Comprendre les enjeux de l'agriculture

Les chefs d’États et de Gouvernement membres de l’ONU rappellent régulièrement l’importance de cette organisation de coopération internationale dans la mutualisation des ressources et des expériences en vue d’améliorer la résolution des problématiques mondiales dont la sécurité alimentaire fait partie. Pour renforcer le rôle de l’organisation, chaque représentant onusien local doit disposer de pouvoirs adéquats et d’un cadre d’actions validés collectivement. C’est à ce prix que les programmes sont déployables efficacement et qu’il est possible d’en mesurer les effets. La tendance est à la mise en place d’un modèle de collaboration duplicable d’un pays à l’autre, avec une structure unique pour faciliter la supervision des actions, notamment la mesure de l’efficacité, l’intégration des ODD dans leur ensemble et la collecte de données. C’est dans cette optique que la FAO et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) ont annoncé début mars le lancement du programme Agrifood Systems Transformation Accelerator (ASTA), inspiré d’une expérimentation menée auprès d’États membres volontaires et sur la base de connaissances liées aux systèmes agroalimentaires compilées par les organismes onusiens.

 

Le Groupe des Nations unies pour le développement (GNUD) a guidé la mise en place d’une initiative appelée « Unis dans l’action » qui consiste à formaliser et unifier le déploiement des programmes portés par l’ONU. L’Albanie, le Cap-Vert, le Mozambique, le Pakistan, le Rwanda, la Tanzanie, l’Uruguay et le Viet Nam ont participé en tant que pilotes. L’objectif est double : comprendre comment faciliter la mise en pratique des programmes pour en réduire les coûts et rendre systématique l’intégration des ODD. L’initiative est financée par des fonds issus du projet Objectifs du Millénaire pour le développement.

Parmi toutes les problématiques, la question de la sécurité alimentaire est l’un des sujets prioritaires. Elle est la conséquence d’un système alimentaire durable qui mettra fin aux inégalités et aux risques environnementaux. Jusqu’à présent, les systèmes alimentaires se sont développés localement et sans concertation à l’échelle internationale, construits par des intérêts purement économiques et soumis aux aléas environnementaux (climat, conflits…). Une majorité a exposé ses limites à l’occasion de l’épidémie de Covid19, les systèmes agroalimentaires sont apparus comme fragiles : États fortement dépendants des importations de denrées ou d’engrais, producteurs dans l’incapacité financière de transformer leur modèle agricole, manque de formation aux technologies innovantes telles que les outils digitaux, faiblesse ou inexistence des chaînes de valeur……

Programme ASTA, résilience des systèmes agroalimentaires

A l’occasion de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, qui s’est tenue du 5 au 9 mars 2023 à Doha, la FAO et l’ONUDI ont annoncé le lancement du programme Accélérateur pour le développement et l’innovation dans l’agriculture et l’agro-industrie Plus (3ADI+), rebaptisé plus largement Accélérateur pour la transformation des systèmes agroalimentaires (ASTA).

Ce programme vise à accompagner et accélérer la transformation des systèmes à travers le monde, pour tendre vers les ODD attendus à l’horizon 2030. La stratégie consiste à identifier le fonctionnement des filières et de leurs acteurs et à faciliter la circulation, la transformation et la valorisation des denrées, du producteur au consommateur.

Lever les obstacles dans ces filières permet d’améliorer les chaînes de valeur et facilite l’orientation des investissements vers les points cruciaux de la transition :

  • Systèmes de marché ;
  • Modèles commerciaux ;
  • Financements inclusifs…

 

Le programme ASTA accompagne techniquement et financièrement les acteurs locaux et génère un impact économique en connectant les producteurs aux marchés finaux, un impact social en intégrant les petits exploitants à la chaîne et environnemental et un impact environnemental en veillant à l’exploitation responsable des ressources naturelles dans les systèmes agroalimentaires

Au sein du système agroalimentaire accompagné, les acteurs acquièrent une capacité à s’adapter aux marchés, tant sur les problématiques de ressources (eau, intrants) que sur les aléas économiques (prix, demande). Leur fragilité s’estompe, avec elle, l’insécurité alimentaire.

Le programme ASTA a été conçu sur la base des expériences pilotes menées à partir de 2006 par les huit pays volontaires dans le cadre du concept « Unis dans l’action » : un État, un représentant, un programme, un budget. Il s’appuie aussi sur des connaissances antérieures acquises par la FAO et l’ONUDI sur le fonctionnement des chaînes de valeur à travers le monde

Les zones d’intervention sont sélectionnées selon des critères liés au potentiel de transition des systèmes agroalimentaires en place dans ces zones :

  • La demande d’application du programme doit émaner de représentants officiels de l’État concerné ;
  • Le bénéficiaire doit être en mesure d’établir un état des lieux de son système agroalimentaire, notamment sur les chaînes de valeur ;
  • Des financements doivent être disponibles, qu’ils soient publics ou privés ;
  • Les représentants du programme ASTA, dont l’ONUDI et d’autres partenaires doivent être en mesure d’intervenir sur les phases opérationnelles du programme.

Le programme encourage l’établissement de partenariats publics-privés supportés par des financements mixtes. Les pays les plus pauvres seront les cibles prioritaires du programme ASTA.

M. Qu Dongyu (FAO) et M. Gerd Mueller (ONUDI) ont rappelé que la transformation des systèmes agroalimentaires est un chantier transversal qui dépasse les frontières agricoles, il faudra traiter de la question climatique, de la productivité, de l’efficacité des chaînes de valeur, du foncier agricole, de la nutrition, de l’inclusion des populations, de la préservation de la biodiversité. L’association des deux organisations est la preuve d’une approche qui se veut globale.

Après une première identification des financements disponibles, il s’agira de flécher les investissements vers les chaînes de valeur avec une forte marge de progression et dans les pays les plus fragiles.

Le conflit en Ukraine a succédé à la crise sanitaire, la succession d’événements, démontrant l’urgence de réformer la façon dont les États assurent leurs approvisionnements en denrées alimentaires et comment ils utilisent le système agroalimentaire en tant que levier économique et social.

Les pays dont les systèmes agroalimentaires sont les plus fragiles sont ceux qui connaissent les urgences alimentaires les plus fortes avec une organisation économique et politique la moins propice à une transition.  Pour ces cibles, les opérateurs onusiens s’appliquent à traduire les recommandations en actions sur le terrain, une tâche rendue possible grâce à des expérimentations opérationnelles conduites depuis une quinzaine d’années dans divers pays africains, asiatiques ou sud-américains.

Le Surinam, le Bangladesh et la Tanzanie accompagnés avec succès

Citons l’exemple du Surinam. Accompagné par le programme ASTA, il a su mobiliser $2 millions de financements publics qui ont drainé $8 millions de fonds privés complémentaires pour réorganiser plus durablement la filière ananas.

Le Bangladesh bénéficie aussi du programme ASTA pour conduire la transformation de deux filières : les produits laitiers et la viande bovine. L’objectif du programme développé sur ce territoire est d’améliorer la qualité et la sécurité nutritionnelles, de créer des revenus suffisants pour les producteurs, de faciliter les échanges avec le marché pour une professionnalisation des acteurs et de réduire l’impact carbone grâce à des actions ciblées :

  • Formation à l’utilisation du fumier de vache ou aux eaux usées ;
  • Gestion des déchets d’abattoirs ;
  • Conservation des denrées ;
  • Optimisation de la consommation énergétique.

En Tanzanie, le programme ASTA est déployé au bénéfice de la filière huile de palme. Les objectifs concernent l’augmentation des revenus des petites exploitations familiales, le rééquilibre des charges de travail entre les hommes et les femmes et la prise en compte environnementale dans le développement de la filière, notamment la préservation des espaces forestiers. Les fonds portent aussi la création d’entreprises locales de transformation agricole sécurisée sur le plan alimentaire et environnemental.

Pour les cinq années à venir, le programme ASTA devrait permettre de lever $300 millions de fonds privés pour engager la transformation de systèmes agroalimentaires fragiles dans le monde.

 

Source : FAO, Unido