Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le cas de l’Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest a perdu l’essentiel de ses forêts. Elles ont été brûlées pour les reconvertir en plantations de palmiers à huile, de cacaoyers ou de caféiers. La forêt de la Côte d’Ivoire est passée en 50 ans de 8 millions d’hectares à 1,5, essentiellement des réserves classées. Les pieds de café ou de cacao qui rapportent davantage ont remplacé les arbres, parfois centenaires.

Le cas du Ghana est emblématique de la gravité de la situation. Depuis le début de la colonisation, la forêt ghanéenne a disparu dans une proportion inquiétante. En 1900 on estimait la couverture forestière du pays à 8 800 000 ha. Cette superficie était tombée à 4 200 000 ha en 1950 et à 1 900 000 ha en 1980. La surface actuelle de la forêt dense humide n’est aujourd’hui pas supérieure à un million et demi d’hectares. Deux phénomènes sont à l’origine de cette grave menace : la déforestation pour cause d’agriculture et la surexploitation des espèces ayant une valeur commerciale.

Plusieurs dizaines de milliers d’hectares disparaissent chaque année. Ils sont remplacés par des plantations et des cultures de rente. C’est le Slash and Burn. Les agriculteurs s’infiltrent dans les corridors ouverts par les Caterpillars ; ils s’installent dans les réserves pour planter du cacao, une culture bien rémunérée et dont le prix est stable. D’autres font du charbon de bois pour satisfaire une demande toujours croissante. De fortes densités de bétail domestique, des bovins, des moutons, des chèvres, entrent dans la zone forestière.

Dans le même temps, sur les massifs encore préservés de l’avancée agricole, les coupeurs illégaux s’adonnent au Cut and Run. Le secteur artisanal, illégal dans une grande proportion, aux marges des périmètres concédés aux grandes compagnies, est en expansion, souvent avec la bénédiction des chefferies. Selon diverses enquêtes, la moitié des arbres serait abattue illégalement par des scieurs indépendants, au moins cinq mille individus très difficiles à contrôler. On a calculé qu’une coupe annuelle autorisée de 1,1 million de m3 pour les espèces commerciales de haute futaie pouvait être soutenue. Or la coupe actuelle est en moyenne de 2 à 2,7 millions de m3 par an.

Crédit photo, Pierre Jacquemot

Pourtant d’aucuns s’accordent à reconnaître que la biodiversité a été mieux préservée au Ghana que dans les pays voisins. Dans les années 1980-1990, les préoccupations en faveur de la gestion durable des forêts sont réapparues. Une certaine rationalisation dans la gestion du secteur a été engagée. L’abattage des arbres pour le bois d’œuvre est autorisé sous forme de concessions à long terme et de permis à court terme. La réglementation a introduit des normes de marché et fait bénéficier les assemblées de district de certaines retombées économiques, sous forme de royalties, de manière encore insuffisante cependant pour que les communautés en profitent réellement. Le système d’attribution des lots par adjudication a permis une sensible augmentation des revenus générés. Une vingtaine d’essences est exploitée, essentiellement l’acajou d’Afrique, le sapelli, le tiama, l’iroko, l’afrormosia, le makoré, le sipo et l’obeche. La surexploitation d’un nombre restreint d’essences de haute futaie, a conduit à interdire l’exportation de grumes des espèces les plus menacées comme l’iroko et le sapelli.

Le cas de l’Afrique australe

Depuis 2010, à Madagascar la coupe, l’exploitation et l’exportation de bois de rose, une essence de bois rare à croissance très lente (elle met près de cent ans à se développer), dont on fait des meubles précieux et des instruments de musique, sont totalement prohibées. Depuis 2016, ce bois précieux à la couleur si recherchée fait l’objet d’un embargo international contre son commerce. Le but est de faire cesser le trafic de cette essence rare. Pourtant, avec le concours des « barons » locaux, une quinzaine de sociétés chinoises organisent l’approvisionnement de leurs clients à partir des stocks de bolabolas (nom local des rondins de bois de rose) des réserves de Zahamena (Est de l’île) et de Masoala (Nord-Est), via les ports chinois des provinces du Jiangsu et du Guangdong.

Crédit photo, Coalition Timberwatch

L’Afrique du Sud présenterait la moins mauvaise des situations. Le pays possède 40 millions d’hectares de zones forestières sur une superficie totale de 122 millions d’hectares. Il affiche la plus grande proportion du monde de superficies de plantations certifiées. Environ 82 % des zones de plantation commerciales dans ce pays ont obtenu la certification du Forest Steward Council. Afin d’alléger la pression sur les forêts naturelles, des programmes incluent des initiatives en matière de génétique, de sylviculture, de technologie de gestion forestière, et de développement des produits en bois. Certaines entreprises forestières privées visent l’autonomisation de communautés pauvres grâce à des programmes d’aide aux petits exploitants sylvicoles, qui permettent à ces forestiers de demain à développer leurs propres plantations à petite échelle.

Il n’en reste pas moins que l’une des principales difficultés pour les communautés de la région consiste à sécuriser et maintenir le contrôle sur les terres dont elles dépendent et qu’elles utilisent selon les pratiques coutumières. Les cas du Mozambique et de l’Ethiopie – et des accaparements de terres que l’on y enregistre – sont souvent cités. Lorsque les entreprises ne procèdent pas à des expulsions, elles limitent souvent l’accès à leurs terres agricoles et à leurs forêts abusivement accaparées. La sécheresse qui sévit dans la région de l’Afrique australe et de l’Est a de surcroît aggravé l’impact des plantations forestières sur les ressources en eaux souterraines et de surface. L’idée de créer des « puits de carbone » dynamise le développement des plantations en Afrique depuis plus de vingt ans. Ces projets profitent de la possibilité de gagner de l’argent facilement en produisant et en commercialisant des crédits carbone, censés compenser la pollution d’une autre industrie ou d’un autre gouvernement par ailleurs.

Les écosystèmes des plateaux intermédiaires de l’Afrique orientale et australe sont constitués de savanes à gros gibier et d’autres espaces boisés. Les zones montagneuses de l’Afrique orientale et australe s’étendent largement au-delà de la limite de végétation naturelle où les plus grandes plantations artificielles de conifères tropicaux africains alimentent les principales industries de pâte à papier et la transformation du bois d’œuvre.

En Érythrée, en Éthiopie, au Soudan, en Somalie et au Kenya, des forêts subtropicales continuent de disparaître sous la pression des déboisements pour l’agriculture, les pâturages et la production de bois de cauffe.

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