L’Afrique du Nord est toujours autant convoitée par les grands pays exportateurs de céréales, et de blé en particulier. Dans les cinq pays d’Afrique du nord, la production de blé tendre et dur (18,4 Mt selon le Conseil international des céréales) stagne alors que la demande croît chaque année.
En cette fin d’été, les dés sont jetés. Dans l’hémisphère nord, les récoltes de blé s’achèvent. Chaque pays producteur dresse un premier bilan de sa récolte et définit sa stratégie d’approvisionnement pour pourvoir aux besoins de sa population. Les pays méditerranéens et moyen-orientaux importeront jusqu’à 50 Mt de blé d’ici juin 2020 car les 60 Mt de grains produites sur leur sol sont très insuffisantes. La France et les pays de la Mer Noire sont en première ligne pour approvisionner les pays de la côte sud de la Méditerranée.
Les importations pour sécuriser l’approvisionnement des marchés intérieurs
La production de blé tendre et dur en Egypte, en Algérie, au Maroc, en Lybie et en Tunisie est estimée à 18,4 Mt par le Conseil international des céréales (CIC) alors qu’elle était de 21 Mt l’an passé. Aussi, ces cinq pays importeront 27,9 Mt de blé sur les 172 Mt qui seront échangées dans le monde d’ici le mois de juin 2020.
L’ancien royaume des pharaons reste le premier pays importateur de blé dans le monde (12,5 Mt), devant l’Indonésie (11,5 Mt). Il achète essentiellement des céréales russes et ukrainiennes mais cette année, la France pense pouvoir y expédier 800 000 tonnes car son blé répond aux critères de qualité requis dans les appels d’offre lancés par les organismes en charge d’approvisionner le marché égyptien.
L’Algérie achètera 7,2 Mt d’ici la fin du mois de juin 2020 car sa production plafonne à 4 Mt. La France resterait son principal fournisseur mais l’Ukraine convoite cette année le marché algérien. En revanche, la Roumanie est exclue de la compétition à laquelle se livrent les pays exportateurs concurrents pour répondre aux appels d’offre lancés par l’Algérie, car son blé est infecté d’insectes.
Enfin, la Tunisie et Le Maroc achèteront respectivement 1,9 Mt et 4,8 Mt de grains. Au début de l’été, la récolte chérifienne n’a pas été bonne : seules 4 Mt de blé ont été produites, soit 3 Mt de moins que les deux années précédentes.
Des campagnes de commercialisations prolongées
Chaque année, la concurrence à laquelle se livrent l’Union européenne (la France en particulier) et les pays du bassin de la Mer Noire, s’étend de plus en plus au-delà de la période hivernale. La Russie et l’Ukraine produisant de plus en plus de blé, il leur faut plus de temps pour exporter leur récolte.
Au début des années 2000, les deux pays de la Mer Noire se retiraient du marché peu après la période des fêtes de Noël. Confrontés à des problèmes logistiques, ils écoulaient très rapidement leur récolte avant que la période de grand froid et la baisse des températures ne paralysent le trafic fluvial.
Par ailleurs, les températures hivernales moins rudes favorisent, depuis quelques années, l’extension de la culture de blé d’hiver dans des régions sibériennes où seule la culture de blé de printemps était auparavant envisageable. Aussi, le potentiel de production de l’agriculture russe n’a cessé de croître
D’énormes capacités d’exportation
Durant la campagne 2019-2020, l’Union européenne exportera 26 Mt de blé. La production des 28 pays membres de l’Union (149,7 Mt) s’est redressée (138 Mt en 2018-2019) car les conditions météorologiques ont été plus favorables dans les pays baltiques et en Allemagne. La sécheresse en Espagne et au Portugal n’affecte pas le bilan céréalier européen.
La France devra vendre, à elle seule, 11 Mt vers les pays hors Union européenne durant la campagne 2019-2020 car la récolte française de grains est exceptionnellement élevée (39 Mt selon Agritel, l’organisme spécialisé dans la gestion des risques sur les marchés tiers à l’export).
Dans le même temps, les trois pays de la Mer Noire, exportateurs de blé (Russie, Ukraine, Kazakhstan) devront exporter plus de 60 Mt.
Dans l’hémisphère sud, l’Argentine se prépare à exporter 14 Mt outre Atlantique (notamment en Algérie) et au Brésil. La dévaluation du peso argentin de 30 % face au dollar rend les céréales argentines très compétitives même lorsqu’elles sont exportées sur le continent africain. Pour autant, les prochaines élections présidentielles pourraient contrarier le déroulement de la campagne de blé argentine si les céréales sont de nouveau taxées à l’exportation.
La succession de bonnes campagnes céréalières, dans le bassin de la Mer Noire, paraît de plus en plus une anomalie météorologique. Les bonnes récoltes ne peuvent continuellement s’enchainer. Si un hiver particulièrement rigoureux ou une période de sécheresse torride survenaient, le choc serait commercialement brutal. Les pays importateurs du bassin méditerranéen et d’Afrique subsaharienne en seraient les principales victimes.
Hormis les Etats-Unis et l’Union européenne, les pays exportateurs de blé ne se constituent pas de stocks de report. Aussi bien sur leur marché intérieur qu’à l’export, ils n’auraient donc aucune marge de sécurité pour compenser les pertes générées par une mauvaise récolte.
Frédéric Hénin