Comprendre les enjeux de l'agriculture

En Belgique, le Ministre bruxellois de l’Environnement a lancé l’idée d’une acquisition publique de terres agricoles. Levée de bouclier pour les agriculteurs, attachés à la notion de propriété. Pourtant, selon elle, le sujet mérite réflexion dans la conjoncture actuelle et devant le constat de la fragilité des approvisionnements alors que l’État a la charge de pourvoir aux besoins vitaux de sa population.

L’objectif, à long terme, est aussi de protéger les surfaces agricoles d’éventuelles flambées de prix ou d’ambitions immobilières pour permettre la transition attendue par les différents objectifs durables.

De nombreuses organisations avaient déjà alerté sur la nécessité de maîtriser la pression foncière sur les terres arables en tant que levier principal de sécurité alimentaire :

  • La Food and Agriculture Organization (FAO) dans ses directives volontaires de 2012 ;
  • Le Comité économique et social européen sur l’accaparement des terres en 2015 ;
  • Le Parlement européen dans sa résolution sur la concentration agricole et l’accès aux terres en 2017 ;
  • Les Nations Unies sur leur déclaration sur les droits des paysans en 2018 (non ratifiée par la Belgique) ;
  • Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport sur les terres et le changement climatique en 2019 ;
  • L’Agence européenne pour l’environnement sur les terres et les sols en Europe en 2019.

Fût-elle teintée de collectivisme pour certains, cette idée s’appuie sur un constat alarmant : la Belgique a perdu 70 % de ses fermes en 35 ans et 65 % des agriculteurs ont plus de 50 ans et seulement 1% moins de 30 ans !

Et les prix du foncier agricole s’envolent, plaçant la Belgique en 2e position dans l’Union européenne avec 45.536 € l’hectare en zone agricole, voire plus de 200.000 € à proximité des zones urbanisées (Observatoire foncier agricole wallon).

La terre agricole est donc devenue un luxe pour les exploitants familiaux, un phénomène qui laisse craindre l’accaparement du foncier par une agriculture plus industrielle et moins biodiversifiée ou par des acteurs non-agriculteurs (47% des acquisitions).

Les détracteurs de la proposition ont aussi leurs arguments : la perte de liberté de culture sur un sol propriété de l’État, l’arrivée de l’acteur spéculatif Région de Bruxelles-Capitale, une activité hors compétence publique, l’existence d’une politique de soutien aux exploitations familiales, le rejet d’un retour au métayage perçu comme une pratique archaïque.

Dans les années 60, la France avait créé les SAFER, des organismes chargés de surveiller les opérations immobilières agricoles dans l’intérêt général et afin de lutter contre la spéculation excessive et pour le maintien des activités agricoles. La Belgique n’a pas l’équivalent.

Il semble qu’il faut surmonter l’obstacle culturel pour mener une réflexion sur un double objectif, durable et économique.

Source : Investigaction