Comprendre les enjeux de l'agriculture

L’étonnante capacité des papillons à entendre les sons des plantes en détresse n’a pas fini d’intriguer les chercheurs. Elle est un exemple de l’interconnexion qui règne dans la nature. Des études récentes montrent que les papillons ne se contentent pas d’entendre les « cris de détresse » des plantes ; ils sauraient aussi les interpréter et les utiliser pour la survie de leur espèce ou pour la défense de ces mêmes plantes contre les insectes herbivores. Étudier ces interactions complexes entre plantes et papillons pourrait aider à mieux préserver les écosystèmes grâce à de meilleures pratiques agricoles. 

Une nouvelle étude démontre que les insectes prennent leur décision de pondre en fonction des « cris de détresse » émis par les plantes en situation de stress dont la déshydratation. Elles émettent alors une mélodie lugubre faite de clics ultrasoniques qui ressemblent à des sons très aigus. Certains papillons de nuit sont capables d’entendre ces clics. Les insectes interprètent ces derniers comme un signal leur déconseillant de pondre leurs œufs sur ces plantes « tourmentées ».

L’entomologiste Rya Seltzer confirme  au New York Times: « les plantes émettent des sons et les insectes les entendent. Chaque son est spécifique, ils en connaissent la signification et y réfléchissent. »

On savait déjà que certaines plantes émettent des clics ultrasoniques lorsqu’elles subissent un stress. Ces sons sont imperceptibles pour des oreilles humaines mais audibles pour d’autres animaux dont les insectes. Des études se sont penchées sur les récepteurs sensoriels présents chez les papillons qui leur permettent de percevoir des fréquences allant jusqu’à 1000 Hz, un registre où les sons des plantes en détresse se situent souvent.

Poussant plus loin les recherches en s’appuyant sur ce constat, le Dr Selzer fait une découverte étonnante. Les insectes ne se contentent pas d’entendre les sons émis par les plantes en stress. Ils les interprètent pour prendre des décisions.

Les chercheurs ont travaillé en laboratoire avec une espèce de papillon appelée la tordeuse du coton égyptien. Cet insecte est capable d’entendre les sons produits par certaines plantes. Les chercheurs ont cherché à savoir si les vers des feuilles femelles utiliseraient les clics pour décider où pondre leurs œufs. Le choix – il doit être juste et rapide – est vital pour le développement des enfants de cet insecte.

L’équipe du Dr Selzer a démontré que – dans des conditions de laboratoire – Les femelles préfèrent généralement pondre sur une plante prospère plus susceptible de fournir suffisamment de nourriture aux larves nouveau-nées plutôt que sur une plante déshydratée.

Les chercheurs ont voulu savoir si les papillons avaient un comportement similaire avec les autres plantes. Ils ont donc répété leur expérience avec, cette fois-ci, deux plants de tomates. Le papillon s’est donc vu présenter d’un côté, un plan sain et hydraté et de l’autre un plant aussi sain et hydraté mais émettant des sons de détresse enregistrés provenant d’un plant déshydraté. Conclusion : les papillons préfèrent pondre leurs œufs sur la plante « silencieuse ». Ils savent donc attribuer les clics ultrasoniques aux plantes déshydratées à éviter.

Étendue des recherches en bioacoustique végétale

Cependant, il reste à transposer ces expériences en laboratoire dans la nature avant de les valider. En particulier, il faudrait savoir si les papillons de nuit ne combinent pas les sons avec bien d’autres signaux dont les odeurs. Il s’agit surtout de savoir si cette découverte peut être étendue à d’autres insectes et d’autres plantes.  Le Dr Selzer , toujours selon le New York Times pense que « beaucoup d’insectes entendent les ultrasons et beaucoup de plantes produisent des ultrasons sous l’effet du stress. Je parie là-dessus, il s’agit d’un phénomène très vaste. »

D’autres recherches sont en cours pour savoir jusqu’à quel point l’étude du Dr Selzer peut être étendue, notamment en ce qui concerne les points suivants :

  • D’autres insectes comme les abeilles ou les coléoptères utilisent-ils également les signaux acoustiques des plantes ?
  • Analyser les différentes fréquences et types de sons
  • L’interaction avec d’autres signaux comme les odeurs
  • Analyser comment les conditions climatiques et le stress environnemental agissent sur la production de sons par les plantes. L’interaction acoustique pourrait influencer les dynamiques des écosystèmes notamment en matière de préservation des habitats naturels.
  • Utilisation en agriculture : explorer comment ces connaissances pourraient être exploitées pour améliorer les pratiques agricoles, par exemple en attirant les pollinisateurs et en repoussant les nuisibles. De plus, cette connaissance peut inciter à des pratiques agricoles durables qui favorisent non seulement la santé des plantes, mais également la survie des pollinisateurs.

La détection des sons émis par les plantes ne se limite pas à un signal pour pondre les œufs au bon endroit. Ainsi, la détresse des plantes peut indiquer aux papillons la présence d’insectes herbivores en nombre qui se nourrissent de ces plantes. Les paillons vont dévorer ces insectes devant, ainsi, des soldats au service de ces plantes

Bien qu’il convienne de rester circonspect, la plupart des chercheurs sont d’accord pour affirmer que les travaux du Dr Selzer ouvrent grand la voix à de nouvelles recherches sur la bioacoustique végétale.

 

Sources utilisées pour cet articles : New York Times et autres