Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confirme l’urgence d’une action en faveur du climat. Les incidents climatiques se multiplient dégradant la biodiversité, la ressource hydrique et la sécurité alimentaire. Les experts envisagent des solutions basées sur une révision des pratiques énergétiques et une transition vers les énergies renouvelables. Les émissions responsables du réchauffement terrestre ne sont imputables à l’Afrique qu’à hauteur de 2% alors que le continent est fortement impacté et cherche la voie d’un développement moins polluant et plus durable. Limiter les émissions de GES ou réduire leurs effets, tels sont les enjeux des innovations climatiques attendues. Celles-ci portent sur les solutions intelligentes pour produire plus propre et optimiser la consommation d’énergie. En Afrique, la moitié de la population n’a pas accès à l’électricité et les chaînes de valeur agroalimentaires sont dysfonctionnelles.  Ce sont autant de challenges pour les chercheurs et une opportunité pour le monde industriel et les startups innovantes.

EIT Climate-KIC, initiative européenne née d’un partenariat public-privé entre l’Union européenne, Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), Federal Ministry for Economic Cooperation and Development (BMZ) et la « plateforme d’intelligence » Briter Bridges , a publié un rapport sur l’écosystème de la transition climatique en Afrique, à travers une analyse des intervenants, des marchés et des obstacles.

En complément des données fournies par Briter Briges, des entretiens ont été menés avec des organismes référents, des investisseurs et des startups pour apporter un éclairage plus qualitatif sur la question climatique.

Le continent africain dispose de ressources favorables à une production énergétique solaire, éolienne, hydroélectrique ou géothermique pour une capacité estimée à un peu plus de 300 GW d’ici 2030 selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) .

L’Afrique héberge nombre de startups à vocation technologique et à fort potentiel d’innovation, dirigées par de jeunes créateurs prêts à saisir ce nouveau marché énergétique, y compris dans le secteur agricole, fortement impliqué et employeur.

Ces entreprises innovantes auront l’opportunité de proposer de nouvelles solutions disruptives dans un marché destiné à croître compte tenu de la part de la population non alimentée en électricité.

Les technologies climatiques enrôlent quatre types d’acteurs dont les objectifs convergent partiellement : le secteur privé, les organismes de soutien (ONG, opérateurs), les gouvernements, les consommateurs.

Les startups, la ressource innovante

Le cabinet Briter Bridges estime que le continent africain compte 500 startups qui opèrent dans le secteur de la technologie climatique et dans le développement des infrastructures ou la production d’énergie.

Le Nigeria, l’Ouganda, l’Afrique du Sud  et le Kénya hébergent le plus grand nombre de ces startups tech. Les deux derniers disposent aussi de ressources naturelles et d’un environnement attractif pour l’implantation de startups. L’Egypte, le Ghana , l’Ouganda et le Rwanda suivent, offrant aussi un écosystème propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation.

Sous la pression des ODD, la majorité des innovations inclut les énergies renouvelables ou soutient l’agritech, l’agroalimentaire, la gestion des déchets ou la mobilité et l’habitat intelligent.

A titre d’exemple, Sun Culture propose une combinaison de deux innovations, une portant sur le pompage solaire d’eau, l’autre sur l’irrigation goutte-à-goutte.

Les organismes, levier de croissance

L’accompagnement à la technologie climatique prend différentes formes : financement, formation, partenariats, mentorat ou assistance technique. Les fonds alloués ou les mécanismes d’incubation-accélération ont particulièrement boosté la décarbonation et les projets d’infrastructures pour les énergies renouvelables.

Différentes entités soutiennent les projets notamment les plateformes de formation et d’innovation aux technologies.

En intégrant ces hubs durant une année ou un trimestre, les jeunes créateurs montent en compétence et offrent une crédibilité à leur startup pour obtenir des fonds d’investissement.

D’autres investisseurs collaborent pour mettre à disposition des programmes d’accompagnement plus larges en termes de savoir-faire :

  • East Africa Accelerator (Fondation IKEA et Acumen) ;
  • MEST Express Accelerator (MEST et Mastercard) ;
  • Katapult Africa Accelerator Program (Katapult, Tony Blair Institute, Norrsken, et Smart Africa) ;
  • Africa ClimAccelerator ( composé d’une trentaine de partenaires)

Outre les programmes d’incubation et d’accélération, il faut aussi accompagner les startupers sur la durabilité des schémas de commercialisation des innovations.

Les différents programmes sont composés d’un apprentissage commun à toutes les activités (business plan, appel de fonds…) puis spécifique à l’innovation climatique. Par exemple, GreenMax Capital Advisors met à disposition une boîte à outils facilitant l’accès aux financements institutionnels.

Gouvernements, de grandes ambitions avec peu de moyens

Quel que soit le pays et même si les initiatives de transition émergent du secteur privé, elles ne peuvent se déployer que si le cadre public leur est favorable.

En Afrique, la question du réchauffement est plus pressante qu’ailleurs mais la tâche est immense, les populations ne disposent pas des moyens nécessaires à la lutte climatique et les services publics sont assurés principalement en zones urbaines en régie ou en délégation.

Un peu plus de la moitié des pays africains ont déjà instauré des politiques en faveur d’une préservation de l’environnement : interdiction des plastiques, smart city…..

L’Afrique doit nouer des partenariats pour espérer conduire dans les temps la transition énergétique et enrayer le phénomène du réchauffement climatique.

Partenariats, l’expertise au service de la cause climatique

Pour les collectivités, les partenaires privés disposent d’un réseau d’expertises à l’échelle du territoire national, voire continental, sur lequel ils peuvent s’appuyer pour assurer les services à la population.

La couverture d’un territoire en services divers et innovants rend possible le développement de régions enclavées et offre aux populations la résilience nécessaire à leur survie.

En Ouganda, le gouvernement s’appuie sur différents prestataires pour assurer une gestion durable des déchets quelle que soit la région concernée.

D’autres pays soutiennent les partenaires privés qui assurent des services relevant d’une compétence publique en  les subventionnant ou en les exonérant de droits ou taxes.

Ce soutien aux services et aux nouvelles technologies les rend plus abordables et facilite leur adoption par la population. Sans ce soutien public, les entreprises innovantes ne viseraient pas les publics pauvres, trop peu rentables dans les business plans.

Les consommateurs, entre responsabilité et survie

Les consommateurs, particuliers ou organisations, donnent une réalité économique aux innovations et sont le relais vers la transition climatique.

Dans le même temps, ces acteurs font face à d’autres priorités : se nourrir pour les populations, viabiliser les nouvelles pratiques pour les entreprises et autres organisations.

Pour les populations rurales, les énergies renouvelables apparaissent comme des alternatives moins coûteuses, voire de réelles opportunités pour les zones blanches, en permettant d’améliorer la filière agroalimentaire : productivité, stockage ou transformation.

L’accompagnement est primordial dans l’adoption des nouvelles sources d’énergie et la réussite de la transition.

C’est à travers la démonstration d’une énergie renouvelable fiable, efficace et abordable que la technologie climatique investira les territoires et les économies. Elle doit s’adresser aux différents groupes utilisateurs dans un langage accessible. Ainsi, la société d’information météorologique Ignitia propose à ses clients de lire ses prévisions selon deux canaux : sous forme d’une appli pour les entreprises ou sous forme de sms pour les petits exploitants.

Cette dynamique devrait rendre plus attractif le secteur des énergies renouvelables et la technologie dédiée, notamment auprès des jeunes qui représentent plus de deux tiers de la population africaine. Le passage au renouvelable pourrait créer 24 millions d’emplois d’ici 2030.

Les investissements se focalisent sur le solaire, la gestion des ressources et des déchets et tout l’écosystème « smart ».

Selon PricewaterhouseCoopers, les entreprises kenyanes lèvent plus de 50% des $2,1 milliards, suivies par celles du Nigeria, 23%.

Les investisseurs tiennent compte de la ressource en énergies renouvelables, de l’importance de la population, du PIB et de la capacité du pays à porter les projets financés.

La FinTech ainsi que le commerce électronique absorbent la majorité des investissements mais le domaine du climat gagne du terrain dans les dernières levées de fonds. A titre d’exemple, la société d’énergie solaire Sun King a récemment levé $260 millions, un record sur le continent pour cette filière.

Les principaux obstacles

La transition climatique requiert des investissements techniques et coûteux pour les startups, en plus des ajustements nécessaires au déploiement de nouvelles solutions sur un marché. Le prévisionniste Ignitia a conduit plus de 120 expérimentations sur six années avant de proposer son service de prévision par SMS à 48h.

Les innovations n’ont d’avenir que si elles sont déployables à échelle locale en tenant compte des contraintes territoriales, sociales et parfois géopolitiques. Idéalement, les pratiques innovantes apparaissent localement avant d’être dupliquées à une échelle nationale ou continentale. La preuve de leur capacité accélère l’adoption et facilite la conquête des territoires.

La technologie ne suffit pas en elle-même, la définition des usages, des gains et des impacts sont autant d’arguments qui accompagnent l’innovation elle-même. Faute de cela, elle reste au stade d’une invention issue de la recherche.

Les politiques publiques incitatives permettent aussi de lever les obstacles :

  • Stimuler le financement en phase de démarrage ;
  • Prioriser les solutions localisées ;
  • Elaborer une méthode de suivi et de mesure des solutions ;
  • Créer un écosystème réglementaire facilitant.

L’avenir prometteur du secteur

Malgré des financements encore timides, l’urgence climatique ainsi que la pression des ODD devraient orienter les investissements sur ces solutions à fort impact.

Lors de la COP26, les États et les multinationales se sont engagés à ne plus subventionner les énergies fossiles, à protéger les forêts et à accompagner financièrement les pays qui engagent des actions dans ce sens.

Tous n’ont pas la capacité de mener le combat dans le temps imparti. Pour atteindre les ODD d’ici 2030, il faut familiariser les porteurs de projets avec le principe de conception durable dans tous les projets et intensifier la collaboration entre les États et les entreprises.

Les startups détiennent les innovations, les gouvernants rendent possible leur déploiement et les populations entérinent la transition.

Source : Climate-KIC