Comprendre les enjeux de l'agriculture

Les  micro-réseaux villageois

Un pico-dispositif ne pourra jamais répondre à des enjeux collectifs tels que l’irrigation de cultures vivrières par une pompe solaire, l’alimentation de matériel médical et de réfrigérateurs pour stocker des vaccins ou la transformation artisanale. A un échelon plus élevé, les micro-réseaux, sous la forme de « plateformes, offrent à une communauté villageoise des services beaucoup plus étoffés. Ces systèmes, encore de dimension modeste, fournissent une puissance modulable de quelques centaines de watts à quelques kilowatts, et desservant par une unité centralisée généralement moins de 150 ménages résidentiels.

Un exemple est donné par Sunna Design, une société spécialisée dans le solaire et basée dans la région bordelaise, qui a commencé par monter des mini-réseaux avant de construire sa propre usine d’assemblage de panneaux solaires au Sénégal. Elle a mis en place un système de mât solaire installé au centre du village pour répartir l’énergie et installe une box chez ceux qui désirent accéder au service.

On retrouve divers systèmes de micro-réseaux dans tous les pays sahéliens, mais aussi à Madagascar (projet HERi avec plus de 40 kiosques installés dans 7 régions ; projet Resouth de la Fondem à Ambondro et Analapatsy), au Cameroun (Plan VER avec l’Union européenne), au Kenya (projet Power Kiosk), en Tanzanie (MicroPower economy et Jumeme) ou encore en Ouganda (Teku Wa project et Scaling up electrification). Dans la majorité des cas, compte-tenu de la quantité d’énergie produite, l’énergie à base solaire est privilégiée.

Source, Gret

Un système de stockage par des batteries est prévu afin de résoudre le problème de l’intermittence diurne/nocturne et de compenser le décalage entre la demande et l’intensité de la radiation solaire. L’électricité générée est partout utilisée pour une variété d’activités : la recharge de lampes, de téléphone, de batteries mais aussi la purification de l’eau, le développement d’activités liées à la photocopie, à la réfrigération, à la petite irrigation, à la première transformation (meunerie, décortiqueuse, batteuse de maïs, rappeuse de manioc, polisseuse de riz), au stockage post-récolte, à l’artisanat notamment la menuiserie, la soudure et la couture, pour l’accès à la télévision et à Internet. Certains kiosques constituent des relais d’information privilégiés et de commercialisation de produits innovants ; ils ont souvent une activité de vente ou de location de kits pico-voltaïques.

Le secteur des micro-réseaux est encore jeune, avec encore peu de retours sur son impact. Un ARPU (average revenu per user per month) d’environ 10 est en général requis, un seuil quasiment jamais atteint sur le court terme sans subvention, étant donné les charges d’installation, les coûts de maintenance et la variabilité d’une consommation souvent encore peu stabilisée.

Les mini-réseaux communautaires

De plus grande taille que les précédents dispositifs, les mini-réseaux sont installés à l’échelle d’un bourg, pour 2000 à 5000 habitants ou plus en général. Ils s’organisent autour d’un générateur qui fournit l’électricité à un réseau alimentant des compteurs à travers un raccordement basse tension. Plusieurs villages proches sont parfois connectés. Les générateurs peuvent être des panneaux solaires photovoltaïques, des éoliennes électriques, des générateurs diesel fonctionnant avec des agrocarburants comme le jatropha, ou des micro-turbines hydroélectriques. Examinons ce dernier cas.

L’option solaire

Le Mali présente une application du concept encore expérimental de Zone d’Activités Electrifiée (ZAE). Elle répond au fait que les mini-centrales sont souvent mal adaptées aux activités productives en milieu rural, que ce soit en termes d’horaires de fonctionnement ou de besoins de puissance. L’option retenue consiste à regrouper géographiquement les très petites entreprises et les artisans sur un site bénéficiant d’une fourniture d’électricité spécifique et en continu. La ZAE de Konseguela, installée au sud du Mali, à 50 km de Koutiala et du réseau national, concerne 2 communes, 22 villages et 40 000 habitants. Elle est alimentée à 100% par un mix en énergies renouvelables : des panneaux solaires photovoltaïques (13 kWc) et un groupe électrogène alimenté par de l’huile végétale pure de jatropha produite localement. Elle fournit en électricité onze très petites entreprises : conservation et fourniture de produits frais, boulangerie, menuiserie, production d’huile de jatropha, brodeur, couveuse, restauration, accès à internet, ou encore radio communautaire. Les entreprises louent un local sur la zone et payent, sans difficulté apparente, l’électricité (200 Fcfa/kWh le jour, le double la nuit) car le mix énergétique et la structuration du mini-réseau leur garantissent une électricité de qualité, répondant aux contraintes des entreprises, notamment en courant triphasé, et ce 24h/24. Une telle ZAE ne peut voir le jour sans la mobilisation de plusieurs acteurs, en l’occurrence les collectivités locales, une association locale (AMEDD) associée à une organisation étrangère (GERES), une institution de microfinance, des bailleurs de fonds publics et privés, et sans le soutien de l’AMADER.

La ZAE de Konseguela

Source Geres

L’option hydroélectrique

Une mini-centrale hydroélectrique transforme l’énergie sauvage d’une chute d’eau en énergie mécanique gr

Source, hellopro

âce à une turbine, puis en énergie électrique grâce à un générateur. C’est une forme d’énergie renouvelable, propre et non polluante. La puissance installée de la centrale est fonction du débit d’eau turbiné et de la hauteur de chute. Deux types d’installations existent. Les installations qui fonctionnent par éclusées c’est-à-dire de grands barrages dotés de réservoirs permettant de répondre à la pointe de la consommation et les centrales installées au fil de l’eau, ce qui est le cas de la majorité des petites centrales hydroélectriques. Les dispositifs sont anciens et particulièrement nombreux, notamment en Afrique de l’est. Le principal facteur de risque est la disponibilité en eau (water-risk).

Le projet hydro-électrique Rhyviere du Gret à Madagascar présente plusieurs intérêts pour l’analyse. Financé par l’Union Européenne, l’Agence de développement de l’électrification rurale (Ader) et des entreprises privées, ce projet a permis la réalisation de trois mini-réseaux (sites de Tolongoina, de Sahasinaka et d’Ampasimbe) desservant environ 10 000 personnes réparties sur 5 communes.

L’entreprise-délégataire constitue la pierre angulaire du dispositif. Il s’agit dans chaque cas d’une entreprise de droit local, avec des compétences variées, techniques, de gestion, de logistique et des capacités financières adaptées, apportant au moins 30% de l’investissement de départ, avec en outre une capacité à mobiliser des ressources additionnelles. Le projet présente d’autres innovations, comme celle d’intégrer un volet protection de l’environnement. Partant du constat que la qualité et quantité de la ressource en eau du bassin versant est cruciale dans une opération hydraulique et qu’elle peut être menacée par des phénomènes naturels (érosion) accentuée par des actions d’origine anthropique (déboisement, orpaillage, etc.), un dispositif de Paiement pour Services environnementaux (PSE) a été co-construit avec les parties prenantes et mis en place afin de préserver la qualité de l’eau, éviter l’envasement des installations et leur dégradation par l’abrasion due au sable. Une taxe sur la consommation électrique mensuelle est prélevée pour permettre de financer la mise en œuvre des activités agricoles de conservation (stabilisation de l’eau et des sols, cultures vivrières compatibles, reboisement).

Cette expérience conduite de 2008 à 2015, et prolongée sur de nouveaux sites (régions de Sofia et Haute Matsiatra), regroupant 50 000 bénéficiaires, permet de démontrer que l’hydroélectricité constitue, dans un contexte où la ressource en eau le permet, une solution technique viable pour électrifier des petits centres urbains ou de grands bourgs ruraux, pour un tarif de vente du service à la fois adapté aux capacités contributives des populations et assurant une rétribution incitative pour les entreprises délégataires de service.

Ce dispositif peut-il faire système ? Même si les expériences se multiplient, à Madagascar, près de 15 ans après l’adoption de la réforme du secteur, le bilan en matière d’accès à l’énergie reste mitigé. La principale réussite de la réforme semble d’avoir permis d’augmenter sensiblement la participation du secteur privé. Si la société d’État, la Jirama reste encore, tant bien que mal, le principal fournisseur d’électricité du pays, les entreprises privées produisent dorénavant près du quart de la production totale du pays. Cependant, la pérennité des infrastructures mises en place et qu’ils gèrent reste très aléatoire : sur la centaine de réseaux ruraux exploités par des petits opérateurs d’énergie, 40 étaient non fonctionnels début 2017. Le risque principal est associé à la faiblesse financière du secteur électrique et aux difficultés de recouvrement rencontrées. Par ailleurs, l’analyse des pratiques montre que les pouvoirs publics assument peu le rôle de régulateur et de promoteur de solutions qui leur est dévolu par la loi, ce qui fragilise gravement le partenariat. Alors que le cadre légal et réglementaire malgache est plutôt bien conçu, les délégataires sont dans les faits peu contrôlés, ce qui semble être la principale source de l’affaiblissement continu des délégations conclues. L’expérience du projet Rhyviere, comme d’autres, renforce le constat sur l’importance d’un pouvoir public compétent et impliqué pour favoriser la pérennité des systèmes pluri-acteurs.

 

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