Comprendre les enjeux de l'agriculture

La résistance induite, une sorte de « vaccination » des plantes, est une approche prometteuse qui permet de les protéger contre les nuisibles sans avoir recours aux pesticides. Elle consiste à activer les systèmes immunitaires naturels des plantes dès qu’elles sont attaquées par des pathogènes ou insectes ou doivent subir des stress environnementaux. Elle diffère en cela de la résistance constitutive naturellement présente dans les plantes. Cette méthode contribue à fournir des aliments plus sains et à préserver la biodiversité. La création de résistance induite chez les plantes est un champ de recherche actif, combinant des connaissances en biologie, en agronomie et en écologie. En intégrant ces approches concrètes, les agriculteurs peuvent augmenter la résilience de leurs cultures face aux maladies et aux ravageurs, réduisant ainsi leur dépendance aux produits chimiques de synthèse et promouvant une agriculture durable.

 

Les pesticides ont permis, et permettent, à l’agriculture de nourrir la planète. Mais à quel prix ? Au prix d’effets secondaires nuisibles pour la santé humaine et de graves atteintes à la biodiversité. Pire, les nuisibles « savent » s’adapter aux pesticides en les contournant et en se multipliant.. De même, la technique de croisement des plantes avec des gènes résilients se heurte au même problème. La compétition entre les nuisibles et les pesticides semblait être une lutte sans fin Jusqu’à ce que les scientifiques s’intéressent à l’exploitation de la résistance induite comme un vaccin qui stimule le système immunitaire d’une plante pour la préparer à des attaques pendant sa période de croissance.

La résistance induite renforce la capacité des plantes à ce qu’elles savent déjà faire : se défendre. Ainsi, certaines plantes, par exemple, libèrent des composés qui attirent les prédateurs des nuisibles qui les attaquent. Toutefois, la forme de résistance induite la plus étudiée est ce qu’on appelle le “préconditionnement de défense”. Dans ce scénario, lorsqu’une plante subit un stress léger – comme un insecte grignotant l’une de ses feuilles, elle active partiellement sa réponse immunitaire. Lorsque la plante est de nouveau attaquée, elle s’en souvient et passe en mode défense complet.

Plus intéressant, ce « préconditionnement de défense » semble durer suffisamment longtemps pour être transmis à la génération suivante de plantes, probablement par le biais de mécanismes épigénétiques. Les plantes pourraient transmettre leur immunité comme une sorte d’armure héréditaire.

Les avantages de la résistance induite sont:

  1. Son efficacité énergétique : Plutôt que de maintenir une défense constante (qui peut consommer beaucoup d’énergie), la plante ne renforce ses défenses qu’en cas de besoin.
  2. Son adaptabilité : La résistance induite permet aux plantes de s’adapter à divers types de stress, augmentant leur survie et leur succès dans des environnements changeants.

Cependant , la résistance induite n’est pas parfaite. Elle n’offre pas une protection complète à elle seule.  Il faut être attentif à la quantité d’énergie qu’une plante consacre à sa défense. Si cette quantité d’énergie est trop importante, elle accaparera la capacité de croissance de la plante, avec comme résultat une pousse défaillante.

Trouver le bon équilibre entre croissance et défense

L’exploitation sûre et efficace de la résistance induite n’est pas aussi simple que l’introgression d’un seul gène ou la pulvérisation d’un seul pesticide. En effet, les plantes doivent trouver un bon équilibre entre leur croissance et leurs mécanismes de défense. Privilégier une fonction se fait nécessairement au détriment de l’autre. Il n’existe pas d’exercice d’équilibre optimal universel. Il diffère selon les plantes, les nuisibles ou les environnements. La résistance induite se fait sur mesure.

La partie est gagnée une fois trouvé le point d’équilibre par plante, catégorie de parasite et environnement. Alors, l’agriculteur pourra complètement se passer de pesticides. Mieux, la résistance induite est efficace contre un large éventail de pathogènes et de nuisibles contre lesquels elle offre une défense plus robuste que les pesticides chimiques.

Méthodes et pratiques

Créer la résistance induite chez les plantes se fait grâce à une série de méthodes et de pratiques qui stimulent leurs mécanismes de défense naturels. En voici les principaux :

1.Utilisation d’inducteurs de défense comme l’acide salicyque, le chitosan (dérivé de crustacés) ou des extraits de plantes (ail, lauriers, herbes aromatiques..). Appliquées aux plantes, ces substances provoquent des réponses de défense.

2.Applications foliaires : application sur les feuilles par pulvérisation d’inducteurs de défense.

3.Stress environnemental contrôlé : stress hydrique modéré (il peut induire des réponses de défense chez certaines plantes) et stress mécanique (le frottement ou la simulation de blessures peuvent également provoquer des réactions de défense en stimulant la production de phytohormones).

4.Rotation des cultures et cultures intercalaires : la rotation avec des cultures qui n’hébergent pas les mêmes parasites ou pathogènes peut induire la résistance.

5.Utilisation de microorganismes bénéfiques : les interactions avec les champignons mycorhiziens (ils forment des relations symbiotiques avec les racines des plantes et améliorent la résistance au stress) et les bactéries de sol induisent des réponses de défense.

6.Sélection variétale : sélection et développement de variétés de plantes qui possèdent des mécanismes de résistance induite

7.Conditions de culture optimale : fournir des nutriments adéquats et gestion appropriée de l’eau et de l’éclairage.

Mécanismes de défense

Comment fonctionne la résistance induite lorsqu’une plante est attaquée ? En voici les principes :

  1. Signalisation : Lorsqu’une plante est attaquée, elle libère certaines molécules, comme les acides gras volatils ou les phytohormones (tels que l’acide jasmonique, l’acide salicylique ou l’éthylène), qui agissent comme des signaux pour mobiliser ses défenses.
  2. Réponse systémique: Cette réponse n’est pas limitée à la zone attaquée ; elle peut également influencer d’autres parties de la plante, les rendant plus résistantes aux attaques futures. Ce phénomène est souvent appelé “résistance systémique acquise” (RSA).
  3. Production de métabolites secondaires : En réponse à l’attaque, les plantes peuvent produire des métabolites secondaires, tels que des flavonoïdes et des alkaloïdes, qui ont des propriétés antifongiques, antibactériennes ou insecticides.
  4. Modifications physiologiques : La résistance induite peut également entraîner des changements dans le métabolisme, la structure cellulaire ou d’autres caractéristiques physiologiques.

Avantages et limites

Si la résistance induite a fait la preuve de son efficacité en laboratoire ou sur des petites parcelles agricoles, elle n’a encore jamais été exploitée à grande échelle. En d’autres termes, elle n’a pas encore été confrontée aux conditions de terrain, c’est-à-dire à une utilisation en grandes surfaces soumises aux conditions complexes, imprévisibles et diverses de l’agriculture. Certaines variétés de plantes ont été développées par sélection énergétique pour renforcer leur capacité à induire des réponses de défense et réduire le besoin de pesticides. Des parcelles agricoles sont traitées avec des inducteurs de défense (acide salicylique, chitosan…). Pour le reste, les pratiques agricoles écologiques traditionnelles suffisent à cultiver des plantes à résistance induite :rotation des cultures et cultures de couvertures ou biodiversité.

En conclusion, la résistance induite permet de réduire l’utilisation de pesticides chimiques en améliorant la résistance des cultures aux stress biotique et abiotique, ce qui aboutit à un accroissement des rendements. Son potentiel est largement reconnu. Mais, la mise en œuvre à grande échelle nécessite des connaissances approfondies sur les mécanismes de résistance induite et la biologie des plantes. En outre, l’efficacité des inducteurs de résistance peut varier en fonction des conditions environnementales, des espèces de plantes et des pathogènes impliqués.