2ème PARTIE
L’AFRIQUE, NOUVEL ELDORADO DES PGM
En s’appropriant les technologies d’obtention des plantes génétiquement modifiées (PGM) et en les appliquant à des variétés adaptées à son climat, l’Afrique et ses chercheurs se donnent les moyens de développer la culture de PGM plus productives.
Ce n’est pas une révolution verte, mais les progrès obtenus sont significatifs. En cultivant des plantes génétiquement modifiées (cf encadré), adaptées aux différents climats du continent africain, les rendements obtenus sont bien meilleurs que ceux des plantes « conventionnelles » dont elles sont issues et qui sont habituellement cultivées.
Le continent africain a tardé à adopter les PGM mais depuis une dizaine d’années, il semble compenser son retard. Le nombre de pays qui cultivent des PGM s’allonge. Leur gouvernement y voit une opportunité d’accroitre la souveraineté et la sécurité alimentaire de leur population.
« En 2008, l’Afrique du Sud a été le premier pays à cultiver des cultures PGM. Il s’agissait du maïs Bt puis des variétés de la céréale résistantes aux herbicides à partir de technologies importées des Etats-Unis », expose Georges Freyssinet, président de l’Association françaises des biotechnologies végétales.
Par la suite, le Nigéria, le Soudan, le Malawi, le Swatini et l’Éthiopie se sont lancés dans la culture de PGM. Il était alors possible de cultiver du coton génétiquement modifié mais aussi du soja et, plus récemment, des ananas. Mais la superficie cultivée reste modeste. Elle ne dépasse pas 4 millions d’hectares.
Des conversions aux PGM
Les nouvelles variétés de Manioc et de Niébé, génétiquement modifiées ont incité le Sénégal, le Ghana et le Kenya à se convertir aux PGM car les nouvelles variétés cultivées répondaient aux besoins de leur population. Tout récemment, l’Algérie et l’Egypte, très dépendantes des importations de céréales et de produits agricoles pour approvisionner leur population, n’excluent plus de se lancer dans la culture de PGM.
« En fait, l’époque n’est plus à la culture de graines de variétés de plantes génétiquement modifiées importées d’un pays tiers », défend Georges Freyssinet. Certes, cette voie avait été adoptée par l’Afrique du Sud, pays pionnier sur le content africain dans l’implantation de plantes génétiquement modifiées. Et le succès était alors au rendez-vous car les variétés de maïs n’ont rencontré aucune difficulté pour s’adapter au climat puisqu’il présente quelques similarités avec celui en vigueur dans les grandes plaines étasuniennes.
Mais au Burkina Faso, l’introduction de variétés de coton génétiquement modifiées a déçu. Les caractéristiques des fleurs récoltées et de leurs fibres ne correspondaient pas aux exigences de l’industrie textile. En fait, les variétés importées n’étaient pas adaptées au climat où elles ont été cultivées.
En Afrique, les PGM rencontrent dorénavant un vif succès car elles ont été obtenues par des chercheurs africains qui ont eu les moyens de se former aux techniques de transformation et de sélection. Et les nouvelles PGM sont dorénavant issues de variétés locales adaptées aux conditions climatiques auxquelles elles sont cultivées.
« On est dans une dynamique positive avec la mise à disposition de variétés locales qui intéressent les agriculteurs », assure Georges Freyssinet.
La palette des variétés de plantes génétiquement modifiées a renforcé leur attrait auprès des pays africains.
Par leurs caractéristiques, ces PGM rendent les petits paysans moins dépendants à l’égard de l’emploi de produits phytosanitaires. Les rendements sont aussi plus réguliers.
Une variété de manioc génétiquement modifiée est dorénavant résistante au virus de la mosaïque. Les maïs TELA font face à la sécheresse et à l’agression d’insectes (chenille légionnaire et foreurs des tiges). Et il existe dorénavant une variété de pommes de terre résistante au mildiou en cours de test au champ.
Au Sénégal, où le Niébé est cultivé en abondance, une nouvelle variété génétiquement modifiée est dorénavant résistante à l’insecte foreur de gousses, le Maruca.
Le conflit en Ukraine et l’insécurité qu’il représente en matière d’approvisionnement sur les marchés agricoles conduisent les gouvernements africains à prendre les dispositions nécessaires pour renforcer la souveraineté alimentaire de leur pays. Et toutes les solutions pour y parvenir sont bonnes.
Mais en diffusant de nouvelles variétés génétiquement modifiées, les gouvernements sont contraints de mettre au point un système de distribution et de traçabilité des semences.
Si les nouvelles variétés de plantes génétiquement modifiées ne sont pas des variétés hybrides, la production de semences fermières est tout à fait envisageable. Elle facilite la vulgarisation de ces variétés. Mais les paysans doivent parfois s’acquitter d’une redevance pour rémunérer l’obtenteur et financer ses recherches.
PGM plutôt qu’OGM
« Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont d’abord des plantes génétiquement modifiées (PGM), explique Georges Freyssinet, président de l’AFBV. Les premières variétés ont été commercialisées en 1995 aux Etats-Unis et portaient sur des variétés de maïs résistantes aux insectes. Le gène codant la toxine Cry1Ab, extrait du génome de la bactérie Bacillus thuringiensis, avait alors été introduit dans le génome de la céréale, d’où le nom « maïs Bt » des variétés génétiquement modifiées. Par la suite sont apparues des variétés tolérantes aux herbicides, puis des variétés doublement génétiquement modifiées, à la fois tolérantes aux herbicides et résistantes aux insectes nuisibles.
Pour obtenir ces premières PGM, un transgène composé de trois éléments principaux, a été introduit dans le génome des plantes sélectionnées via une bactérie phytopathogène, Agrobacterium. Celle-ci a la caractéristique de transférer naturellement une partie de son génome dans le patrimoine génétique de la plante hôte.
Ce transgène est composé de la zone codant pour la fonction recherchée, une résistance à un pathogène ou à un insecte par exemple et deux séquences génétiques qui assurent la régulation de l’expression du gène.
La transgénèse appliquée d’abord au maïs a été étendue rapidement au soja.
Dès leur obtention, les premières PGM ont soulevé l’hostilité de nombreux gouvernements africains, relayant les propos des environnementalistes portant sur la santé et la protection de la biodiversité entre autres.
Ces gouvernements craignaient de rendre leur agriculture et ses paysans dépendants de firmes de semences internationales. En produisant des PGM, ils redoutaient aussi l’image qu’ils renverraient auprès des pays qui importent habituellement leurs produits. Ils craignaient ne plus avoir accès à leur marché.