Les conséquences de la guerre commerciale déclenchée par Washington sont encore difficiles à évaluer. Il est cependant d’ores et déjà acquis que les premières victimes de cette guerre seront les agriculteurs américains. Entre autres mesures de rétorsion, la Chine va surtaxer 90% des produits agricoles importés des Etats-Unis, 90% au total. Pékin cible, ainsi, le cœur de l’électorat de Trump.
Le 15 juin, Donald Trump annonçait l’imposition de droits douane additionnels de 25 % sur 50 milliards de dollars d’importations chinoises. Il réagissait ainsi à l’absence de réponse de Pékin à la demande américaine de mise en conformité de la Chine aux conclusions de la procédure de la Section 301 sur la propriété intellectuelle, l’innovation et les transferts technologiques. Les produits chinois visés sont regroupés en deux listes : la première de 34 milliards de dollars sera soumise aux droits additionnels dès le 6 juillet prochain. La seconde, de 16 milliards, fera l’objet d’une mise en œuvre à une date ultérieure non encore précisée (probablement en septembre). L’objectif du président américain est de réduire le déficit commercial avec la Chine de 200 milliards de dollars. Il est actuellement de 376 milliards de dollars sur les échanges de marchandises.
$ 50 milliards de produits surtaxés
La Chine a immédiatement réagi en annonçant des mesures de rétorsions équivalentes sur 50 milliards d’importations américaines et applicables également le 6 juillet prochain. Elles seront soumises à un droit supplémentaire de 25 % ad valorem. Sont visés les automobiles, le charbon et le pétrole, et la quasi totalité des exportations agricoles et agro-alimentaires des Etats-Unis vers la Chine : soja, maïs, blé, sorgho, riz, viande porcine, viande bovine, volaille, produits laitiers, pommes et poires, légumes, fruits secs, jus de fruits, tabac et whiskies. Au total 294 lignes tarifaires agricoles et agroalimentaires sont concernées, soit 90 % des exportations agro-alimentaires des Etats-Unis vers la Chine. Pékin a également retiré l’offre d’achat de 70 milliards de produits agricoles et énergétiques qu’elle avait faite aux Etats-Unis une semaine avant l’annonce des sanctions américaines.
Le 18 juin, la Maison Blanche a annoncé une nouvelle vague de droits additionnels de 10 % sur 200 milliards d’importations en réponse aux mesures chinoises. Donald TRUMP a doublé la mise, en révélant que si la Chine répondait à la seconde salve, il appliquerait des droits de 10 % sur une tranche supplémentaire de 200 milliards. ”Ni la Chine, ni aucun autre pays au monde ne pourra continuer à tirer avantage et à exploiter les Etats-Unis plus longtemps”, a déclaré le président des Etats-Unis. Au final sur les 505 milliards de dollars d’importations chinoises en 2017, Donald Trump menace de taxer 50 + 200 + 200, soit 450 milliards de dollars. Ce chiffre représente 90 % des importations en provenance de Chine.
Pékin accusé de non-respect des règles de l’OMC
Si dans l’ensemble la classe politique et les milieux d’affaires saluent la fermeté de Donald Trump et partagent l’objectif affiché de contraindre la Chine à des réformes structurelles, les agriculteurs américains sont particulièrement inquiets. Les rétorsions chinoises vont plomber un revenu agricole déjà dégradé, les produits les plus impactés étant la viande porcine, les pommes et le whisky, et bien sûr le soja si les droits sont appliqués le 6 juillet. Les achats chinois sont concentrés en automne et en hiver. Il convient de ne pas oublier des pertes d’emplois aux Etats-Unis, notamment dans les filières gourmandes en main d’œuvre comme les pommes. Quant aux consommateurs américains ils redoutent un renchérissement des prix sur les produits grand public (smartphones et TV par exemple).
Il est également reproché à Donald Trump d’avoir déclenché une offensive tous azimuts et d’avoir aussi ciblé les alliés traditionnels des Etats-Unis plutôt que de privilégier un véritable partenariat avec l’Union européenne, les pays de l’Alena (Mexique et Canada) et les pays TPP (Accord de partenariat transpacifique) dont le Japon pour mieux affronter la Chine sur le terrain des contentieux commerciaux et des règlements de conflits à l’OMC.
Quoi qu’il en soit la Maison Blanche semble déterminée à remettre en l’implication massive de l’État chinois dans le commerce international, alors que Pékin s’était engagé à la réduire en contrepartie de son adhésion à l’OMC. Donald Trump considère que la Chine a mis à profit cette adhésion pour aspirer des emplois américains. La Chine a du coup acquis une position dominante dans les industries manufacturières, l’acier, le solaire, les ordinateurs et l’électronique. Elle aspire même à devenir leader dans tous les secteurs de haute technologie (intelligence artificielle, biotechnologies…). Le plan « Made in China 2025 » ne se fixe-t-il pas comme objectif le contrôle de 70 % de la production mondiale dans ces secteurs.
L’Europe aussi
La Chine n’est pas seule à réagir aux sanctions américaines sur les importations d’acier et d’aluminium. L’Union européenne a publié le 21 juin un règlement d’application immédiate portant sur 2,8 milliards d’importations américaines frappées désormais d’une droit additionnel de 25 %. Sont concernés des produits destinés à l’industrie (tubes, barres et fils de fer, tringles, containers…), les motos, des vêtements (t-shirts, jeans), mais aussi des produits agricoles et alimentaires tels que le maïs doux, le maïs, le riz, le jus d’orange, les cranberries, les haricots, le tabac, les cigares et cigarettes, le beurre de cacahuètes, les bourbons et whiskies notamment.
L’Union européenne a établi une deuxième liste de produits portant sur 3,6 milliards d’euros qui pourront être soumis à des droits additionnels dans trois ans au plus tard, en fonction du règlement du différend commercial avec les Etats-Unis dans le cadre de l’OMC. Le montant total des deux listes (2,8 et 3,6 milliards d’euros) est équivalent aux importations taxées par les Etats-Unis (6 ,4 milliards d’euros).
Michel Bourdoncle