Comprendre les enjeux de l'agriculture

Au printemps dernier, l’Arabie Saoudite annonçait l’interdiction des importations ou transits de tous produits libanais suite à la découverte de substances illicites dissimulées dans une cargaison de grenades.

Une annonce lourde de conséquence pour le Liban qui réalise 10% de ses exportations totales vers ce royaume et qui se trouve empêché de livrer d’autres pays en produits agricoles :

  • Le Koweït : $23,97 millions ;
  • Le Qatar : $16,64 millions ;
  • Les Emirats arabes unis : $19,97 millions ;
  • Le sultanat d’Oman : $6,89 millions.

S’il est trop tôt pour évaluer les effets de cette interdiction en raison de la saisonnalité des productions et expéditions, elle viendra sans doute aggraver la crise que traverse le Liban depuis 2019.

De plus, la fiabilité des chiffres avancés par le Liban laisse dubitatif. Le pays avance $33 millions d’exportations agricoles vers l’Arabie Saoudite alors  que cette dernière avance un chiffre de $43 millions d’importations libanaises pour les mêmes denrées. L’écart serait dû à la volonté des exportateurs de minimiser leurs ventes taxables selon le responsable d’un centre de recherche agricole libanais.

Au-delà de la bataille de chiffres, certains exploitants libanais sont réellement privés de débouchés comme les producteurs d’agrumes dont les expéditions représentaient 13% des exportations agricoles vers l’Arabie Saoudite. Les agrumes ne trouvent plus preneurs et les prix chutent, aggravant leur situation.

Avant cette interdiction, les producteurs agricoles se trouvaient déjà dans l’obligation d’acheter leurs intrants en dollars obtenus à un taux prohibitif. Ce dernier épisode pourrait les pousser à abandonner la production de denrées alimentaires alors que le PIB agricole a déjà chuté de 25% en un an. Une baisse de la production libanaise obligerait le pays à importer davantage alors que son accès aux devises est limité.

Dans l’hypothèse ou l’Arabie Saoudite ne lève pas prochainement l’interdiction, certains producteurs ont trouvé d’autres débouchés.  Ainsi des avocats libanais sont exportés vers le Royaume-Uni. Mais la mise en place de ces nouvelles filières prennent du temps et les producteurs démunis doivent compter sur l’accompagnement d’ONG pour prendre ce virage. D’autres étudient les pistes maritimes pour contourner l’interdiction de transit.

En attendant, les producteurs dénoncent l’indifférence du gouvernement qui a injecté des aides aux intrants sans vraiment en contrôler la destination. Les subventions auraient alors alimenté des filières illégales de pesticides vers la Syrie tandis que les agriculteurs libanais recevaient des pesticides douteux en provenance de Turquie.

Source : L’Orient Le Jour