’hydrocarbures fossiles (1). Ce programme vise à sélectionner des variétés de plantes aptes, une fois transformées, à la production de bioénergie et de biomatériaux. Le chanvre est actuellement une de ces plantes retenues par les équipementiers de l’industrie de l’automobile pour fabriquer des pièces à base de composites.

Le constructeur automobile PSA est un nouvel adepte de la culture de miscanthus.  Certaines pièces intérieures de ses véhicules pourront prochainement être fabriquées à partir de granulés composés de plastique combiné à des fibres de miscanthus. Ces dernières remplaceront les fibres de verre dérivées d’hydrocarbures fossiles.
Partenaire du Programme d’investissement d’avenir (PIA) Biomasse pour le futur (BFF, cf encadré), le constructeur d’automobiles a validé le processus de fabrication de composites mis au point par la société Addiplast. dans le cadre de BFF. En rejoignant le PIA, il a manifesté la volonté d’élargir la gamme des équipements fabriqués de biomatériaux.

PSA pourra ainsi élargir le choix des matières premières pour la  fabrication des équipements intérieurs des véhicules (les tableaux de bord par exemple) au-delà du chanvre sur lequel s’appuie actuellement Faurécia, le groupe français d’ingénierie et de production d’équipements automobiles. Actuellement, le chanvre entre à hauteur d’environ 20 % dans la composition des granulés fabriqués.

Les débouchés industriels du miscanthus sont nombreux et contribuent à l’essor de cette culture. Composées de cellulose, les cannes de la plante sont déjà utilisées comme paillage agricole, avicole et horticole, pour le chauffage (https://www.france-miscanthus.org/), et à la fabrication d’électricité par cogénération, notamment en Angleterre  (https://www.terravesta.com). Il existe également un intérêt pour cette culture pour la production  d’éthanol de deuxième génération (https://www.grace-bbi.eu/)

Adapté aux sols ingrats

Contrairement au chanvre, le  miscanthus est plus facile à cultiver et sa production n’entre  pas du tout en compétition avec les cultures à vocation alimentaire puisque la plante pousse préférentiellement sur des terres impropres à la production agricole.

Dans les exploitations, la céréale se développe aisément sur des sols ingrats, pauvres en nutriments. Les rhizomes de miscanthus croissent également très bien sur les anciennes friches industrielles polluées.

La quasi totalité des nutriments absorbée durant le cycle végétatif de la plante, est restituée au sol (lorsque les feuilles chutent) ou migre dans les rhizomes pour y être stockée. Ils seront mobilisés pour nourrir la plante au printemps suivant.

Pour autant, les surfaces nécessaires pour produire des pièces automobiles composées partiellement de fibres de miscanthus sont considérables. Selon Herman Höfte, directeur de recherche à l’Institut Jean-Pierre Bourgin, INRAAgroParisTech, 1 230 tonnes de miscanthus récoltées sur environ 125 hectares seraient nécessaires pour équiper les 2 millions de voitures produites en France par an avec seulement deux pièces de composites miscanthus d’un kg.

Comme pour la production d’alcool et d’électricité par cogénération, seules les cannes de miscanthus, composées de cellulose, sont utilisées pour fabriquer les granulés composites de plastique (80 %) et de fibres (20 %). Elles sont récoltées  une fois les feuilles tombées.

Originaire du Japon et de Chine

Le miscanthus actuellement cultivé est l’hybride interspécifique triploïde  Miscanthus x giganteus. Stérile, il se multiplie par rhizomes. Le coût d’implantation est d’environ 3 000 € par hectare. La culture pérenne (20 ans) produit de 10 à 30 tonnes de matière sèche vendue jusqu’à 100 €/t. L’entretien de la culture nécessite peu de temps. Aussi, l’amortissement des frais d’implantation constitue le principal poste de charges de la culture.

En Asie de l’est (Chine, Corée, Japon), il existe un très grand nombre de variétés de miscanthus diploïdes et tétraploïdes aux côtés desquelles existent des variétés triploïdes stériles, issues de croisements naturels entre deux variétés diploïdes et tétraploïdes.

Le giganteus triploïde cultivé en France est quasiment identique aux plantes de la même variété qui poussent à l’état sauvage.

D’autres variétés de miscanthus peuvent être multipliées par graines mais les agronomes redoutent la dimension invasive de la plante si les graines produites en grand nombre et de petite taille, se disséminent sans contrôle. Aussi, les agronomes  optèrent pour la sélection des variétés non fertiles multipliées par voie végétative car les plantes sélectionnées ne sont pas invasives.

Les programmes de recherche du PIA BMF visent à spécifier différentes souches spécifiques pour la production de substrats, pour la production d’alcool ou, comme on l’a vu, pour fabriquer des bio-matériaux. Les agriculteurs sont associés à ces programmes afin d’apprécier comment les différentes plantes cultivées se développeront sur leur exploitation.

L’idée est de bâtir des filières agroindustrielles similaires aux filières sucrières ou de pommes de terre fécules. Pour autant, la transformation de miscanthus ne conduira pas à la création d’un chapelet de start-up comme on peut le voir dans d’autres secteurs de recherche.

Une industrie lourde

Comme la betterave sucrière, le développement de la culture de miscanthus associe de grands groupes industriels et sa transformation mobilise d’importants capitaux. Actuellement 5 500 hectares sont cultivés, soit la surface qui serait nécessaire pour produire l’équivalent de 40 Kg de pièces détachées seulement, composées de 20 % de fibres, dans chacune des 2 millions d’automobiles produites par an en France.  Mais ces 5 500 hectares sont déjà utilisés pour les usages actuels (combustion, paillage).

En revanche, une association de 25 producteurs de miscanthus, Biomasse Environnement Systèmes SAS (http://bes-site.fr/miscanthus)  prolonge leurs activités sur leur exploitation en assurant la première transformation. Elle broie les cannes de miscanthus récoltées et elle livre aux entreprises la matière première prête pour produire de l’énergie ou pour entrer dans la fabrication de granulés livrés à la société Addiplast.

D’autres exploitants agricoles pourraient suivre cette voie en constituant des sociétés similaires pour organiser et réguler la filière ‘’Miscanthus ‘’ et en donnant aux nouveaux planteurs les moyens financiers pour implanter leurs parcelles.

Le PIA BMF associe des centres de recherche publique (INRA, CIRAD et l’Ecole des Mines) et des partenaires privés.

La recherche associe aussi les agriculteurs pour étudier le comportement et le développement des plantes sur leur sol. Le miscanthus avec le sorgho et le maïs font partie de la gamme de plantes retenues dans le PIA « Biomasse pour le futur »

La plante s’inscrit complètement dans l’air du temps. Cultivée, la plante exige peu d’intrants. Les feuilles tombées sur le sol constituent un mulch qui enrichit le sol en carbone organique. Et l’empreinte carbone des biomatériaux est faible.

Frédéric Hénin

(1) https://www6.inra.fr/biomassforthefuture