La consommation mondiale d’eau était quatre fois inférieure par tête d’habitant il y a un demi-siècle à ce qu’elle est aujourd’hui. Elle augmente nettement plus vite que la population pour au moins trois raisons principales. D’abord l’agriculture représente à elle seule près de 60 % de la consommation et elle est en progrès constant, y compris dans la plupart des pays africains. Ensuite, la consommation industrielle ne cesse de croître à un rythme élevé tant que les découplages eau versus production et énergie versus production ne sont instaurés. Enfin, la consommation humaine (eau potable et usage sanitaire) croît promptement, en particulier en ville, du fait de la demande pour une amélioration constante des conditions d’existence exprimée par les populations. Ajoutons à ces raisons que, selon les projections du GIEC, à chaque degré de température supplémentaire, environ 7 % de la population mondiale perd 20 % de ses ressources en eau renouvelable.
La consommation mondiale d’eau était quatre fois inférieure par tête d’habitant il y a un demi-siècle à ce qu’elle est aujourd’hui. Elle augmente nettement plus vite que la population pour au moins trois raisons principales. D’abord l’agriculture représente à elle seule près de 60 % de la consommation et elle est en progrès constant, y compris dans la plupart des pays africains. Ensuite, la consommation industrielle ne cesse de croître à un rythme élevé tant que les découplages eau vs production et énergie vs production ne sont instaurés. Enfin, la consommation humaine (eau potable et usage sanitaire) croît promptement, en particulier en ville, du fait de la demande pour une amélioration constante des conditions d’existence exprimée par les populations. Ajoutons à ces raisons que, selon les projections du GIEC, à chaque degré de température supplémentaire, environ 7 % de la population mondiale perd 20 % de ses ressources en eau renouvelable.
Les spécialistes sont unanimes à s’accorder à dire que la pression sur les ressources sera incomparablement supérieure dans 20 ans à ce qu’elle est actuellement. Il en sera ainsi en Afrique comme ailleurs. L’amélioration escomptée des conditions de vie de la population du continent, les progrès des États pour atteindre les Objectifs du Développement durable (ODD) qu’ils ont adoptés, la croissance des secteurs agricole et agroalimentaire et le développement manufacturier, même lent, impliqueront, de manière incontournable, une hausse significative de la consommation d’eau, mais aussi d’énergie d’origine hydraulique.
Il est donc devenu urgent d’élaborer des régimes de gestion durable de la ressource des 25 cours d’eau transfrontaliers que compte la région africaine. De quelle manière ? Après avoir présenté quatre cas africains, nous examinerons les perspectives d’évolution des modes de gestion sous l’inspiration de l’approche contemporaine par les « Communs ».
Les principes d’organisation des agences de bassin
Contrairement à une idée répandue, les pays africains, y compris ceux du Sahel, ne manquent pas d’eau. Seuls deux pays (le Cap Vert et le Burkina Faso) se situent en deçà de la norme internationale de rareté (1 700 m3 d’eau douce renouvelable par an et par personne). L’Afrique dispose de la même manière d’un potentiel considérable en ressources hydroélectriques. Le potentiel hydroélectrique en Afrique est inexploité à 92 %, alors qu’il existe des besoins criants non couverts en matière d’accès à l’électricité. Ce potentiel est largement suffisant pour satisfaire tous ses besoins en énergie. Le continent compte certains des plus grands cours d’eau au monde – le Nil, le Congo, le Niger, la Volta et le Zambèze. Le potentiel de production le plus significatif se trouve à Madagascar, au Niger, en Zambie, au Mozambique, en Guinée, en Éthiopie et surtout en RD Congo.
Derrière cette richesse virtuelle, des problèmes importants se posent en termes de disponibilité et d’accessibilité aux moments et aux lieux voulus. Ces problèmes se posent en grande partie à l’échelle des écosystèmes régionaux. L’essentiel des ressources en eau se trouve en effet dans des bassins fluviaux et des aquifères transfrontaliers.
Un bassin fluvial est un espace géographique alimentant un cours d’eau et drainé par lui. Il a pour axe le cours d’eau principal et pour limite la ligne de partage des eaux le séparant des bassins-versants adjacents. Il constitue le territoire pertinent pour traiter les causes en amont des problèmes associés aux eaux de surface : qualité et disponibilité de l’eau, pollution, besoin d’irrigation, besoin pour l’énergie, pêche, etc. L’ampleur des services écosystémiques qu’il rend dépend de son étendue, de sa topographie, de ses sols et de leur couverture végétale, de sa structure géologique, de l’organisation du réseau hydrographique qui le draine et bien sûr du climat qui l’affecte.
Les risques qui pèsent sur ses ressources sont nombreux : ruissellement, érosion des sols, lessivage des intrants agricoles, inondations. Ils sont fortement accentués par des aménagements inadaptés et des pratiques à risques. Il est en conséquence essentiel de bien apprécier ses services, de les évaluer et de les protéger contre la pression foncière, notamment par une politique d’aménagement appropriée, conciliant préservation de la ressource hydrique et utilisation des terres du bassin.
Les bassins fluviaux offrent des terrains privilégiés d’application d’une gestion intégrée des ressources en eau. Celle-ci doit globalement permettre de faire face aux problèmes liés à l’eau et à l’utilisation des terres, mais également à la gestion des intérêts en amont et en aval d’un bassin. Elle doit notamment répondre aux préoccupations nées du déplacement des résidents locaux, qui se chiffrent parfois par dizaine de milliers. Or l’on sait que la réinstallation des populations affectées et la reconstruction de leurs moyens de subsistance ont le plus souvent connu des résultats mitigés en Afrique.
Telle est la fonction des agences de bassin (il en existe par exemple 6 en France, 9 au Maroc) et des organisations en charge de la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers.
Une typologie des organisations de bassin
Pour analyser les organisations de bassin, le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO), une plateforme internationale indépendante dont le secrétariat est hébergé au sein de l’OCDE propose de distinguer :
- Les agences dont l’objet est un fleuve frontière. Le cours principal du fleuve constitue la frontière entre deux États. Le Fleuve Sénégal par exemple constitue la frontière entre le Mali et le Sénégal sur une partie de son cours et la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal sur une autre partie de son cours. Ces trois pays sont les États membres de l’OMVS. L’intégration récente de la Guinée modifie cette configuration et fait passer l’OMVS dans la troisième catégorie décrite ci-dessous.
- Celles dont l’objet est un fleuve transfrontalier. Cette catégorie est la plus fréquente en Afrique. Ainsi, le Fleuve Niger traverse successivement la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigeria. Son principal affluent, le Bénoué, traverse successivement le Tchad, le Cameroun et le Nigeria. Ces différents pays ainsi que le Burkina, le Bénin, la Côte d’Ivoire d’où partent quelques affluents du fleuve, forment les États membres de l’Autorité du Bassin du fleuve Niger (ABN). Le dispositif de la Gambie est similaire (OMVG) ainsi que celui du bassin de la Volta (ABV).
- Celles enfin, gérant un cours d’eau qui est frontalier dans certaines de ses sections et transfrontalier dans d’autres. En prenant en compte la Guinée (pays amont et nouveau membre de l’OMVS), le Fleuve Sénégal peut être rangé dans cette catégorie de cours d’eau.
Source : CSAO, 2006
Les questions d’organisation des bassins sont cruciales. Lorsque, par exemple, la responsabilité de l’eau potable repose sur une agence, celle de l’eau pour l’irrigation sur une autre agence, celle pour l’énergie sur une troisième, le manque de relations entre les trois entités entraîne inévitablement une gestion pour le moins hasardeuse et une mise en valeur sous-optimale de la ressource, avec pour résultat du gaspillage. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs décennies, de nombreuses initiatives ont été amorcées à l’échelle de grands ensembles hydrographiques dans plusieurs régions africaines.
Au cours des décennies qui ont suivi les indépendances africaines, plus de 150 grands barrages ont été construits en Afrique de l’Ouest. Bien d’autres l’ont été ailleurs sur le continent. D’autres encore sont en phase de planification pour faire face aux besoins de la région en eau mais aussi en énergie. Plusieurs expériences de gestion transfrontalières ont été créées avec des succès variés.