La bioéconomie porte un projet à la fois économique et écologique. Elle atténuerait le dérèglement climatique et la hausse des températures. L’ensemble des activités bioéconomiques (ré)industrialiserait les régions rurales et créerait de l’emploi tout en rendant l’agriculture plus vertueuse. Il est même question de créer des chaires de bio-économie dans certaines universités.
La bioéconomie est l’économie du vivant. Dans un note de synthèse intitulée « Bioéconomie : entreprises agricoles et société, une urgence partager », le think tank agriDdées (ex Saf) dresse un panorama des secteurs de production couverts par la biéconomie. « C’est un système complexe qui réconcilie agriculture, compétitivité et développement durable », analyse le think tank. Championne du « en même temps », la bioéconomie est destinée à des usages alimentaires et non alimentaires.
Elle peut être circulaire (fondée sur le recyclage et la valorisation de matières organiques) ou peut créer de nouvelles chaines de valeurs. Citons par exemple la culture de chanvre destinée à la fabrication de nouveaux matériaux.Enfin, la bioéconomie repose tantôt sur des techniques traditionnelles, tantôt sur des technologies de pointe, rendant ainsi réalisables des projets qui ne l’étaient pas encore il y a 15-20 ans comme par exemple l’agriculture de précision.
L’agriculture, maillon fort de la bio-économie
En France, le ministère de l’agriculture a lancé un appel à projet « pour développer la bioéconomie durable à l’échelle des territoires ». Sont alors attendus des projets allant de la mobilisation des ressources à leur usage diversifié et leur acceptabilité sociale, pour faire face aux besoins en biomasse liés au développement attendu des produits biosourcés (issus de la transformation de végétaux pour la fabrication de matériaux et de produits chimiques) et des énergies renouvelables, et pour maintenir la durabilité de la ressource ».
L’agriculture serait le maillon fort de la bioéconomie. Gagnante économiquement, socialement et environnementalement, elle ne serait plus perçue comme une source de pollution mais comme une source de solutions. « L’agriculture répondrait alors aux demandes des consommateurs et des citoyens, défend le think-tank Agridées (ex Saf). La conversion partielle d’exploitations agricoles à la bioéconomie aurait comme finalité la création de services fournis aux collectivités territoriales (énergie, valorisation de déchets) ».
En créant des emplois en zone rurale, les nouvelles activités industrielles bioéconomiques redynamiseraient des territoires désertés et les valoriseraient. Se reconstituerait alors un nouveau tissu social, composé d’hommes et de femmes parfois pluriactifs, partagés entre l’agriculture et les activités de transformation de produits agricoles.
Dans les territoires encore densément peuplés, les activités bioéconomiques retiendraient des petits paysans en activité en leur offrant une nouvelle activité complémentaire.
C’est en effet la combinaison d’activités complémentaires agricoles et industrielles qui maintient des populations rurales sur de petites exploitations. Lorsqu’une entreprise disparaît, les ex-salariés agriculteurs ne peuvent pas vivre seulement de leur travail sur leur ferme.
En France, ce n’est pas seulement la Politique agricole commune qui est responsable de la disparition de centaines de milliers de paysans mais aussi la désindustrialisation du pays.
Il y a plusieurs dizaines d’années, on ne parlait pas de bioéconomie mais elle était pourtant le moteur de l’activité de nombreuses régions. Dans les villages, des activités artisanales et industrielles étaient associées à l’activité agricole. Les tanneries valorisaient les peaux des animaux des éleveurs qui y travaillaient parfois. Il y a plus de cent ans, en Champagne, des dizaines de milliers de moutons étaient élevés pour approvisionner les industries textiles en laine de la région.
De nouveaux liens entre industrie et agriculture
Par ailleurs, le développement de la bioéconomie, avec de nouvelles activités, (re)créerait aussi de nouveaux liens entre industrie et agriculture « en payant aux agriculteurs, fournisseurs de produits et d’énergie, les services environnementaux (PSE) rendus ou en montant en gamme la qualité de leurs produits », explique le think-tank. Ces PSE seraient contractuels et s’ajouteraient aux aides européennes. Or celles-ci seraient rognées après 2020 si le budget de la Pac est confirmé en baisse.
Par ailleurs, la bioéconomie renouerait du lien entre la ville et la campagne. Les nouvelles activités bioéconomiques seraient aussi déconnectées des grands marchés des matières premières agricoles. En ayant une nouvelle source de revenu, les agriculteurs souffriraient moins de la volatilité des marchés des matières premières agricoles.
Toutefois, malgré sa notoriété auprès du grand public, et de plus en plus auprès des agriculteurs, la bioéconomie peine à se développer. Elle n’est pas portée par un projet économique et politique axé sur quelques priorités. Pourtant, elle répond aux multiples demandes des consommateurs et des citoyens, partisans de relocalisation industrielle dans les territoires.
Des objectifs clairs, des choix ciblés
Le think tank Agridées recommande la création de nouvelles filières de produits bioéconomiques, structurées, territorialisées et affranchies des filières pétrosourcées (liées au pétrole comme les fibres synthétiques ou les matières plastiques). L’élaboration de produits différents et de meilleure qualité incitera le consommateur à changer ses habitudes.
Dans chaque territoire, afin d’éviter tout blocage intempestif, chaque projet bioéconomique devra être étudié et bâti avec l’ensemble des associations, des organisations et des citoyens pour éviter tout refus intempestif et des recours juridiques sans fin.
En conséquence, le think tank propose « la création de plateformes numériques. Elles regrouperaient les acteurs de la recherche, de l’innovation, de la production et de la transformation de biomasse pour les faire travailler ensemble ».
Pour être innovantes, ces nouvelles filières seraient évidemment associées à des universités et à des grandes écoles où seraient créées des chaires de bioéconomie. En France, le crédit d’impôt recherche pourrait être étendu à des projets de recherche spécifiques portant sur les facteurs de production agricoles biosourcés (d’origine végétales ou animales) pour développer la production de fertilisants.
Frédéric Hénin