Comprendre les enjeux de l'agriculture

Les cours du riz ont doublé en un an. L’Inde taxe ses exportations pour protéger son marché intérieur. Importatrice nette de riz, l’Afrique est très impactée par cette situation. 40 % des ventes de riz dans le monde sont indiennes.

Depuis plusieurs années, la consommation mondiale de riz est sous la contrainte d’une production mondiale limitée et mal répartie entre les continents. Le riz produit dans le monde (523 Mt – source CIC, Conseil international des céréales) est d’abord consommé par les pays producteurs. Les échanges commerciaux plafonnent (51 Mt) : ils représentent à peine 10 % de la récolte mondiale.

Ces dernières années, les volumes de grains supplémentaires récoltés dans le monde couvrent les besoins croissants des pays qui les ont produits. Ils n’ont donc pas servi à accroître les échanges commerciaux.

Mais surtout, l’augmentation de la production mondiale de riz est d’abord indienne. En trois-quatre ans, l’Inde a en récolté une dizaine de millions de tonnes de plus (133 Mt). Et malgré cela, sa  capacité exportatrice s’est simultanément repliée de 5Mt. Elle n’excèderait pas 16 Mt en 2023-2024. Mais l’Inde consomme de plus en plus de riz.

Or le pays redoute que la prochaine moisson soit la plus faible des huit dernières années. Aussi, il se prémunit  contre une baisse de sa production en décidant de taxer ses exportations. La priorité est l’approvisionnement du marché indien. Les stocks de riz assez limités équivalent à deux mois et demi de la consommation de la population indienne.

Les exportations indiennes bloquées! En 2008 il a eu un précédent. Mais l’Inde était moins exportatrice Sa mesure portait sur les produits non basmati et exportations de riz usiné. Après avoir levé l’interdiction en 2011, l’Inde a augmenté ses expéditions et est devenue le plus grand pays exportateur du monde.

 

Les pays importateurs désorientés

Mais cette année, les prix du riz ont doublé. Or l’Afrique importe chaque année 19 Mt de riz pour se nourrir. Sa croissance démographique accroît mécaniquement ses besoins alors que sa production de riz stagne autour de 24 Mt.

Le Nigéria est le premier pays africain producteur de riz (5,2 Mt – source CIC) suivi par l’Egypte (3,8 Mt) et Madagascar (2,8Mt). Les autres pays produisent environ 1 Mt de riz par an.

Par le passé, les quantités de riz disponibles à l’export dans le monde ont toujours été limitées. Mais en 2023, le facteur limitant est le prix. Aussi, les pays africains importateurs sont dorénavant contraints de maitriser leurs achats.

La décision du gouvernement indien de taxer les exportations de ses céréales et la flambée des cours du riz qui en a découlé, mettent aussi dans l’embarras l’Indonésie. Elle a été jusqu’à récemment un importateur mineur de riz mais cette année, elle devrait plus que doubler ses importations en 2023 puisque le gouvernement a autorisé 2 Mt d’importations.

Toutefois, l’Indonésie paiera ses achats très cher. La Thaïlande et le Vietnam seront ses principaux fournisseurs mais là encore, leurs disponibilités sont limitées. La tonne de riz s’est vendue plus de 625 dollars.

 

Culture du riz dans la région de Casamance au Sénégal. Photo:9elisa9

Une flambée des prix peu médiatisée

De nombreux événements ne permettent pas d’envisager une stabilisation du marché du riz dans les mois à venir. Sa production a baissé au Pakistan et en Birmanie, selon l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture. Et en Thaïlande, seules 19,5 Mt de riz seraient moissonnées en 2023-2024, soit un repli de 7 % en un an. En fait, le gouvernement thaïlandais a conseillé aux agriculteurs de limiter la culture du riz afin de conserver les ressources en eau pour d’autres usages.

En 2022, les cours du riz ne se sont pas emballés lorsque le prix du blé a atteint des sommets car les marchés des deux céréales sont très étanches. Le blé acheté ou importé ne peut pas se substituer à du riz et réciproquement. Mais ces derniers mois, la flambée des cours de ce dernier est tout aussi impressionnante que celle du blé il y a un an. Pour autant, elle est moins médiatisée.

Or la mécanique est la même. La géopolitique supplante les fondamentaux des marchés agricoles. L’Inde est le chef d’orchestre du marché mondial du riz consommé par près de 3 milliards d’hommes. Et chaque décision prise retentit dans le monde entier.

 

Un déséquilibre structurel

La flambée des cours du riz met en lumière le déséquilibre structurel du marché mondial de la céréale. En effet, le commerce mondial de la céréale est aux mains d’un nombre très restreint de pays avec en tête l’Inde qui contrôlait jusqu’à l’an passé plus de 40 % du trafic.

Les pays exportateurs de la céréale sont asiatiques et étasunien (80 % des 50 Mt exportées dans le monde) alors que les pays importateurs sont majoritairement africains (40 % des transactions mondiales). L’inde a toujours été le fournisseur de riz blanc le moins cher depuis 2020, en particulier vers les pays subsahariens.

Aucun autre pays exportateur de riz n’est en mesure de prendre le relais de l’Inde sur le marché de l’export. Les quatre autres pays producteurs de riz (Thaïlande, Vietnam, USA et Pakistan) commercialisent une vingtaine de millions de tonnes et une douzaine d’autres, vingt autres millions.

La Chine est sur le marché du riz un acteur mineur. La céréale est la production sur laquelle s’appuie l’empire du milieu pour assurer sa sécurité alimentaire. Sa production stagne autour de 149 Mt et ses stocks de 105 Mt équivalent à huit mois de consommation. Chaque année, elle exporte 4 Mt et importe 2 Mt de grains.