Comprendre les enjeux de l'agriculture

Les pays riches soutiennent leur agriculture tandis que les pays à faible revenu n’ont toujours pas les moyens économiques pour tirer leurs paysans de la pauvreté. Or l’agriculture représente une part importante de leur PIB.

Une étude de Farm, la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde  étudie et compare les politiques publiques et budgétaires de 88 pays dédiées au soutien à leur agriculture.

Dans chacun de ces pays, le soutien total à l’agriculture comprend le soutien par les prix apporté aux producteurs (SPM exprimé en % de la valeur de la production agricole) et les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA exprimées en % de la valeur de la production agricole). Il s’agit alors de transferts budgétaires à la production (Aides Pac dans l’Union européenne), à la consommation et au financement de services collectifs dans les zones rurales (constructions de centre médicaux par exemple). Ces trois dépenses sont évaluées elles-aussi aussi en pourcents de la valeur de la production agricole.

Au Sénégal, le soutien total (ST) à l’agriculture et à l’alimentation équivaut à 19,6 % de la valeur de la production agricole en 2019-2021. En conséquence, les aides allouées à l’agriculture sénégalaise, toutes natures confondues, équivalent à 19,6 % de la valeur de la production agricole.

Comme les producteurs sénégalais ne bénéficient d’aucun soutien des prix à la production (SPM = 0 %), les DPAA sont réparties entre des soutiens à la production (3,8 %), à la consommation (1,8 %) et aux financements de services collectifs (14 %).

Mais certains pays privilégient le soutien par les prix. En Corée du Sud par exemple, le PSM est de 44 % alors que les DPAA sont égales 15%.

Parmi les 88 pays étudiés par FARM, les taux de soutien ST à leur agriculture dépendent des politiques agricoles conduites par leur gouvernement mais aussi du niveau de revenu de leur population.

Toutefois, les disparités de taux de soutien (ST) entre pays à revenus équivalents, sont au moins aussi élevées qu’entre deux groupes de pays de revenus différents.

Entre 2019 et 2021, le ST moyen des pays à revenu élevé est de 29 %. Il est le plus faible en Nouvelle Zélande (2 %) et le plus élevé en Norvège (86 %).

Pour leur part, les Etats- Unis (ST=29 %) sont dans la moyenne des pays à revenu élevé (29 %) tandis que l’Union européenne est à 25 %.

Pour ces pays à revenu élevé, les soutiens à l’agriculture sont majoritairement des dépenses publiques (aides Pac par exemple). Estimés à 22 % en moyenne, les soutiens DPAA oscillent entre 2,4 % dans les pays les plus libéraux (Nouvelle Zélande, Australie) et 56,8 % en Norvège.

Les soutiens apportés par les prix aux producteurs sont faibles. Cependant, l’Islande, la Suisse et la Norvège font exception avec des SPM respectifs de 43 %, de 48 % et de 57%.

Dans les pays à revenus intermédiaires, le ST moyen est de 14 %. Mais par pays, il varie entre 4 % au Brésil et 47 % en Jamaïque.

Les DPAA de ces pays fluctuent pour leur part entre 0,6 % (Ghana) et 24,3 % (Inde), avec une moyenne de 9 %.

Le SPM est de 5 % en moyenne. Toutefois, ce soutien direct aux producteurs est sensiblement plus élevé dans les pays d’Amérique centrale retenus par FARM dans son étude (Jamaïque, Haïti par exemple).

Pour les pays à faible revenu, les soutiens à leur agriculture sont essentiellement des DPPA. Mais là encore, la moyenne de 10 % masque de forts écarts entre les pays avec des DPPA oscillant entre 2,1 % au Malawi et 19,1 % en Ethiopie.

« Comme dans l’ensemble des pays à faible revenu, l’essentiel du soutien public à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne est massivement orienté vers les services collectifs à l’agriculture et l’alimentation, analyse FARM. Ces services représentent plus de 80 % du total des dépenses budgétaires agricoles mais les deux-tiers ne ciblent pas directement le secteur agricole. Il s’agit par exemple de dépenses rurales de santé, d’éducation, d’infrastructures, etc. ».

L’écart du soutien entre pays à revenu élevé, pays à revenu intermédiaire et à revenu faible s’accroît considérablement quand on rapporte les montants alloués au nombre d’actifs familiaux ou salariés travaillant en agriculture.

« Ainsi, les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation par actif agricole, aux États-Unis (45 700 $), sont 80 fois supérieures à celles existant en Inde et 2 690 fois plus importantes qu’au Ghana (17 $) », rapporte FARM.

Or dans les pays africains au asiatiques à faible revenu, les producteurs occupent une place capitale dans l’économie et l’emploi.

Par ailleurs, seuls dix des quinze pays analysés ont atteint la cible de financement décidé par les États africains lors à Maputo en 2003 (1), « à savoir consacrer au moins 10 % des budgets publics au secteur agricole afin de lui insuffler un nouvel élan et ainsi stimuler sa croissance à 6 % par année » rapporte la Fondation.

Rétrospective de vingt ans

Un autre volet de l’étude de Farm compare, entre 2000-2002 et 2019-2021, l’évolution des dépenses budgétaires dédiées au financement des politiques de soutien.

Il y a vingt ans, le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation (ST) des pays à revenu élevé était de 42 %, soit 13 points de plus qu’en 2019-2021. Mais dans les pays à revenu intermédiaire, le ST moyen a augmenté de 3 points, passant de 11 % à 14 %.

Entre 2000-2002 et 2019-2021, le soutien des prix à la production dans les pays à revenu élevé a diminué de 11 points, passant de 18 % de la valeur de leur production agricole à 7%. Mais les dépenses publiques sont restées globalement stables (DPAA = 24 % de la valeur agricole).

En 2000-2002, les pays à revenu élevé soutenaient alors massivement les prix à la production. La Norvège et l’Islande battaient alors tous les records avec des ST respectivement de 125 % et de 102 %. Autrement dit, les aides représentaient plus de deux fois la valeur de la production agricole.

A la même époque dans l’Union européenne, le ST était de 41% en 2000-2002 et l’écart avec la moyenne des pays à revenu élevé était de 1 % seulement.

Dorénavant, l’Union européenne se situe en dessous de la moyenne des pays à revenu élevé. Le ST de 25% est inférieur de 4 points à la moyenne de 29 %.

Mais aux Etats-Unis, le ST ne s’est replié que de 7 points, passant de 36 % en 2000-2002 à 29 % vingt ans plus tard, pour se situer exactement dans la moyenne des pays à revenu élevé.

En conséquence, l’Union européenne a davantage restreint les soutiens apportés à son agriculture (ST=25 %) que les Etats-Unis puisque le ST européen a diminué de 16 points !

Mais cette baisse de soutien en 20 ans est principalement liée au recul de 12 points du SPM.

En fait, les pays qui soutenaient considérablement les prix à la production se sont quelque peu désengagés. En Norvège, le SPM a baissé de 19 points entre 2000-2002 et 2019-2021, passant de 49 % de la valeur agricole à 30 %.

Parmi les pays à revenu intermédiaire, certains d’entre eux se sont désengagés de l’agriculture tandis que d’autres consacrent une part croissante de fonds publics pour maintenir des agriculteurs en activité.

En 20 ans, le ST apporté à l’agriculture a diminué de 19 points en Turquie et au Mexique, passant respectivement de 43 % à 24 % et de 30 % à 11 %. Les baisses portent à la fois sur les SPM et les DPPA.

Le Sénégal n’est pas en reste, les DPPA se sont repliées de 23 points (43 % à 20 %). Le SPM était déjà nul.

Mais aux Philippines et en Indonésie, le ST des deux pays a progressé de 8 points et de 10 points pour atteindre 23 % et 22 %.

Ces dernières années, la hausse des prix mondiaux des commodités agricoles a aussi chamboulé l’architecture des soutiens à l’agriculture.

 « Toute augmentation du prix mondial du produit a pour effet mécanique de réduire la différence de ce dernier (prix mondial) avec le prix du marché intérieur et par conséquent, la baisse du soutien des prix du marché et du soutien total », stipule les auteurs de l’étude.

Dans les pays à revenu intermédiaire, la hausse des prix agricoles n’a pas eu d’incidence notable sur le soutien des prix agricoles puisqu’il était déjà très faible (3 % en 2000-2002).

Le libéralisme russe et ukrainien 

Avec un ST de 2 %, l’Ukraine est le pays qui soutient le moins ses agriculteurs. Rapporté à la valeur de sa production agricole, ce ST est même le ST positif le plus faible au monde.

La Russie fait aussi partie des pays les plus frugaux de la planète puisque le ST est de 12%.

Depuis 2014, les politiques de convergence de soutien à l’agriculture et à l’alimentation entre les pays à revenu élevé et les pays à revenu intermédiaire ont marqué le pas.

En 2000-2002, l’écart du ST était de 31 points. Vers 2014, il n’était plus que de 10 points avant de se redresser pour atteindre 15 points en 2019-2021.

 ST négatif

Quelques pays mènent des politiques de soutien négatif. En Argentine, le taux de soutien total à l’agriculture est de – 5 %. Autrement dit, les prix de vente des produits à la consommation sont subventionnés et les prix des denrées exportées sont taxés, ce qui diminue les prix payés aux producteurs.