Comprendre les enjeux de l'agriculture

La terre est l’élément essentiel de la  sécurité alimentaire.  Or toute une série de facteurs convergent pour aboutir à une raréfaction des terres agricoles dans le monde. Les causes en sont, entre autres, l’exploitation intensive, les exigences environnementales, l’urbanisation et l’expansion minière et industrielle. Ces facteurs favorisent l’accaparement des terres aux profits de grands groupes institutionnels et au détriment des petits paysans. Cette raréfaction  aggrave les inégalités foncières, la pauvreté rurale et de l’insécurité alimentaire. Elle pourrait aboutir à un point de bascule de l’économie paysanne. Telle est la conclusion du dernier rapport de l’ IPES-Food, ou l’ International Panel of Experts on Sustainable Food Systems.

L’accaparement des terres

De vastes étendues de terres changent de main chaque année.  La propriété foncière est transférée des agriculteurs aux acteurs financiers. L’accaparement des terres progresse à pas de géant. Les flambées des prix alimentaires consécutives à la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont alimenté un discours affirmant que la concentration de la propriété était nécessaire pour arriver à “nourrir le monde”. En a suivi une politique dite de sécurisation des terres destinées à la production de cultures d’exportation, Les principaux bénéficiaires de cet accaparement sont les agro-entreprises, des investisseurs financiers et des gouvernements étrangers.

Le rapport IPS donne la répartition suivante de la nature des acquéreurs de terres cultivables :

  • Grandes sociétés non cotées en bourse : 40%
  • Sociétés cotées : 21,5%
  • Acheteurs de nature inconnue : 18%
  • Entrepreneurs individuels : 9%
  • Sociétés étatiques : 5%
  • Fonds d’investissement : 4%
  • Le reste : 2%

L’accaparement « vert »

La terre est un puits de carbone essentiel et un habitat pour la biodiversité. Les  exigences contradictoires de production alimentaire, de production d’énergie verte de conservation des sols et de séquestration du carbone exacerbent les pénuries de terres cultivables  au risque de semer les germes de conflits à venir.

Les objectifs environnementaux, impliquant une politique de conservation des sols, d’élimination du carbone suscitent une nouvelle vague « d’acquisitions vertes » qui représente, selon IPES, un cinquième des transactions foncières.

L’érosion des sols due à  des pratiques de culture intensives et à l’emploi abusif d’intrants chimiques fait que, selon la FAO, un tiers des terres cultivables mondiales est dégradé.

 

Accaparement « industriel »

De vastes étendues de terres sont également soustraites – souvent de manière coercitive – de l’agriculture  et réaffectées aux industries extractives et aux mégaprojets de développement urbain dans un environnement de croissance économique rapide  et souvent non durable. Un cycle de demande croissante de produits miniers, en particulier de terres rares ou de métaux en forte tension comme le cuivre  intensifie les pressions sur les terres agricoles.

Vers un point de bascule dangereux

Cette raréfaction des terres interdit quasiment l’accès à la propriété agricole aux petits paysans aux petits éleveurs dont ceux des peuples autochtones . Ces pressions compromettent gravement les moyens de subsistance des petits producteurs et les menacent d’une marginalisation dangereuse pour la sécurité alimentaire.

Ces phénomènes impactent particulièrement l’Afrique sub-saharienne et l’Amérique latine. Le prix mondial des terres a doublé entre 2008 et 2022 et triplé en Europe centrale et orientale.

La financiarisation croissante du marché des terres agricoles crée une grave fracture entre petits agriculteurs et investisseurs institutionnels, entre ceux qui vivent du travail de la terre et ceux de leurs dividendes.

Pour enrayer la raréfaction des terres, rétablir un accès équitable à la terre et améliorer le sort des petits exploitants, il est nécessaire d’endiguer les accaparements de terres et de mener des réformes sociales et agraires audacieuses. Les politiques publiques pourraient s’inspirer  des initiatives innovantes que prennent  de nombreuses  communautés pour défendre leurs droits dont des nouvelles formes de propriété collective et de coopératives et des modes de financement originaux.

 

Pour en savoir plus : IPES FOOD : Land Squeeze  ( www.ipes-food.org )