Comprendre les enjeux de l'agriculture

Qu’elle soit conventionnelle ou pas, la sélection des plantes crée de la biodiversité. Les biotechnologies végétales disponibles permettent d’accélérer le processus. Les chercheurs comptent sur la proposition d’un Règlement de la Commission européenne portant sur les nouvelles techniques génomiques (NTG, NGT en anglais) pour avoir les moyens de créer de nouvelles variétés aptes à résister aux stress abiotiques et biotiques et à améliorer la fixation de l’azote afin d’atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire de la planète et de sobriété en intrants et en énergies.

Les biotechnologies sont devenues des outils génétiques de haute précision. Les chercheurs n’en finissent pas de découvrir leurs atouts. Mais elles n’en finissent pas non plus d’alimenter les débats sur leur acceptabilité.

Le projet de nouveau Règlement de la Commission européenne portant sur certaines NGT facilitera le travail des chercheurs lorsqu’il sera adopté. Mais il suscite aussi de nombreuses controverses (cf encadré).

Par ailleurs, la biodiversité appelle plusieurs définitions en lien avec les enjeux sociétaux qu’elle porte. Bien qu’ils affirment, chacun, en être de farouches partisans, les écologistes et les « pro-OGM » n’en ont pas du tout la même conception !

Résistance au mildiou

Mais les faits sont là. Les biotechnologies végétales favorisent l’essor de l’agriculture écologiquement intensive, économe en intrants. En Afrique une variété locale de pommes de terre a été rendue résistante au mildiou par cisgénèse (insertion de gène(s) d’une plante donneuse dans une plante receveuse sexuellement compatible) en ajoutant à son génome les trois gènes de résistance présents dans le patrimoine génétique de variétés sauvages répandues dans la Cordillère des Andes. Au fil des sélections et des croisements, ces caractéristiques avaient disparu du génome des pommes de terre au profit d’autres critères agronomiques plus intéressants (température, rendements par exemple).

« La réintroduction de ces gènes de résistance aurait été très difficile, voire impossible, par sélection conventionnelle, prétend Georges Freyssinet, président de l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) ». Il aurait fallu réaliser une multitude de rétrocroisements, sans garantie de succès, pour obtenir une nouvelle variété de pommes de terre qui allie les caractéristiques de la variété originelle associées à celles de résistance au mildiou des variétés sauvages ».

Ne pas être dépassé par le dérèglement du climat

Lors du colloque « Biotechnologies végétales et biodiversité » organisé par le conseil scientifique de l’AFBV, les chercheurs invités ont montré que certaines biotechnologies décryptent les génomes de plantes anciennes, parfois disparues, à partir de leur pollen enfouis dans des couches sédimentaires ou dans du permafrost dégelé.

Le dérèglement du climat est si rapide que les plantes n’ont pas les moyens de s’adapter aux nouvelles conditions de température et de pluviométrie auxquelles elles sont soumises dans les écosystèmes où elles se développent depuis des millénaires. Mais les biotechnologies végétales apportent des solutions efficaces pour résoudre ces problèmes endémiques.

Elles contribuent à consolider la biodiversité de conservation qui reposait auparavant uniquement sur des techniques de sélections conventionnelles. Et en comparant les génomes, il est possible de comprendre l’évolution des gènes au fil du temps, mais aussi leur disparition ou leur apparition.

Les outils de cisgénèse et de mutagénèse ciblée permettent de réintroduire ou de modifier les gènes les plus intéressants dans le jeu de sélection variétale des plantes actuelles. Jusqu’à présent, les chercheurs ne pouvaient compter que sur les cultures cellulaires et de microplantes ou encore, sur la cryogenèse pour conserver la biodiversité.

L’obtention de plantes génétiquement modifiées accroît la biodiversité puisque de nouvelles variétés de plantes avec de nouveaux caractères sont cultivées. Et dans le même temps, elles favorisent l’essor d’un nouveau microbiote.

En effet, les cultures de variétés de maïs GM Bt, résistantes aux insectes, nécessitent moins de traitements de protection des plantes. Aussi, elles favorisent, à leur échelle, l’essor d’un écosystème sans avoir à craindre l’agent pathogène détruit pas la plante GM, alors que la multitude des traitements à spectres larges, auparavant effectués, le détruisait.

Ce constat est aussi observé dans les champs de coton Bt ou dans les plantations de Papayes résistantes au virus.

En conséquence, les biotechnologies végétales pourraient rendre les biotopes et les microbiotes plus équilibrés puisque les organismes favorables à l’essor des plantes seraient débarrassés des agents pathogènes nuisibles. A l’échelle des mycorhizes des racines des légumineuses, on pourrait ainsi imaginer booster le taux d’absorption d’azote atmosphérique des bactéries en les débarrassant des autres organismes et virus qui altèrent leur fonctionnement. Cela accroîtrait considérablement les rendements des plantes cultivées et par conséquent la production de protéines végétales.

 

De nouvelles possibilités en perspective pour augmenter la biodiversité ?

 « La publication en juillet dernier par la Commission européenne (CE) de la proposition d’un Règlement couvrant les plantes issues de nouvelles techniques génomiques (NTG, NGT en anglais) est, selon l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV), une étape importante pour aider, en Europe, au développement d’une agriculture durable qui puisse s’adapter plus rapidement aux défis du changement climatique ». Jusqu’à présent, elles étaient soumises à la Directive 2001/18/CE sur les OGM. Il s’agit par exemple de la mutagenèse ciblée ou de la cisgénèse. 

Si ce nouveau Règlement européen est accepté, il différenciera les plantes issues des NGT en fonction des modifications apportées à leur génome, et non pas en fonction des techniques employées pour les obtenir, comme c’est le cas actuellement.

Les plantes NGT-1 seraient des plantes NGT qui pourraient apparaître naturellement ou être sélectionnées conventionnellement. Elles seraient obtenues en apportant moins de vingt modifications au génome de la plante dont elles sont issues. Ces modifications doivent satisfaire un des cinq critères requis. Il s’agira par exemple d’avoir modifié dans la plante cible un gène pour reproduire un gène qui existe en l’état dans la nature.

Pour ces végétaux NGT-1, « les règles applicables aux OGM ne s’appliqueraient pas ».  Elles seront soumises aux règles des plantes issues de sélection conventionnelle.

A contrario, toutes les autres plantes NGT, dénommées NGT-2, resteraient soumises aux règles et aux exigences de la législation sur les OGM. Mais la procédure d’autorisation de ces plantes sera plus allégée.

 

De nouveaux débouchés commerciaux

L’essor des plantes NGT fait partie des objectifs du Pacte vert de la CE. En y ayant accès, « les agriculteurs bénéficieront de semences innovantes qui requièrent moins d’engrais, de produits phytosanitaires et d’eau pour se développer », affirme l’AFBV. De nouveaux marchés s’ouvriront à elles.

Jusqu’à présent, pour les plantes commercialisées dans le Monde, l’essentiel des modifications apportées par mutagenèse ciblée portent sur la qualité des produits (goût, teneur en vitamines). Les aliments consommés seront donc plus sains et plus gouteux.

« L’Europe qui se prive déjà des bénéfices liés aux OGM se privera-t-elle aussi de ceux que devraient apporter la mutagenèse ciblée ? », s’interroge l’AFBV.

Sur son site, elle s’étonne « du refus d’utilisation des plantes NGT-1 pour l’agriculture et le marché Bio alors qu’ils pourraient profiter des bénéfices apportés par ces plantes résistantes aux stress biotiques et abiotiques notamment ».

 

Parcours législatif 

Dans le meilleur des cas, la proposition de Règlement de la CE sur les plantes NGT ne pourra être appliquée qu’après l’élection du nouveau Parlement européen qui se déroulera au mois de juin prochain.

L’examen du projet est d’ores et déjà inscrit à l’agenda de la présidence espagnole de l’Union européenne. Le Conseil européen des chefs d’État l’adopterait dans quelques semaines. Pour leur part, les commissions agriculture et environnement du Parlement européen sont en bonne voie pour approuver le texte 5 décembre prochain, avant de passer en séance plénière courant janvier 2024. Et courant 2025, un trilogue entre des représentants du nouveau Parlement, du Conseil européen et de la Commission européenne tentera de trouver un compromis pour adopter définitivement le texte législatif.