Le décryptage des génomes d’une dizaine d’espèces de plantes cultivées constitue un outil de sélection variétale. Il accélèrera la mise au point de nouvelles variétés indispensables pour réussir la transition agro-écologique de l’agriculture française sans compromettre sa performance.
En 2011, le génome du maïs était décrypté depuis plusieurs années mais pas celui du blé domestiqué, beaucoup plus complexe. Hexaploïde, son génome comprend 42 chromosomes ou plutôt sept chromosomes présents en six exemplaires chacun (7×6), ce qui génère une très grande diversité entre les plantes. Cette ignorance freinait la recherche variétale.
Pour remédier à cette anomalie, le G20 agricole réuni à Paris avait décidé, cette année-là, de lancer un programme de recherche visant à décrypter le génome du blé pour avoir les moyens de sélectionner de nouvelles variétés plus résistantes à des conditions climatiques hostiles au bon développement des céréales (sécheresse, températures froides, salinité, etc.).
En France, ce projet intitulé Breedwheat, est depuis huit ans un des neuf programmes d’investissements d’avenir gérés par l’Inra (Institut national de recherche agronomique, aujourd’hui INRAE), les instituts techniques et des entreprises partenaires regroupés au sein du GIS BV, le Groupement d’intérêt scientifique « biotechnologies vertes ».
Aujourd’hui, un panel de 450 accessions de blé (lots de semences) couvrant une diversité génétique peu représentée dans l’Union européenne servira de ressources pour sélectionner des nouvelles variétés en fonction de nouveaux critères.
Développer des variétés innovantes pour une agriculture plus performante
Parmi ces 450 lots identifiés de semences, les régions des génomes qui portent les caractéristiques des variétés de blé résistantes aux maladies ou tolérantes à la sécheresse sont mieux identifiées. Aussi, ces caractéristiques sont plus facilement intégrables dans les patrimoines génétiques des nouvelles variétés que les sélectionneurs ambitionnent de mettre au point.
« Produire les connaissances nécessaires au développement de variétés innovantes pour des agricultures plus performantes » fait partie des objectifs des projets financés par le GIS BV. Les chercheurs ont, pour cela, utilisé toutes les technologies de la génomique structurelle connues (le séquençage des génomes, l’identification des gènes, des séquences régulatrices, des séquences répétées, etc.).
Par exemple, le programme d’investissement Aker sur les betteraves sucrières va donner les moyens aux semenciers et aux chercheurs de disposer des connaissances génétiques pour mettre au point des variétés de betteraves capables de germer à basse température, au début du printemps, pour mieux résister aux périodes caniculaires. La résistance aux maladies et la réduction de l’emploi de pesticides ont aussi fait partie des thématiques transversales traitées.
En menant leurs huit programmes, « les chercheurs ont acquis depuis 2011 une meilleure connaissance génétique des plantes étudiées. Ils ont concentré leurs efforts sur le séquençage du génome, sur son fonctionnement global mais aussi sur l’expression des gènes, les molécules produites », précise le GIS BV.
De puissants outils bioinformatiques de phénotypage
Parmi les milliers de variétés étudiées, les chercheurs se sont constitués un panel de plantes représentatives de la variabilité génétique cultivée et sauvage non encore utilisées. Outre les 450 accessions de blé mentionnées ci-dessus, 15 plantes constituent un échantillon parfaitement représentatif de la diversité génétique utile en cultures betteravières. Pour le maïs, un pangénome (un stock) de 4 600 gènes a été constitué, absents de la lignée américaine de référence. Ces gènes seront utilisés pour d’autres programmes de recherche.
Les chercheurs engagés dans les programmes d’investissements d’avenir se sont aussi dotés de puissants outils bioinformatiques de phénotypage pour connaître l’expression du génome en observant les plantes.
Phenome, l’infrastructure française de phénomique variétale (2) caractérise des centaines de plantes soumises aux conditions climatiques les plus diverses et, en particulier, à des scénarios environnementaux liés aux changements climatiques.
Enfin, la réduction de l’utilisation d’intrants impose des efforts de recherche considérables pour que l’agriculture ait les moyens d’assurer la souveraineté alimentaire des pays, et notamment la France. Les programmes Peamust visent justement à rendre ces pays plus autonomes en protéines végétales. Pour le pois et la féverole par exemple, les chercheurs ont identifié les marqueurs de résistances au gel et à la sécheresse.
« Grâce à un partenariat public-privé, la diffusion vers les partenaires de la sélection végétale des innovations découlant de ces connaissances a permis leur utilisation en pratique et en routine », affirme le GIS BV. La diffusion et la disponibilité des informations collectées à une large communauté d’entreprises les aident ainsi à raccourcir la durée d’obtention de nouvelles variétés, jusqu’à 5-6 ans contre 8-10 as actuellement.
- Akerpour les betteraves, Amaizing pour le maïs, BFF ou Biolaa for the future, Breedwheat pour le blé, Genius à la fois pour le blé, le maïs, le riz, les tomates ou les pommes de terre, Peamust pour les pois et les féveroles, Phenome pour l’infrasctructure, Rapsodyn pour le colza, et Sunrise pour le tournesol).
- Fondée sur la spectroscopie, une technologie axée sur l’étude des rayons lumineux.
Frédéric Hénin