Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le groupe Banque africaine de développement (BAD) mène des actions en faveur du continent africain et édite chaque année un rapport intitulé « Revue annuelle sur l’efficacité du développement » (RAED). Ce rapport met en évidence le contraste entre une reprise postpandémique de la croissance économique et un ralentissement de la croissance du PIB de l’Afrique en 2022. En cause ? Le changement climatique et la guerre en Ukraine qui modifient les modèles de développement et gonflent la facture énergétique et alimentaire du continent africain, mais aussi des challenges tels que la pauvreté, la famine, la sécheresse ou le déficit d’infrastructures. Les auteurs du rapport consacrent un chapitre à la sécurité alimentaire en tant que levier de progrès et à la nécessaire transition du système alimentaire africain pour mettre le continent sur la voie d’un développement durable.  

Le groupe Banque africaine de développement vise la réduction durable de la pauvreté sur le continent par la croissance économique. En 2021, le Groupe a financé 196 opérations pour un montant global de $5,86 milliards. Il appuie sa stratégie sur l’expertise de ses trois institutions membres :

  • La Banque africaine de développement (BAD) ;
  • Le Fonds africain de développement (FAD) ;
  • Le Fonds spécial du Nigeria (FSN).

Le continent africain dispose de nombreuses ressources, naturelles et humaines, mais les économies ne peuvent pas s’appuyer sur des chaînes de valeur, le continent est encore sous-équipé en termes de mobilité, de formation et plus globalement de services à la population et aux exploitants.

La production agroalimentaire africaine reste, elle-aussi, en-deçà de ses capacités. Plus de la moitié des terres cultivables mondiales sont africaines, pourtant l’Afrique reste majoritairement importatrice et subit de plein fouet les pénuries de denrées. Elle exporte des denrées à faible valeur ajoutée et importe des produits transformés dont le coût devient inaccessible pour la majorité.

Accélérer la production agricole africaine constitue l’objectif central des programmes de la Banque dont l’action vise à enrayer le déficit commercial agricole croissant, $38,7 milliards en 2022.

En 2022, les rendements céréaliers affichaient 1,65 tonne/hectare contre 4 tonnes/hectare à l’échelle mondiale et le stress hydrique reste un frein majeur à toute progression du rendement. Les agriculteurs doivent être accompagnés dans l’amélioration de leurs techniques de fertilisation, d’irrigation et, plus généralement, dans leurs pratiques agricoles. Le conflit russo-ukrainien n’a pas permis aux agriculteurs de s’approvisionner en intrants azotés, potassiques et phosphorés, indisponibles ou trop chers.

La reprise et le niveau de la demande ont entraîné une flambée des prix, empêchant les plus pauvres de s’approvisionner en denrées essentielles (blé, maïs, huile de tournesol) et les petits exploitants de relancer la production agricole. Après son pic constaté en mars 2022, l’indice des prix alimentaires de la FAO reste à un niveau élevé comme l’indique le graphique ci-dessous.

Source : afdb.org

Aujourd’hui, les gains agricoles sont principalement générés par la vente informelle de denrées brutes. Leur transformation reste occasionnelle et isolée alors qu’elle peut générer plus de revenus, créer de l’emploi et donner du crédit à la filière agricole auprès des investisseurs.

Permettre une productivité durable

Pour enrayer le déficit alimentaire, la BAD a lancé en 2022 la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence. Doté d’une enveloppe de $1,5 milliards, ce programme d’urgence accompagne 20 millions d’agriculteurs dans l’acquisition de pratiques agricoles résilientes et plus productives. L’objectif est de produire près de 40 millions de tonnes de denrées de base (blé, maïs ou soja). Le programme, déployé conjointement avec l’UA, les Nations unies et d’autres institutions publiques ou privées, s’organise autour de quatre axes :

  1. Fourniture de semences et d’engrais ;
  2. Assistance au stockage et à l’écoulement des denrées produites ;
  3. Prêts aux coopératives et grossistes pour l’achat d’intrants ;
  4. Collaboration à la mise en place de politiques incitatives pour l’adoption de pratiques plus productives.

La Banque a déjà apporté sa contribution à l’amélioration de 1682 km d’infrastructures routières africaines. Elle promeut aussi les technologies en agriculture en soutenant, au côté de la Fondation Bill & Melinda Gates, l’initiative africaine Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine (TAAT). Ce programme consiste à introduire des technologies innovantes dans des exploitations produisant des produits de base prioritaires.

A titre d’exemple, la productivité du blé éthiopien est passée de 2 à 4 tonnes par hectares depuis 2019, en introduisant des nouvelles techniques d’irrigation combinant eaux de source et eaux pluviales. Sur la campagne 2022-2023, l’Éthiopie devrait être autosuffisante, voire en mesure d’exporter. Des expériences similaires sont conduites au Soudan, au Gabon, au Niger, en Angola et en Zambie.

Au Libéria, la Banque aide les petits exploitants à améliorer leurs revenus grâce au projet Amélioration de la productivité agricole des petits exploitants et du cadre de commercialisation (SAPEC). A travers des associations locales, des bénéficiaires (organisations, petits exploitants, agents de vulgarisation) sont accompagnés et formés à la transformation des denrées. Cette valorisation des produits et la création d’une desserte entre les zones de production et les marchés ont amélioré le niveau de vie des familles.

A travers ces différentes initiatives, les agriculteurs assimilent des pratiques économes en eau, un autre pilier de la sécurité alimentaire.

Le projet de Mobilisation des Eaux pour le Renforcement de La Sécurité Alimentaire dans les Régions de Maradi, Tahoua et Zinder (PMERSA-MTZ), porté depuis huit ans par le Fonds africain de développement et l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement, a permis d’améliorer la production agricole dans trois régions du Niger en utilisant les ressources aquifères :

  • Développement de 18.800 hectares de terres agricoles
  • Création de 10.000 puits
  • Construction de 273 km de routes

Les institutions ont impliqué les populations dans la collecte de data via une application mobile ludique. Après huit années de déploiement, les bénéficiaires constatent qu’ils accèdent plus facilement accès aux denrées alimentaires, à l’éducation et à la santé.

Source : afdb.org

Faciliter la valorisation des denrées

Afin de mettre en place de nouvelles chaînes de valeur, les acteurs doivent imaginer des procédés de transformation économes en énergie et en eau, comme le projet mené en Ouganda qui favorise la fourniture d’énergie par panneaux solaires pour la réfrigération et la transformation de ses denrées. Cette initiative valorise durablement les produits, il permet aussi d’envisager une valorisation dans des zones non alimentées en électricité.

Un nombre de projets concerne aussi la création d’infrastructures permettant la transformation et la valorisation des denrées. Ainsi le Programme commun des parcs agro-industriels (CAAP) prévoit la construction de cinq pôles régionaux répartis dans les principales régions d’Afrique et destinés à réorganiser les territoires ruraux pour en faire des zones économiques pourvoyeuses d’emplois.

En amont, la Banque collabore avec les États africains et des opérateurs privés pour définir le modèle de mise en œuvre de ces zones agro-industrielles. Les premières agro-industrialisations ont débuté, d’autres sont en réflexion, au total une vingtaine de pays africains seront soutenus par la Banque dans leur participation au Programme CAAP.

Ces nouvelles zones d’activités humaines ne peuvent ignorer les préoccupations environnementales et les objectifs d’atténuation des effets climatiques fixés par les autres programmes de la Banque :

  • Programme de gestion participative des forêts ;
  • Programme de développement de produits non ligneux ;
  • Programme de remise à niveau de 2700 fourneaux…

Les événements mondiaux ont bouleversé une Afrique déjà fragile. La Banque accompagne le continent afin qu’il ait les moyens de se relever de ces crises mais aussi d’opérer sa transition face à ses propres défis que sont le climat, la pauvreté et les conflits internes.

Source : afdb.org