Comprendre les enjeux de l'agriculture

3ème PARTIE

 

EN AFRIQUE, L’EDITION GENOMIQUE RENDRA L’AGRICULTURE PLUS PERFORMANTE ET PLUS ECOLOGIQUE

L’Edition génomique permet d’accélérer la sélection variétale en modifiant l’information génétique des plantes pour favoriser leur croissance. Les nouvelles variétés de sorgho et de manioc ainsi obtenues sont plus productives car plus résistantes à leurs bio-agresseurs.

Les Strigas font des ravages dans les cultures de sorgho en Afrique subsaharienne. Ces plantes parasitaires, connues sous le nom d’« herbe des sorcières », se fixent sur les racines des plantes hôtes pour détourner et absorber l’eau et les sels minéraux destinés à alimenter les feuilles et les épis de sorgho.

Des chercheurs sont parvenus à créer une variété de sorgho résistante à l’infestation de cette plante parasitaire. Le mode opératoire est le suivant : la nouvelle plante hôte empêche l’appariement des racines de Striga aux siennes en diffusant une substance qui inhibe la germination des graines de Striga. Aussi, le végétal ne peut plus se développer aux dépens du sorgho en prélevant, avec ses racines, l’eau et les sels minéraux nécessaires à sa croissance.

Plantes de Striga hermonthica (@Aneth David (SLU)

Plantes de Striga hermonthica (@Aneth David (SLU)

« La nouvelle variété de Sorgho a été obtenue par édition génomique, rapporte Georges Freyssinet, président de l’Association française de biotechnologies végétales. C’est un ensemble de technologies qui permet la modification ciblée de l’information génétique des plantes (cf encadré). Cette modification se fait par addition, soustraction ou échange de nucléotides, les « briques » qui constituent l’ADN des plantes ».

De plus en plus de pays africains voient dans l’édition génomique (ou mutagenèse ciblée) des opportunités pour accroître rapidement les rendements des cultures locales en créant des variétés de plantes plus productives sans avoir recours à des quantités massives d’intrants (produits phytosanitaires, engrais, eau, etc.). Elle rendra leur agriculture à la fois plus performante et plus écologique.

« L’édition génomique représente un surcoût limité par rapport à la sélection conventionnelle si l’on maîtrise la culture in vitro, affirme George Freyssinet. Les pays qui l’ont adoptée ont déjà adapté leur réglementation afin de rendre commercialisables, les nouvelles variétés de plantes obtenues par édition ».

Au Nigéria, les plantes éditées qui ne contiennent pas d’ADN recombinant ne sont pas assimilées à des plantes génétiquement modifiées (PGM).

Au Kenya, les plantes dont on a inhibé, par édition génomique l’expression de gènes, ne sont pas non plus des PGM. Il en est de même des plantes dotées d’un patrimoine génétique modifié par l’introduction de gènes issus de plantes de la même espèce.

Récoltes de sorgho au Burkina Faso (Rik Schuiling / TropCrop-TCS)

Récoltes de sorgho au Burkina Faso (Rik Schuiling / TropCrop-TCS)

Réglementation adaptée

D’autres pays africains sont motivés pour développer la recherche variétale en s’appuyant sur l’édition génomique. Et ils vont pour cela adapter leur réglementation pour rendre commercialisables les nouvelles plantes obtenues. Toutefois, les variétés éditées doivent être validées dans chaque pays par une autorité compétente.

Mais l’Afrique du Sud a choisi une autre voie. Son gouvernement a d’ores et déjà fait savoir qu’elle continuerait à assimiler les plantes éditées à des PGM.

L’édition génétique ne modifie en rien le mode de reproduction des plantes sélectionnées. Aussi, les paysans qui cultivent des variétés de plantes éditées plus productives pourront produire leurs propres semences et les partager.

« Au fil des années, la gamme des plantes éditées s’étoffe, observe Georges Freyssinet. Sur chaque territoire, l’objectif recherché est de parvenir à répondre aux besoins des paysans en leur donnant les moyens de mieux produire pour mieux se nourrir. Mais pour l’instant, seulement deux plantes éditées sont commercialisées, un soja riche en acide oléique aux USA et une tomate riche en GABA au Japon. ».

Des variétés de maïs éditées sont dorénavant résistantes à la nécrose létale ou à la sécheresse.

Enfin, des pieds de Manioc édité résistent à la mosaïque et des plants de blé ont été sélectionnés pour leur propension à pouvoir être cultivés dans des sols très alcalins. Les tests de ces plantes sont en cours.

Par rapport aux plantes mères dont elles sont issues, ces nouvelles variétés éditées peuvent être sélectionnées pour les doter de qualités nutritives et alimentaires qui réduisent, une fois consommées, l’apparition de carences. Par exemple, la moutarde éthiopienne est enrichie en acides gras essentiels.

 

Edition génomique ou mutagenèse ciblée ou NGT

L’édition génomique a révolutionné les possibilités d’augmenter la variabilité génétique. « Elle permet la modification ciblée de l’information génétique des plantes par addition, soustraction ou échange de nucléotides », explique Georges Freyssinet, président de l’Association française de biotechnologies végétales.

« Ces mutagenèses obtenues sont ciblées car les gènes à modifier doivent être connus et  localisés avant d’être modifiés, ajoute-t-il. En conséquence, l’édition génomique ou la mutagenèse ciblée ne reposent en aucun cas sur l’apport de gènes de plantes d’autres espèces ».

Les technologies d’édition génomique ont été mises au point à la fin du 20ème siècle. Elles consistent à exploiter la capacité de pouvoir couper les deux brins de l’ADN qui se réparent automatiquement.

Par édition génomique, il sera possible de doter les plantes d’une multitude de nouveaux caractères de résistance aux stress biotiques ou abiotiques que d’autres végétaux de la même espèce, cultivés ou pas, disposent à l’état naturel.

Des plantes éditées pourront mieux absorber l’azote du sol ce qui réduira les apports d’engrais nécessaires à la culture. L’idée défendue est de rendre les pays émergents moins dépendants des importations d’engrais chimique.

« En fait une large panoplie de caractères est modifiable par édition génomique, rapporte le président de l’AFBV. Il est ainsi possible d’agir sur le rendement des plantes ou sur leur architecture aérienne ou racinaire ».

La technique de mutagenèse ciblée la plus connue est la technique CRISPR dite des « ciseaux moléculaires ». Elle a été inventée en 2012 par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. Le succès a été immédiat. Huit ans plus tard, le prix Nobel de Chimie leur a été remis.

La technique CRISPR exploite la capacité naturelle d’une bactérie à se défendre contre des invasions de virus en scindant leur ADN ou leur ARN ce qui les empêche de se reproduire. En effet, son patrimoine génétique lui confère la capacité de synthétiser une nucléase dédiée à cette fonction.

Pour éditer des plantes par CRISPR, on leur transfert cette aptitude bactérienne de scinder un brin d’ADN par transgénèse en associant la nucléase à une séquence d’ARN qui va reconnaître la partie du gène où se fera la coupure. Puis on réalise la modification du gène souhaitée. Enfin, l’ADN est ensuite réparé et le transgène retiré.

L’autre méthode de mutagenèse pratiquée, plus aléatoire, vise à introduire, par exemple dans des protoplastes, la nucléase chargée de couper l’ADN de la plante hôte. Puis les plantes dotées du nouveau gène modifié seront sélectionnées par PCR puis évaluées.

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