Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le cannabis est désormais la star financière de l’année 2021.  De nombreux  États le dépénalisent, sa cote boursière grimpe vertigineusement à Wall Street  et les Big Pharma rêve de ce nouvel eldorado médicinal. L’Afrique  semble devenir une terre d’élection pour cette plante miracle. Face à ce juteux filon aux convoitises qu’il suscite, les gouvernements ne peuvent se contenter de laisser faire sans réglementer un secteur apparemment promis à un bel avenir.

L’année 2018 avait déjà mis sur le devant de la scène le cannabis lorsque le Canada avait décidé de supprimer cette herbe de la liste des substances prohibées pour autoriser son usage légal dans un cadre récréatif.

Alors que les États-Unis et leur nouveau Président sont sur le point d’emboiter le pas du Canada, certains pressentent la formidable opportunité d’un marché, mais pas n’importe lequel : un cannabis qualitatif habilement commercialisé selon les nouveaux modèles économiques entièrement pilotés par la data, de la production à la commercialisation aux particuliers.

Évidemment, parmi ces opportunistes, on retrouve le Big Pharma, cette industrie pharmaceutique composée des plus grosses compagnies qui exercent un lobbying agressif sur les gouvernements et les sociétés civiles.

Contrairement à d’autres secteurs d’activité, la prohibition n’a engendré que des marchés de niche, clandestins et peu organisés à grande échelle. Le Big Pharma a besoin d’opérateurs officiels et elle aurait trouvé dans la compagnie Juva Life son premier levier de développement.

Le pionnier de Californie

Juva Life est une entreprise qui œuvre pour mettre à disposition de partenaires investisseurs une matière première stable et de qualité. Basée en Californie, elle couvre verticalement la filière avec un écosystème global dont le cannabis occupe la place centrale :

 

 

  • Culture ;
  • Recherche et développement ;
  • Distribution ;
  • Vente au détail ;
  • Livraison.

Elle intéresse les industriels pharmaceutiques parce qu’elle est détentrice de cette fameuse data liée à la production mais aussi aux fichiers clients.

La décision américaine de légaliser nationalement l’usage récréatif du cannabis constituerait un timing parfait pour faciliter la conquête du marché. Déjà, au fur et à mesure des autorisations fédérales, les experts financiers constatent un début de flambée des prix, un Cannabis Boom 2.0.

Les premières réactions des producteurs sont de produire plus sans se soucier de la qualité avec, à la clé, un rendement un peu décevant pour les premiers investisseurs. Les industriels du Big Pharma sont plus ambitieux et envisagent une production innovante et optimisée grâce à la compilation de données sur le sujet. Dans ce marché plein de promesses, le cannabis de précision de Juva Life peut faire la différence.

Certaines entreprises du secteur, notamment canadiennes, voient leur valeur grimper, à l’instar du boom de 2018 :

  • Aurora cannabis Inc, spécialisée dans la production et la distribution de cannabis à usage médical et récréatif, a vu son cours passer de $4.43 à $11.21 en 5 jours en novembre dernier ;
  • Canopy Growth, un concurrent pour le cannabis à usage médical uniquement, a aussi enregistré une hausse sur la même période, le cours de son action est passée de $19 à presque $25 ;
  • Et enfin, Tilray, une autre entreprise de produits pharmaceutiques et de cannabis a enregistré une hausse de de $6.00 à $10.

Mais contrairement au boom de 2018 où les fournisseurs se sont contentés de produire sans établir de stratégie quant au rendement et à la qualité, les nouveaux opportunistes ne comptent pas gâcher un marché légal supposé peser plus de 70 milliards de dollars à l’horizon 2027 (Grand View Research). Et la Californie, avec ses 3,5 milliards de dollars attendus pour 2021 est un État précurseur qui entend conserver sa position de leader.

A terme, le marché américain sera plus important que son homologue canadien. Pour Juva Life c’est le début d’une conquête, la volonté d’être le leader avec une approche nouvelle du marché, plus professionnelle et plus scientifique. Pour acquérir la confiance des usagers, la filière doit emprunter les techniques d’implantation de tout autre secteur classique :  garantir l’innovation et la plus-value par des brevets puis la qualité par des permis et des licences de culture et de distribution.

Juva Life est la première entreprise à avoir obtenu un permis de l’État californien, une pole position à défendre. Elle est enracinée et experte dans la production, la fabrication et la vente de Cannabis en Californie, y compris au détail et sans rendez-vous. Elle veut mettre sa renommée au service du marché du cannabis médical qui devrait peser à lui seul 9 milliards de dollars.

Sa confortable avance et ses brevets lui permettent de financer sa stratégie de recherche sur les thérapies potentielles. A Hayward, une ville californienne située dans le comté d’Alameda, elle installe son centre biotechnologique sur le cancer : un bâtiment de 1600m2 avec une salle blanche de classe ISO 5 et une serre attenante d’environ 1000m2.

Juva Life souhaite y développer des formulations après avoir obtenu un permis d’utilisation conditionnelle en octobre 2020. L’installation devrait être pleinement opérationnelle mi 2021. En parallèle, l’entreprise a obtenu l’autorisation de vendre au détail, à des fins thérapeutiques, des produits customisés.

L’objectif est de fournir à chaque client, une formule spécifique délivrée à un moment précis. Une ambition qui ne peut se passer d’une parfaite connaissance de la production et des besoins. Dans cette optique, la data accumulée apporte plus d’expertise et de maîtrise des procédés de sélection, de culture et de fabrication des nouveaux médicaments à base de cannabis. Et, au final, une accélération des délais d’approbation des formulations. Une opportunité qui ne laisse pas insensible Big Pharma qui considère l’aspect lucratif d’un partenariat avec la société Juva Life.

Juva Life s’entoure des meilleurs scientifiques pour enrichir sa base de données de recherche, l’atout phare pour obtenir l’adhésion des consommateurs, fabricants, médecins, prestataires de santé naturels et industries pharmaceutiques et être capable de proposer un catalogue de problèmes de santé et de formulations adéquates.

Un premier registre de 2000 patients a été approuvé pour des résultats attendus dans 6 mois. Différents cannabis seront ainsi brevetés et référencés par rapport à une série d’affections puis mis à disposition sur une plateforme d’informations à destination des partenaires.

Lors d’un premier tour de table, la société californienne a levé 24 millions de dollars. Si le Canada a tenu le devant de la scène lors du premier boom, tous les regards se tournent désormais vers la Californie, nouveau catalyseur d’un cannabis de pointe.

Les compagnies convoitent la production africaine

En 2018, le continent africain enregistre ses premières exportations de cannabis thérapeutique, principalement à destination du Canada, par la société lesothane, Medi Kingdom, acteur principal du secteur du cannabis. Le Lesotho a été le premier pays à légaliser l’usage du cannabis thérapeutique. Le Malawi, le Zimbabwe, l’Ouganda, la Zambie, le Ghana, Eswatini et le Rwanda ont, depuis, autorisé la production du cannabis sous conditions. L’Afrique du Sud va même plus loin, elle investit sur la montée en compétences dans le domaine du cannabis avec l’ouverture d’un campus consacré à l’or vert : la Cheeba Academy.

Le continent est supposé produire le quart de la production mondiale, selon l’ONU, et sa population consomme de plus en plus de drogues, y compris des opiacés à visée thérapeutique.

L’Union européenne, en partenariat avec Interpol, finance un programme de recherche sur la criminalité en Afrique, ENACT, qui met en évidence une multiplication par trois de la consommation sur les dernières décennies. Le Nigéria, par exemple, consomme deux fois plus de drogues que la moyenne mondiale et représente une plaque tournante pour le continent (Office des Nations unies contre la drogue et le crime – ONUDC).

La dernière étude de Prohibition Partners projette que le secteur global du cannabis thérapeutique, principalement drivé par l’Afrique du Sud, devrait peser 0,8 milliard de dollars en 2023 tandis que le cabinet Grand View Research table sur un marché mondial de 55 milliards de dollars à l’horizon 2025.

L’Afrique du Nord n’est pas en reste : au Maroc, par exemple, le gouvernement projette même de légaliser le cannabis thérapeutique tout en le régulant via un circuit court de production encadré par une agence nationale. Le 11 mars dernier le gouvernement a validé un projet de loi dans ce sens tout en maintenant l’interdiction d’un usage récréatif. Une régulation attendue pour ce pays classé, en 2020, premier producteur mondial par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC).

L’Afrique, malgré sa capacité de production, n’a pas encore réellement pris en main le secteur de l’or vert alors qu’elle attire des investisseurs de différents secteurs :

  • Industrie du tabac ;
  • Agroalimentaire ;
  • Industries pharmaceutiques ;
  • Et divers investisseurs canadiens qui redirigent la finance offshore vers le continent africain.

Les Big 5 (Canopy Growth, Aurora Cannabis, Tiltray, Cronos Group et Aphrian) s’intéressent au Lesotho comme source productive pour conquérir le marché européen. Pour les locaux, c’est un peu l’histoire qui se répète, les acteurs de l’extraction minière se reconvertissent dans le cannabis. Ainsi, le financier Carl James Esprey qui dirige une compagnie minière en Guinée, s’est associé à Koio Annan (fils de Kofi Annan) au sein d’African Cannabis Corp., une compagnie canadienne qui développe la culture du cannabis médical au Zimbabwe et au Lesotho.

A chaque fois, les investisseurs saisissent l’opportunité de pays africains avec une main d’œuvre peu chère, un climat propice et la promesse d’échanges éprouvés avec l’Europe. Hamish Sutherland, président d’une société de capital-risque spécialisée dans le chanvre, met en avant les avantages indéniables d’un Lesotho ensoleillé et pas cher face à une production canadienne coûteuse en électricité et en main d’œuvre.

Au Lesotho, la matekoane, autre nom du cannabis, est cultivée depuis plusieurs centaines d’années pour des usages traditionnels : traitement des animaux, brûlures d’estomac, hypertension, maladies nerveuses. A partir des années 80, cette population à 70% agricole s’est tournée vers une production commerciale de cet or vert qui a pris la troisième place en termes de ressources nationales après le textile et la fourniture d’eau et d’électricité bradées à l’Afrique du Sud (Observatoire européen des drogues et de la toxicomanie – OFDT)

Le gouvernement lesothan incite ses citoyens à exploiter eux-mêmes le filon du cannabis thérapeutique, c’est un levier de croissance économique et de souveraineté. Dans l’engouement général autour du fort potentiel de l’industrie du cannabis thérapeutique, le prix des licences permettant la production et l’exportation grimpe en flèche. Certains locaux ne sont plus en mesure de payer cette licence, d’autres demandent un prix exorbitant aux investisseurs étrangers pour nouer un partenariat.

Cette opportunité de construire une économie viable et inclusive pour la population laisse la place à une jungle financière qui échappe au gouvernement. Soit les licences sont à un coût bas et les détenteurs locaux spéculent auprès des investisseurs étrangers, soit le prix des licences est à un prix exorbitant et les locaux ne peuvent y accéder. Un producteur regrette que le gouvernement n’adopte pas une position d’arbitre, notamment en s’investissant a minima dans le capital des exploitants étrangers afin d’imposer une meilleure répartition des profits, comme il l’a fait pour l’industrie minière.

Nathan Emery est l’un des premiers à avoir obtenu une licence d’exploitation thérapeutique pour sa société Précision Cannabis Zimbabwe, il regrette que les pays africains convoités ne favorisent pas plus les exploitants locaux et met en garde contre la stratégie des grosses industries pharmaceutiques, du tabac ou de l’alcool, peu propice aux notions d’inclusion et de durabilité. L’implantation massive des compagnies étrangères bouleverse le quotidien des cannabiculteurs et la pratique de la médecine traditionnelle. Il milite pour que les autorités déposent des brevets afin de protéger les molécules de chanvre africain à l’image de la Thaïlande, dans une volonté de protéger sa richesse locale.

Le continent africain doit trouver l’équilibre : rester attractif pour les investisseurs tout en protégeant l’écosystème de vie de sa population. Être trop laxiste ouvre la porte aux prédateurs capitalistes, être trop strict stimule les marchés informels.

Les répercussions environnementales de cette culture

Sur le plan environnemental, les experts considèrent la culture du cannabis comme une catastrophe.

L’exploitation est très consommatrice d’électricité. Des survols en hélicoptère à caméra infrarouge permettent justement de détecter les entrepôts illégaux par la température anormale qu’ils dégagent. Les services d’investigation détectent aussi les producteurs de chanvre par leur facture d’énergie anormalement élevée.

En Amérique du Nord, même si les productions extérieures autorisées se développent, c’est surtout les petites productions en intérieur qui se démocratisent. Elles sont protégées des aléas climatiques et disponibles toute l’année. Leur propriétaire sont d’anciens dealers reconvertis en entrepreneurs experts.

Des chercheurs de l’Université du Colorado ont publié une étude dans la revue Nature Sustainability : un kilo de fleurs de cannabis séchées correspond à une émission de GES comprise entre 2 et 5 tonnes de C02 selon le lieu de production. Et, il se trouve que les plus gros consommateurs habitent dans le Nord du continent, là où les températures sont les plus basses. Les études montrent toutefois que le climat des États du sud, impose aux cultivateurs de cannabis l’installation de système de déshumidification et de climatisation, très énergivores aussi.

Favoriser les cultures sous les climats les plus propices serait une alternative raisonnée mais les autorisations du cannabis n’ont pas tenu compte de ce critère. Aux États-Unis, Avec le découpage fédéral, il est impossible de transférer librement son exploitation d’un État à l’autre car ils ne disposent pas forcément des mêmes réglementations. D’ailleurs, en 2014, lorsque le Colorado a autorisé le cannabis à usage récréatif pour contrôler sa circulation, le marché noir s’est amplifié pour permettre son exportation illicite vers d’autres États répressifs.

Les différents articles qui traitent du sujet sur l’ouverture du marché du cannabis concentrent leur contenu sur l’exceptionnelle profitabilité de ce secteur promis à un bel avenir mais ne posent guère la question de son intégration dans les plans de développement durable.

Sources : baystreet.ca, mondediplo, korii