La demande mondiale en huiles et protéines végétales progresse chaque année. En France, l’association Agropol mène des actions de coopération internationale pour accompagner la structuration et le développement de filières oléo-protéagineuses inclusives et durables. La Tunisie et le Maroc sont importateurs nets de protéines végétales et d’huiles de graines. Agropol collabore avec les pays du Maghreb pour les aider à être souverains dans ces produirs.
Le soja et le palm sont les deux poids lourds du marché. Ils fournissent près de 75% des huiles pour l’alimentation humaine, les biocarburants et les produits issus de la chimie verte (biocarburants entre autres). A lui seul, le soja représente les deux tiers de la production mondiale de matières premières riches en protéines végétales destinées à l’alimentation animale.
Une pléthore de pays est contrainte d’importer des graines, des tourteaux ou de l’huile puisque leur agriculture ne pourvoit pas à leurs besoins.
La crise en Ukraine et la flambée des cours des matières premières agricoles en 2022 ont mis en exergue la situation oligopolistique de la production du soja et la dépendance des continents africain et européen à son égard. La production se concentre principalement aux USA, au Brésil et en Argentine pour le soja et en Indonésie et en Malaisie pour l’huile de palme.
Agropol collabore avec les pays du Maghreb
La Tunisie, comme le Maroc, est importatrice net en protéines végétales et en huiles de graines. Pour être plus souverain, produire plus d’oléo-protéagineux est devenu une priorité. En Afrique du Nord, les potentiels du colza et du tournesol ne sont plus à démontrer. L’intégration d’oléagineux en rotation avec les céréales constitue par ailleurs un levier de performance pour ces dernières.
« Dans un contexte global de forte demande en huiles et en protéines végétales, l’émergence et le développement de filières oléo-protéagineuses apportent une réponse locale aux besoins des populations et contribuent au développement économique, environnemental et social des pays », souligne Guénaël Leguilloux, directeur général d’Agropol.
L’action d’Agropol, présidée par Augustin David, agriculteur dans la Nièvre, ne consiste pas seulement à apporter de l’aide au développement mais aussi à renforcer les relations économiques trans-méditerranéennes et à créer des collaborations entre les pays du Maghreb et avec la France. Les connaissances et des compétences acquises en expérimentant et en cultivant des oléo-protéagineux sont l’objet de nombreux échanges.
Par exemple, le programme Oilseed conduit entre 2019 et 2023 par Terres Univia, l’interprofession de la filière française des huiles et protéines végétales et Agropol, visait à promouvoir les semences européennes de colza au Maroc et en Tunisie mais aussi de tournesol au Maroc. Le projet avait également pour objectif de favoriser le développement des surfaces via des formations techniques et des plateformes de démonstration. Des actions de communication avaient aussi été lancées pour cibler les acteurs et les décideurs des filières oléagineuses locales.
Au Maroc, le colza est semé en automne juste avant le retour des précipitations avec des variétés à cycle court ne nécessitant pas de vernalisation. La récolte se déroule en avril-mai. Ces variétés non OGM sont également cultivées au printemps dans les pays du nord de l’Europe. Par ailleurs, le Canada est un grand producteur de variétés OGM (canola).
Enfin, le colza se développe également des pays tels que l’Australie, le Brésil et l’Argentine où les conditions climatiques sont très proches de celles observée au Maghreb.
Quant au tournesol, il est semé au Maroc l’hiver, idéalement à la fin du mois de janvier pour être récolté en juillet. Dans les années 1990, le royaume chérifien a atteint un pic de surface de près de deux cent milles hectares. Mais le retrait de la Comapra, la société publique d’appui à la production et à la mise en marché, et la libéralisation des importations de tourteaux, ont fait chuter les superficies de tournesol, laissant uniquement une petite production pour le marché de bouche.
Au Maroc collabore avec les secteurs privé et public des oléagineux
Depuis l’intérêt de retrouver une souveraineté en protéines végétales reprend du sens au Maroc et en Tunisie. A Agropol, « nous mettons notre expertise, alliant les connaissances acquises en France et en Afrique du Nord, au service des interprofessions et des organisations professionnelles des acteurs de l’amont et de l’aval. Nous renforçons ainsi leurs compétences techniques et organisationnelles et nous les accompagnons dans leurs réflexions stratégiques et leurs recherches de financement », explique Guénaël Leguilloux.
Au Maroc, l’association appuie la FOLEA, l’interprofession oléagineuse marocaine depuis 2009. La relance de la production est à présent engagée et le royaume chérifien produit chaque année 35 à 55 000 ha de colza et de tournesol. La progression des surfaces dans les prochaines années nécessite de faire évoluer le schéma d’appui-conseil aux producteurs afin de faciliter l’adoption des oléagineux par les petites et moyennes exploitations qui constituent une large part de la SAU.
Les deux triturateurs marocains, les Huileries du Sousse Belhassane et Lesieur Cristal ont créé un groupe d’intérêt économique (GIE) pour assurer le débouché de la graine. Il contractualise la production, il organise l’approvisionnement des agriculteurs en intrants et il collecte les graines.
« Agropol met également ses compétences au service des pouvoirs publics pour appuyer la formulation de politiques agricoles et l’élaboration de cadres réglementaires favorables à l’émergence et à l’essor des filières oléo-protéagineuses », rapporte Guénaël Leguilloux.
Pour préserver la compétitivité du colza et du tournesol et permettre le développement d’une production nationale d’huile et de tourteaux, les pouvoirs publics marocains ont signé un contrat programme avec la Foléa.
La mesure phare de ce dispositif est un mécanisme de paiement compensatoire financé par l’Etat qui permet aux triturateurs de payer la graine au cours mondial et aux agriculteurs de bénéficier d’un prix compétitif. Cette organisation de marché s’appuie sur celle observée dans le secteur céréalier qui bénéficie de longue date d’un volet de mesures de soutien public important.
Le cas de la Tunisie
En Tunisie, les agriculteurs et acteurs de l’aval de la filière oléagineuse veulent développer une production d’huile et protéines végétales pour renforcer la souveraineté alimentaire du pays ainsi que la résilience de ses exploitations céréalières.
Ils ambitionnent d’implanter progressivement jusqu’à 80 000 hectares de colza. Les graines seront triturées dans l’usine de trituration de CarthageGrains qui transforme d’ores et déjà 400 000 t de soja importées.
Le gouvernement tunisien, Cartharges Grains et quelques agriculteurs précurseurs ont amorcé la relance de la production de colza en 2014. Puis se sont joints l’INGC, l’Institut National des Grandes Cultures, qui a compris l’intérêt agronomique d’instaurer la culture de colza dans l’assolement des exploitations céréalières et le CMA, le mandataire de l’office public de céréales, qui dispose d’un réseau national de centres de collecte de grains.
La Tunisie produit à présent entre 20 et 25 000 ha de colza mais l’adoption du colza par les petites et moyennes exploitations est, comme au Maroc, une étape incontournable à la progression des surfaces.
Agropol et les acteurs clés de la filière tunisienne ont justement élaboré un nouveau projet pour faire face aux défis et aux enjeux d’un déplafonnement des surfaces. Ce projet vise le renforcement de l’organisation des acteurs dans une approche interprofessionelle, la formulation d’un plan de filière intégrant notamment une stratégie d’appui à l’adoption du colza par les petits paysans et la définition d’un mécanisme de lissage des cours internationaux du colza afin de sécuriser la contractualisations de la production en place.
Aussi bien au Maroc qu’en Tunisie, Agropol et ses partenaires ont mis en place dans différents bassins de production des observatoires sur les pratiques agricoles sur colza et les impacts sur les rendements en vue régionaliser le conseil à l’échelle des exploitations. Les références techniques acquises sont partagées avec les organismes de développement agricole et les centres de recherche locaux pour créer des synergies.