Le niveau de vie à Madagascar n’est nullement conforme à la taille et à la grandeur de son capital naturel. L’île est répertoriée parmi les pays à faible revenu et à déficit vivrier : les besoins d’importation tournent autour de 567 000 tonnes, selon les estimations de la FAO. D’amples défis sont à relever pour trouver la voie de la croissance.
L’abondance voisine avec la plus grande pauvreté
À l’image des nations agricoles du Sud, Madagascar est passé dans la légende des terres gâtées par la nature. L’insularité lui vaut 6 000 kilomètres de côtes, bordant un patrimoine lacustre et marin de grande qualité. Sa position dans le Tropique du Capricorne lui confère un climat favorable à l’agriculture, de telle sorte que le pays accueille tout un éventail de plantes alimentaires sur ses 2,6 millions d’hectares cultivées : riz, maïs, manioc, mais aussi les cultures maraîchères et fruitières comme l’oignon, le haricot vert ou le piment dans lesquelles s’impliquent des industries de stockage et de transformation. En 2016, Madagascar demeure le premier producteur mondial de vanille avec 2,926 millions de tonnes par an, devançant la Chine et les Comores; la production de café s’établit à 48 000 tonnes et la production de girofle à 21 864 tonnes, ce qui le place respectivement au 19e et au 6e rang mondial(FAO) . L’élevage de crevettes prospère, faisant vivre environ 3 000 ménages et renvoyant une image de marque préférée par le marché (label rouge). Éloquent, ce tableau éclaire sur le formidable potentiel du monde rural malgache. Rien n’aurait pu augurer que cette île opulente de 22 millions d’habitants connaîtrait le destin d’une poche de faim et d’insécurité alimentaire.
Les causes de la défaillance du secteur agricole malgache
Malheureusement, l’agriculture remplit de moins en moins bien ses fonctions. Les années de mauvaises récoltes se répètent, devenant la règle plu
s que l’exception. La gestion intensive des sols tarde à venir. Les rendements chutent. Or, l’inquiétante montée démographique tire la demande de produits alimentaires des villes vers le haut. Les importations explosent, se répercutant sur les prix des produits à la ferme qui dépriment. Désespérés, nos petits paysans obéissent à une stratégie de subsistance : oui pour les céréales, racines et tubercules, non pour les cultures risquées quoique plus rentables ; oui aux semences locales, non aux semences de qualité exigeant des amendements pour exprimer leur potentiel ; oui à la vieille méthode du labour, mais un non catégorique s’agissant de l’agroforesterie dont les bénéfices ne se ressentent qu’à long terme. D’un côté donc, l’activité exportatrice est dominée par les grands groupes ; de l’autre, la polyculture familiale est pratiquée dans un contexte de profonde pauvreté.
Annonce d’un programme de soutien ministériel
Face à ce constat, la question qui se pose est : comment accroître le potentiel de production des unités agricoles familiales ? Lors d’une interview récente à l’Express de Madagascar, le ministre en charge de l’Agriculture et de l’Élevage a mis en avant quatre volets d’intervention :
- « Dotation en semences, en engrais, en matériel agricole, en animaux géniteurs et sécurisation foncière » : un plan d’assistance sera mis en route, destiné à financer l’achat et la distribution des moyens de production. L’aide durera quatre ans. L’État s’engage à couvrir les frais d’investissement en amont de la campagne, d’abord en totalité, ensuite en partie, jusqu’à ce que les paysans accèdent à une pleine autonomie économique.
- « Les paysans sont appelés à se professionnaliser », rajouta aussi le ministre ;
- Levée de fonds de 500 millions de dollars pour construire des infrastructures hydro-agricoles et relancer les gros bassins de Madagascar ;
- Enfin, le ministre promet d’explorer « de nouvelles approches pour inciter les paysans agriculteurs à recourir aux prêts financiers ».
Tirer leçon des erreurs du passé
On ne peut que féliciter l’État de dresser un plan d’action ambitieux pour améliorer la situation des agriculteurs malgaches. L’année s’ouvre donc sur une note optimiste, encore faut-il que les promesses soient assorties de mesures opératoires concrètes. Le gouvernement doit prendre leçon sur les précédentes politiques agricoles pour impulser un véritable changement, à savoir :
– Approche standard fondée sur la croissance accélérée de la production des denrées de base, négligeant les éléments de spécificités régionales ;
– Prêter plus d’attention à l’amont de la filière agricole. Autant l’approvisionnement en intrants et les visites techniques sont bien organisés, autant le traitement des produits après récolte n’est pas pris en compte. Les tomates pourrissant sur place ou cédées à vil prix durant la saison d’abondance en sont une illustration ;
– Accorder au secteur agricole portion plus importante des dépenses publiques ( actuellement moins de 10 %).
Libérer le potentiel de l’agriculture de rente
Il appartient aux responsables du développement rural de contourner habilement ces écueils, c’est-à-dire valoriser les ressources locales et ne pas reâcher les efforts d’intégration marchande. Le problème n’est pas de dicter ce qu’il faut planter ou produire, mais d’exhorter le paysan à planter mieux et davantage, à rationaliser son exploitation et à échanger les fruits de son sol ou de son cheptel contre de l’argent, en créant un cadre économique et réglementaire qui concourt à cet effet. C’est à cette condition que la paysannerie malgache adoptera volontiers les techniques novatrices, dégagera des revenus sûrs et équitables, signant le passage d’une agriculture de subsistance vers une agriculture de rente, laquelle exaucera la vision de Madagascar, qui fixe pour buts l’autosuffisance vivrière à 100 %, l’élévation de 40 % des revenus ruraux et le doublement de la valeur des exportations de produits primaires.
John Mahrav