Comprendre les enjeux de l'agriculture

Depuis les années 70, des végétariens convaincus ont tenté de lancer des substituts de viande à base de protéines végétales. Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que des entreprises innovantes proposent de la viande alternative pus attractive sur les plans visuel et gustatif. Certaines d’entre elles, comme Beyond Meat ou Impossible Food, bousculent le monde de la viande tel que nous le connaissons. Leur conquête du marché a du mal à dépasser une contradiction: elles doivent copier une filière qu’elles dénigrent. Dans cette aventure, la France , habituellement pionnière en matière de soutien aux startups, rechigne à leur donner accès aux consommateurs de viande. Agissant dans ce sens, Interbev veille à la préservation des intérêts de la filière viande française en protégeant ses appellations, symboles du monde agricole. La menace ne vient pas seulement de la protéine végétale, elle se trouve aussi dans la capacité de laboratoires, financés par des intérêts privés, à créer de la viande laboratoire à partir de cellules souches animales. Les partisans de ces viandes alternatives se vantent de mieux préserver les ressources naturelles et l’environnement.  Cependant les États ne doivent-ils pas aussi veiller à la préservation des cultures culinaires et des hommes qui en vivent ?

La « viande » végétale sort de sa niche

Beyond Meat, Impossible Foods, Meatless Farm Co, Oumph !, The Vegetarian Butcher dessinent un futur alternatif pour « libérer la nature », en commercialisant une viande sans protéines animales. Une initiative qui séduit les investisseurs mais qui rencontre une résistance de la part d’une frange de la population et des éleveurs financièrement lésés.

Beyond Meat, installé à Los Angeles, accueille au compte-goutte les visiteurs sur son site banalisé et anonyme, et uniquement après qu’ils se soient engagés à une certaine confidentialité. Les visiteurs découvrent en exposition de plats préparés à partir de betteraves, riz, pois et huile de coco.

La marque accepte de recevoir et de communiquer mais limite les accès à ses installations et interdit les photos. Ethan Brown, fondateur de Beyond Meat, se justifie en expliquant que l’enjeu est de taille sur le marché de la viande végétale et qu’il doit protéger ses innovations pour rester leader. Il se voit en GAFA de l’agroalimentaire et les investisseurs semblent le suivre, la société est valorisée à presque $9 milliards sur les marchés financiers.

Sur ce marché, l’offre ne répond pas seulement à une demande, elle propose aussi une alternative durable à la consommation selon le PDG. A Los Angeles, la majorité des restaurants affichent déjà, à côté des ribs et steaks, des « viandes » végétales.

Les États-Unis connaissent une hausse de 27% des ventes de ces produits (Good Food Institute) et les chiffres sont prometteurs pour l’Europe, Allemagne et Pays-Bas en tête. La France reste en retrait, sans doute freinée par sa culture gastronomique.

Même si la consommation mondiale de viande alternative représente moins de 5%, elle dépasse le stade de la simple lubie écologique. Les budgets alloués à la quête d’un substitut de viande au goût et à la texture similaires se comptent en milliards. L’enjeu est de séduire les mangeurs de viande animale, qu’ils soient omnivores, flexitariens ou végétariens.

Matthieu Vincent, dirigeant du cabinet de coneil parisien DigitalFoodLab rappelle qu’en un an, $1,5 milliards ont été investis dans la promotion de la viande végétale et que les budgets liés aux recherches sur les protéines alternatives ont bondi de presque 180% dans cette même période.

Toutes ces entreprises ont un allié de poids, la préoccupation environnementale des États et, dans une moindre mesure, les effets de la consommation excessive de viande sur la santé. D’autres, comme SynBioBeta, avancent même que la hausse de la demande en viande ne sera pas tenable pour la filière de production, d’autant que le bien-être animal s’invite dans l’équation.

Les débuts de la « viande » végétale n’ont pas été pris au sérieux immédiatement selon Jaap Korteweg, qui se dit surpris de l’engouement actuel. Éleveur au Pays-Bas comme les neufs générations qui l’ont précédé,  il subit de plein fouet la grippe porcine qui frappe son pays dans les années 2000. Face aux cadavres stockés dans sa chambre froide, il réalise alors qu’il doit adopter une autre voie, devient végétarien et lance sa boucherie végétarienne en 2010.

Le marché est dubitatif mais des journalistes, des chefs et des investisseurs commencent à s’intéresser à ce boucher sans viande qui pose dans un tablier blanc « ensanglanté » de jus de carottes. Les investisseurs restent frileux, l’ascension est laborieuse mais le boucher végétarien se référence auprès de 4000 magasins.

En 2018, le groupe Unilever rachète son activité et retravaille le concept, notamment grâce une équipe de recherche dix fois plus importante avec un bon retour sur investissement : +70% en 2020.

Autre victoire, celle de Beyond Meat et d’Impossible Food qui intronisés par le Nasdaq, signe de l’intérêts des investisseurs. Pour les fondateurs, c’est la fin des doutes et des moqueries. Oubliées les premières dégustations où des investisseurs dubitatifs et narquois, rejetaient le concept.

A Los Angeles, Beyond Meat construit actuellement des bureaux, des laboratoires et un campus sur 25.000 mètres carrés, alors qu’elle vient d’ouvrir des usines en Europe et en Asie. Elle doit désormais compter sur un sérieux concurrent , Impossible Food.

Impossible Food, situé à San Francisco, est le bébé de Pat Brown, ancien professeur de biochimie à Stanford. Le fondateur mise sur la science pour réussir.  Sa dernière étude porte sur les pollutions engendrées par l’élevage : Eliminating Animal Agriculture Would Negate 56 Percent of Anthropogenic Greenhouse Gas Emissions Through 2100.

Après des recherches poussées, il a réussi à synthétiser de l’hème à partir du soja grâce à une levure génétiquement modifiée. Ce composé rouge contient du fer qui donne le même goût métallique que la viande. Son ambition première n’est pas l’entrepreneuriat mais la création de sa société et son introduction en bourse légitiment ses travaux de recherche scientifique.

Ce procédé d’élaboration permet l’obtention d’un substitut au goût très proche de celui de la viande mais le composé n’est pas encore autorisé en Europe.

A coup de slogans accrocheurs et de guests VIP, les deux entreprises, Beyond Meat et Impossible Food, se livrent plutôt une guerre d’image, à savoir laquelle incarnera le mieux la nouvelle « cool » attitude en matière d’alimentation. Cette communication cible les jeunes qui réagissent favorablement à cette nouvelle philosophie gastronomique. Les fondateurs sont accueillis en VIP lorsqu’ils interviennent dans des conférences universitaires.

Le graal en matière de développement reste le marché du fast-food, notamment McDonald’s et ses 2,5 milliards de burgers annuels. Les premiers essais de burgers végétariens indépendants n’ont pas rencontré un vif succès, Beyond Meat et Impossible Food savent qu’ils doivent s’appuyer sur le référent du secteur pour pénétrer ce marché.

En 2014, Kathy Freston, propriétaire du meilleur restaurant vegan de Los Angeles est invitée chez Oprah Winfrey, elle explique qu’elle regrette l’absence de menu végétarien chez McDonald’s.

Devant l’engouement du public pour la restauratrice, la chaîne de fast-food tente de commercialiser un hamburger vegan dans quelques points de vente finlandais, sans succès. Il faut dire que l’enseigne n’est pas organisée pour la préparation et la cuisson de steaks végétaux, sauf à investir dans de nouveaux équipements, un surcoût que les managers de restaurant ne peuvent pas assumer.

C’est finalement Burger King qui signe le premier avec Impossible Food. Dans la foulée, McDonald’s entame une collaboration avec Beyond Meat, pour rester dans la course.

Que fait la filière viande face à ce défi ? Elle s’empresse d’investir dans cette nouvelle activité qui suscite tant d’engouement mais qui a besoin de budgets recherche conséquents. Pour la filière viande, c’est le moyen de prendre part à l’émergence de ce nouveau marché et d’en comprendre les menaces et les opportunités, une stratégie que leurs détracteurs qualifient de « greenwashing ».

Ainsi, le premier exportateur de boeuf américain Tyson Foods a investi $34 millions dans Beyond Meat tandis que le leader brésilien JBS a racheté pour près de 350 millions d’euros la startup Vivera qui prépare des plats à base de protéines végétales.

Un nouveau challenger américain, Atlast Food, tente de se différencier par l’utilisation de champignons et de protéines naturelles. Selon son PDG, les nouveaux produits sur le marché ont une composition trop étoffée. Or, en termes de nutrition, les préconisations vont vers des produits peu transformés avec peu d’ingrédients.

Pour son produit phare, le bacon, Atlast Food assure n’utiliser que six ingrédients alors que des jambons classiques affichent 7 ou 8 ingrédients. Le bacon est un produit phare aux États-Unis, le marché américain pèse $6 milliards à lui seul. La société ne vend son produit que dans un seul supermarché pour l’instant avec un certain engouement de la clientèle.

Jeroen Willemsen, dirigeant de Foodvalley, plateforme d’innovation alimentaire, voit défiler des startupers attirés par le succès de Beyond Meat ou Impossible Food. Parmi les startups rigoureusement sélectionnées, une sur deux fait faillite. L’exercice est double, franchir simultanément les obstacles liés au démarrage d’une startup tout en surmontant les coûts de l’innovation.

Un ancêtre vegan moins capitaliste

Au début des années 70, le Néerlandais Jan Juffermans rêvait déjà d’une société sans viande.

En 1972, lorsque le Club de Rome, think tank de l’époque, publie son rapport sur les conséquences environnementales de la croissance, intitulé  Les limites de la croissance, il se lance dans l’activisme, notamment en parodiant la campagne du gouvernement néerlandais en faveur de la filière viande. Soutenu dans son action par la presse et les ONG, il va consacrer sa carrière au militantisme par diverses initiatives :

La lutte n’est pas finie. Dans le village néerlandais de Boxtel, les militants demandent la fermeture du plus grand abattoir du pays. L’objectif est ambitieux, cet abattoir abat 20.000 cochons par jour, le groupe qui le détient emploie 4 500 personnes et affiche un chiffre d’affaires annuel de $4,9 milliards.

C’est aussi en 1971 que naît The Farm, dans le Tennessee, une communauté de végétariens radicaux, guidée par Stephen Gaskin, ex-enseignant à l’université de San Francisco. Parmi les nombreux règlements, aucun produit animal n’est autorisé. Sur cette terre à $150 l’hectare, la communauté cultive et produit tout ce dont elle a besoin, y compris du tempeh, un soja fermenté qui ressemble à de la viande. Un laboratoire de microbiologie est construit pour peaufiner la recette du tempeh, avec l’espoir qu’il supplante la viande. Le guide spirituel de la communauté s’appuie sur l’ouvrage « Diet for a small planet » écrit par Frances Moore Lappé en 1971. Dans ce livre avant-gardiste , elle incite déjà les populations à adopter un nouveau régime alimentaire pour protéger les ressources naturelles.

Ce succès littéraire inspira quelques esprits entrepreneuriaux, y compris dans la communauté hippie. Gregory Sams est l’un d’eux. Dégoûté de la viande, il découvre la macrobiotique, une forme d’harmonisation entre son régime alimentaire et sa philosophie. En 1968, cloué sur un fauteuil roulant suite à un accident, il quitte les États-Unis pour la Grande-Bretagne et ouvre à Londres son restaurant végétarien sous l’enseigne Seed. Il y propose un burger végétarien sous l’appellation veggie burger, une marque qu’il dépose en 1980 et qui rencontre un énorme succès. En 1988, il décide de vendre son entreprise pour revenir à ses premières aspirations hippie.

Inspiré de Grégory Sam, Seth Tibbott lance Turtle Island Foods et propose ,en 1995, un produit innovant : une dinde de Thanksgiving 100 % tofu, la Tofurky. Après avoir vendu plusieurs millions d’unités, il propose de la charcuterie à base de tofu.

Il cherche alors à se structurer pour se développer à plus grande échelle, il va rencontrer un jeune entrepreneur, Ethan Brown, futur dirigeant de Beyond Meat, ce dernier choisira de se lancer en solo. S’il n’a pas finalisé sa collaboration avec le fondateur de Beyond Meat, Seth Tibbott avoue surfer sur l’engouement provoqué par Beyond Meat et Impossible Food.

Pour Grégory Sam, le risque, s’il n’y a pas de régulation, est de tomber dans l’industrialisation agroalimentaire reprochée à la filière bovine avec des produits hyper transformés, peut-être plus nocifs que la viande. Quant à Marian Grebanier, ancienne adepte de The Farm, désormais thinh tank écologiste, l’erreur est de vouloir imiter la viande plutôt qu’adopter un nouveau régime alimentaire en redécouvrant la variété alimentaire.

Steak végétal, la France résiste

Les éleveurs français tentent de s’opposer à cette conquête du consommateur de viande qui s’accompagne, selon eux, d’une campagne de dénigrement tout en fermant la porte à toute alternative. Pour le monde agricole c’est, à n’en pas douter une volonté d’éradication.

Les collectifs qui représentent les agriculteurs et tous les professionnels de la filière viande mettent en œuvre leur lobbying et luttent contre un usage sémantique abusif. Cédric Viallemonteil, éleveur français installé dans le Massif central, reproche aux nouvelles entreprises du steak végétal de voler des appellations qu’il estime réservées comme « fermier ». Il regrette aussi que cette industrie naissante en fasse des pollueurs et des assassins.

Face à lui, Cédric Meston et Guillaume Dubois sont les fondateurs de « Les Nouveaux Fermiers », première startup française à présenter des steaks, nuggets, aiguillettes, chipolatas… issus du végétal. Anciens collaborateurs McKinsey, ils ont séduit Xavier Niel, la Bpi et Adrien de Schompré (Sushi Shop) et réussi à placer leurs produits dans 1000 points de vente et 400 points de restauration. Les deux jeunes créateurs font pourtant profil bas, refroidis par les menaces reçues par leurs clients ou eux-mêmes. Structures, usines, chiffre d’affaires, tout reste confidentiel.

Au-delà de la bataille économique, le véganisme est aussi une bataille idéologique. Après plusieurs années de véganisme teintées de marginalisation, Jean-Luc Zieger lance en 2009 sa boutique spécialisée vegan. Celle-ci génère aujourd’hui plusieurs millions d’euros. Il reconnaît que l’année 2015 et ses vidéos L214 dénonçant la maltraitance animale ont marqué un tournant dans la considération des nouveaux modes alimentaires.

Malgré tout, difficile d’ignorer les intérêts d’une industrie de la viande qui génère plus de 30 milliards d’euros annuellement et emploie 100.000 personnes. La filière viande est leader et puissante, son réseau de lobbys  a un carnet d’adresses efficace. La FNSEA et Interbev ont des accès quasi directs aux décideurs de l’État français.

La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) compte plus de 200.000 adhérents et L’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) dispose d’un budget de 32 millions d’euros par an pour appuyer son secteur, notamment par la perception d’une contribution obligatoire sur les produits carnés, versée par tous les acteurs de la filière.

Ces deux défenseurs de la viande traquent les appellations non règlementaires ou trompeuses pour le consommateur et exigent le retrait des produits incriminés, en vertu du code de la consommation, de l’artisanat… La majorité s’exécute faute de moyens pour se défendre

Depuis 2020, les mots tels que steak ou saucisse sont interdits aux produits à base de protéines végétales, du moins sur le territoire français car le Parlement européen a refusé de restreindre l’emploi de burger ou saucisse.

Dès septembre 2020, Interbev, Inaporc et Anvol ont assigné l’entreprise « Les Nouveaux Fermiers » en justice pour l’utilisation des mots « fermiers » et « viande » avant  de s’attaquer au logo de Beyond Meat. Marc Pagès, directeur d’Interbev, est confiant, il estime qu’il a le soutien de l’Elysée et du gouvernement.

Le gouvernement français se défend d’avoir choisi un camp. Le ministre de l’Agriculture rappelle qu’il a promis 120 millions d’euros pour la structuration de la filière des protéines végétales pour faire face aux importations de soja et de pois. Mais il confirme qu’il ne prendra pas de décision qui nuirait au développement d’une filière nationale… de viande.

Thomas Jonas, fondateur de Nature’s Fynd, installée à Chicago, a décidé de poursuivre son expérience entrepreneuriale loin de la France. Son entreprise est soutenue par Gates, Al Gore ou  Bezos. Il prédit un avenir brillant aux produits de substitution et travaille sur de nouvelles protéines issues de champignons. Pour lui, levures et bactéries sont déjà ancrées dans les produits français : baguette, fromage et vin. La France ? Ce sera pour plus tard mais il regrette que son pays prenne du retard en la matière aveuglé par le lobbying.

Pourtant le marché de la « viande alternative » croît de 8% par an , Burger King a lancé son Veggie King, avec un succès supérieur aux attentes.

Etienne Fourmont, éleveur dans la Sarthe, concède qu’il vaut mieux cohabiter que résister vainement face à une possible évolution des habitudes alimentaires. Son souhait est que ces alternatives profitent au moins à l’emploi sur le territoire.

Quel potentiel pour le steak de cellules souches ?

La viande cultivée en laboratoire semble être un compromis prometteur entre la viande classique et les substituts végétaux : de la viande sans sacrifice animal.

En Israël, The Chicken propose des plats vegan composés à partir de cellules prélevées dans l’œuf et cultivées quelques jours dans un bioréacteur. Le restaurant offre l’expérience de ce repas car la vente de ce type de produit n’est pas encore autorisée. Résultat, il faut s’inscrire sur liste d’attente six mois à l’avance pour espérer obtenir une place dans ce restaurant. Pour les végétariens nostalgiques de la viande, c’est une aubaine.

Pour le PDG de SuperMeat, initiateur du projet, il est impossible de faire la différence entre la viande qu’il sert et celle issue d’une volaille élevée en plein air.

Si les protéines végétales permettent éventuellement d’obtenir la couleur et le goût de la viande, Yaakov Nahmias, fondateur de Future Meat Technologies et ancien d’Harvard et du MIT, confirme que les protéines végétales n’apportent pas l’odeur caractéristique de la viande.

A travers le monde 80 startups s’affairent à l’ élaboration d’une une viande sans animal. Le principe se répète, prélever une cellule sur un animal et la multiplier en laboratoire dans une solution composée d’acides aminés, de glucose, de vitamines. Parfois, les chercheurs y ajoutent du sérum fœtal, au sein d’un bioréacteur.

Les cellules musculaires, grasses ou cartilagineuses obtenues sont collectées et préparées grâce à une imprimante 3D, un processus qui prend entre 2 et 8 semaines.

En 2013, Mark Post, chercheur à l’université néerlandaise de Maastricht a présenté au public son premier hamburger « in vitro », d’une valeur de 250.000 euros. Deux cents journalistes couvrent l’événement, un critique culinaire et une nutritionniste sont invités à goûter ce hamburger d’exception. Mark Post a pu mener à terme son projet grâce à Sergey Brin, cofondateur de Google, désireux de réduire la souffrance animale.

L’histoire donne raison à Churchill qui exposait l’absurdité d’élever un poulet pour n’en consommer que quelques parties.

Le précurseur néerlandais Willem van Eelen avait déposé un premier brevet en 1999. Il est considéré comme le pionnier de la viande de culture. Mark Post l’a soutenu, ainsi que Jason Matheny, désormais conseiller de Joe Biden et fondateur de New Harvest, institut de recherche dédié à l’agriculture cellulaire.

La difficulté réside dans l’importance des fonds d’investissement nécessaires à la création d’un stade industriel de production. En 2020, le gouvernement israélien avait soutenu à hauteur de 85% le projet Aleph Farms du franco-israëlien Didier Toubia. La startup cote aujourd’hui $118 millions.

Outre le débat sur la qualification « casher » de cette nouvelle viande, certains doutent de sa capacité à produire suffisamment de viande pour satisfaire l’ensemble des besoins. De plus, les chercheurs évoquent les risques d’infection liés à l’usage de la multiplication de cellules.

Ricardo San Martin, directeur du Centre des alternatives à la viande de l’université de Berkeley, en Californie, explique que peu de sociétés ont déposé de brevets concernant des procédés aboutis.

Malgré ces réticences, des entrepreneurs américains anticipent une autorisation de mise sur le marché de la viande de culture et travaillent à sa production dans des conditions de texture acceptables et en quantité supérieure. Upside Foods en fait partie, elle est soutenue par des milliardaires américains sans avoir encore produit et sans être autorisée par le gouvernement américain. Le PDG d’Upside Foods sait que les régulateurs étudient la question, un bon signe, selon lui.

Tous veulent croire que la décision singapourienne d’autoriser Eat Just à vendre son poulet cellulaire dans la Cité-État et le succès de l’opération marquent le début d’une nouvelle ère, même si le PDG de l’entreprise reconnaît la difficulté à rentabiliser l’activité.

D’autres innovations sont attendues, l’homme d’affaires finlandais Pasi Vainikka compte créer du Solein, une protéine obtenue par l’action de microbes nourris de CO2, d’eau et d’électricité puis déshydratée pour être traitée en 3D. Une usine est en projet et son Solein alimentera prochainement les missions sur Mars.

Source : Le Monde