Comprendre les enjeux de l'agriculture
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Ce dossier se compose de  deux parties distinctes :

1) Une présentation synthétique des protections à l’importation sur les produits agricoles : état des lieux et enjeux pour l’Afrique subsaharienne par Jean-Christophe Debar et Abdoul Fattah Tapsoba de la Fondation Farm ;

2) Un débat entre Jean-Christophe Debar (Président de Farm), Pierre Jacquet (président du Global Development Network et du Conseil scientifique de FARM) et Laurent Levard (spécialiste des questions d’agriculture et de politique commerciale au Gret).

La question traitée est d’une importance capitale pour l’avenir des agricultures africaines : les États de l’Afrique subsaharienne ont-ils intérêt à augmenter ou diminuer les droits de douane sur les produits agricoles importés ? La réponse des intervenants est toute en nuances : le pragmatisme est de mise. En effet, toute hausse, en renchérissant le prix des aliments importés, pénaliserait les populations urbaines. Toute baisse, en entraînant une chute des aliments importés, pénaliserait les petits agriculteurs soumis à une concurrence accrue des produits achetés à l’étranger. La question du niveau des droits de douane doit se traiter dans le cadre plus large des politiques agricoles des États. Notamment, une baisse des taxes à l’importation ne peut être légitime que si elle s’accompagne d’investissements publics destinés à améliorer la productivité agricole et donc à améliorer les revenus des petits fermiers. C’est la seule façon de compenser les pertes de revenu de ces derniers due à a concurrence des produits importés.

1/Les protections à l’importation sur les produits agricoles : état des lieux et enjeux pour l’Afrique subsaharienne

Principaux résultats

  • Au niveau mondial, en 2013, la protection tarifaire moyenne sur les produits agricoles était d’environ 13 %
  • Les droits de douane sont en moyenne plus élevés sur les produits alimentaires que pour les produits non alimentaires
  • De même, les produits agricoles transformés sont généralement plus protégés que les produits bruts
  • Dans les principales régions, c’est en Asie du Sud et en Afrique du Nord que les tarifs moyens sur les produits agricoles sont les plus élevés. La protection en Afrique subsaharienne (15 %) est inférieure à celle des autres régions en développement
  • Constat à mettre en relation avec la faiblesse des dépenses publiques agricoles en ASS

Protection des sous-régions d’Afrique subsaharienne vis-à-vis du reste du monde

Source : FARM d’après données harmonisées MAcMap-HS6 du CEPII et CCI

En 2013, toutes les sous-régions, à l’exception de l’Afrique australe, protégeaient moins leur agriculture vis-à-vis du reste du monde qu’à l’égard des sous-régions du continent

Enjeux politiques pour l’Afrique Subsaharienne : des marges de manœuvre limitées pour l’augmentation des protections sur les produits agricoles.

1- Le dilemme  des prix alimentaires

  • Réduire la concurrence des importations à bas prix par une hausse des droits de douane risque de pénaliser les consommateurs les plus pauvres, très sensibles à la hausse des prix
  • Pour sortir de ce dilemme, l’accroissement éventuel de la protection tarifaire pourrait s’inscrire dans le cadre d’une stratégie de développement globale, combinant diverses mesures :
    • des dispositions fiscales permettant de réduire la facture alimentaires
    • des ménages les plus pauvres
    • une hausse modérée des droits de douane conjuguée à un fort appui à l’investissement dans l’agriculture
    • la réduction des inefficacités de marchés et des interventions déstabilisantes des Etats visant à restreindre les exportations agricoles en cas de flambée des cours
    • l’amélioration du pouvoir de marché des agriculteurs au sein des filières

2- Les accords commerciaux

Les Etats africains disposent individuellement de marges de manœuvre théoriques pour augmenter les droits appliqués jusqu’au niveau des tarifs consolidés à l’OMC.

Mais ces marges sont limitées en raison de :

  • l’appartenance à des  communautés   économiques  régionales  : il est politiquement difficile d’augmenter le tarif extérieur commun
  • la perspective de la ratification des Accords de partenariat économique (APE), avec cependant une protection des produits sensibles
  • la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), dont les conditions de mise en œuvre restent à définir et qui laissent en suspens des questions majeures (budget commun, protection vis-à-vis des pays tiers…)

En conclusion

  • Pour une approche pragmatique de la protection
     
  • Le débat sur la protection de l’agriculture africaine ne devrait pas être tabou, mais faire partie intégrante des questions qui structurent l’agenda politique visant à une plus grande intégration économique de la région
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