Les récoltes mondiales de blé, d’orge et de maïs baissent de 23 millions de tonnes par rapport à la dernière campagne 2017-2018 (1), selon le Conseil international des céréales. Or la consommation de grains devrait augmenter de 29 millions de tonnes d’ici juin 2019, générant un déficit céréalier de 58 millions de tonnes. Les pays exportateurs devront puiser dans leurs stocks – abondants – pour répondre aux appels d’offres des pays importateurs.
La production mondiale de céréales – estimée à 2,07 milliards de tonnes pour 2018-2019 – aura diminué de 66 millions de tonnes (Mt) depuis 2017, soit une baisse de 3,2%, selon le Conseil international des céréales (CIC). De l’autre côté, la consommation mondiale de grains croît de 28 MT par an en moyenne. La croissance démographique tire la demande de blé destinée à la consommation alimentaire de 14 Mt par an.
Après avoir nettement progressé l’été dernier, les prix de l’orge et du blé se sont alignés en septembre sur le marché français et européen. A Rouen (2), ils oscillaient autour de 195 € – 200 € la tonne courant octobre. Depuis la fin du mois dernier, la tonne d’orge est plus chère que celle de blé. Toujours à Rouen, elle valait 204 € le 26 octobre dernier et depuis son prix est resté supérieur à 200 €.
Le prix de la tonne de maïs est repassé sous le seuil des 170 €/t à Bordeaux (2), après l’annonce au début du mois d’octobre de récoltes, meilleures qu’escomptées l’été dernier, en Ukraine, au Brésil, en Argentine et aux Etats-Unis, principaux pays producteurs. Toutefois, la production mondiale de maïs (1 074 Mt) ne sera pas suffisante pour couvrir la demande.
Revenu à 167 €/t à Bordeaux le 9 novembre 2018 (3), le prix du maïs n’a augmenté que de 25 €/t par rapport à son niveau le plus bas en juin 2018. Si les cours se maintiennent sous le seuil de 170 €/t tout au long de la campagne, les producteurs français de maïs ne parviendront pas à couvrir leurs coûts de production cette année. Or seules 11,8 Mt ont été récoltées en France contre 13,4 Mt l’an passé.
Les maïsculteurs français sont donc à la fois pénalisés par des rendements et des cours insuffisants pour rendre leurs cultures rentables. Dans le reste de l’Union européenne, hormis l’Allemagne, la conjoncture est bien meilleure. La Roumanie est même devenue le premier pays européen producteur de maïs.
Probable hausse du cours du blé
Quoi qu’il en soit, la parité de la monnaie européenne par rapport au dollar américain n’anesthésie plus les hausses des cours des céréales côtés en dollars américains comme ce fut le cas durant la précédente campagne céréalière. L’euro a baissé de près de 9-10 centimes par rapport au dollar américain depuis mai 2018.
Mais les dévaluations des monnaies des pays émergents (Russie, Argentine) ont rendu les prix de leurs céréales exportées plus compétitifs. Convertis en dollars, ils sont plus faibles. En conséquence, le blé américain s’exporte mal.
En revanche, les transactions entre pays exportateurs et les pays importateurs ont démarré en flèche dans le bassin de la Mer Noire dès le début de la campagne actuelle, commencée en juillet 2018. La Russie avait déjà expédié 13,4 Mt de blé fin septembre, soit 40 % de la trentaine de millions de tonnes qui devraient être exportées d’ici juin 2019, le dernier mois de la campagne actuelle. Dans la même lancée, l’Ukraine: les 5,5 Mt expédiées à partir des ports de la Mer Noire représentent 35 % des capacités d’exportations du pays.
Aussi, à partir de janvier prochain, la seconde partie de la campagne s’annonce tendue. Une grande partie du blé réservée à l’export aura en effet déjà été vendue. Des hausses de prix sont donc attendues, peut-être avant la fin de l’année 2018.
Les prévisionnistes ne comptent pas sur les pays de l’hémisphère sud pour réapprovisionner abondamment les marchés céréaliers cet hiver (ou durant l’été austral) en raison des mauvaises conditions climatiques qui sévissent en particulier en Australie. Après une longue période de sécheresse, des pluies torrentielles risquent d’endommager de nouveau les cultures arrivées à maturation. La prochaine récolte de blé de l’ile continent sera même la plus faible des dix dernières années. Par ailleurs, l’Argentine a déjà vendu une bonne partie de sa récolte à venir.
Production de blé en baisse
Dans le monde, seules 716 Mt de blé seront produites en 2018-2019, selon le CIC, alors que la consommation sera de 734 Mt. Pourtant, les industriels et des fabricants de l’alimentation animale transformeront 13 Mt de blé en moins que l’an passé. L’abondance de maïs, meilleur marché, les pousse à se détourner du blé. Mais le blé destiné à l’alimentation humaine n’est pas une céréale substituable. L’industrie agroalimentaire, et boulangère en particulier, ne peut pas remplacer la farine de blé par une autre farine pour fabriquer ses produits. D’où, le déficit de production de 18 Mt (734 Mt – 716 Mt). Les pays exportateurs puiseront doc dans leurs stocks pour répondre aux appels d’offres des pays importateurs.
Parmi les huit grandes puissances exportatrices de blé, seule l’Argentine (20 Mt) a connu une campagne céréalière 2018-2019 exempte de difficultés agro-climatiques. Les autres pays producteurs voient en effet leurs capacités de commercialisation réduites par rapport à l’an dernier, les Etats-Unis mis à part.
Produisant 51 Mt, ceux-ci exporteraient, selon le CIC, entre 29 et 30 Mt contre 24,5 Mt l’année passée.
La Russie n’a moissonné que 67 Mt de blé contre 84,9 Mt l’an passé. En Ukraine, le CIC table sur une récolte de 25,5 Mt contre 27 Mt un an plus tôt.
Après deux années exceptionnelles dans le bassin de la Mer Noire, la récolte de l’été dernier est satisfaisante. Mais les millions de tonnes de blé produites en moins expliquent en grande partie le déficit mondial de grains de l’actuelle campagne.
Ne produisant que 135,8 Mt de blé, l’Union Européenne devrait exporter 22,2 Mt, soit 2 à 3 Mt de moins de grains qu’en 2017/18.
Mais au niveau mondial, 176 Mt de blé seront exportées et importées d’ici fin juin 2019, soit un niveau quasi-équivalent à celui de 2017-2018. Pour répondre aux appels d’offres des pays importateurs, les pays exportateurs puiseront dans des stocks fort abondants. L’Egypte et l’Algérie achèteront à elles deux 40 % des 50,6 Mt qui seront expédiées vers le continent africain d’ici juin 2019.
Le maïs, céréale alternative pour l’alimentation animale
Le CIC table sur une consommation mondiale de maïs de 1 112 Mt pour une production de 1 074 Mt. L’industrie de l’alimentation animale en transformera 645 Mt (+ 22 Mt en un an) car l’élevage se développe fortement dans les pays émergents. De plus, chers à l’achat, le blé et l’orge, sont préférés au maïs.
Par ailleurs, l’utilisation industrielle du maïs continue à progresser (305 Mt, + 9 Mt en un an) avec une production record d’amidon (77 Mt de grains transformées, soit +10 % par rapport à la précédente campagne).
La récolte américaine de maïs (376 Mt) sera supérieure de 5 Mt à celle de l’an passé (371 Mt). Aussi, les Etats-Unis prévoyaient-ils d’exporter, fin septembre dernier, 61 Mt de grains. Au niveau mondial, « les disponibilités exportables de maïs étant plus abondantes que celles du blé et de l’orge, ce premier devrait attirer de nombreux importateurs », analyse le CIC. Selon les dernières prévisions de ce dernier, les exportations de maïs atteindraient même les 156,7 Mt, soit 5,2 Mt de plus en un an. Les Etats-Unis, l’Ukraine et l’Argentine vendraient plus de grains cette année.
Parallèlement, l’Union européen importerait jusqu’à 20 Mt (+2,5 sur un an), selon l’association générale des producteurs de maïs (organisation professionnelle spécialisée basée en France) car la demande en grains sera plus élevée que l’an passé. L’Union européenne ne produira que 63 Mt de maïs alors qu’elle en consommera 82,3 Mt, selon le CIC. Les éleveurs manquant de fourrages et de paille pour nourrir leurs animaux, achèteront plus d’aliments fabriqués à base de maïs.
En conséquence, la dynamique des échanges commerciaux et la forte demande de maïs réduiront les stocks mondiaux de fin de campagne, en juin 2019 à leur plus bas niveau depuis cinq ans. Estimés à 261 Mt, ils auront alors reculé de 13 % en un an.
Une production d’orge insuffisante
La production mondiale d’orge sera de 140 Mt cette année pour une consommation de 145 Mt. La campagne s’achèverait par conséquent par un déficit de 5 Mt. Pourtant, les industriels de l’alimentation animale prévoient de réduire, leur demande de 3 Mt par rapport à l’an passé. Mais ce ne sera pas suffisant.
Cette année, la baisse des productions russe et européenne sera partiellement compensée par des hausses légères en Ukraine, Kazakhstan, Maroc et Brésil, entre autres.
Cette conjoncture ne réduit pas l’appétit des pays importateurs. Le CIC estime à 30 Mt la quantité d’orge commercialisée, contre 29 Mt l’an passé.
Avec une production de 11,6 Mt, la France pourra exporter 6,7 Mt d’ici juin 2019.
En juillet dernier, l’Arabie saoudite avait déjà importé un million de tonnes des huit programmées pour juin 2019.
Comme pour les autres céréales, les pays exportateurs puiseront dans leurs stocks pour tenir leurs engagements commerciaux. Résultat : les stocks mondiaux d’orge, estimés à 21 Mt par le CIC, seraient à la fin de la campagne, les plus faibles des vingt dernières années.
Frédéric Henin