Il y a trois ans de cela – en 2021 au sommet des Nations Unies sur le climat, la Cop26- 140 pays s’engageaient à mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Or cette dernière a progressé en 2023. Selon la FAO, la terre perd chaque année 10 millions d’hectares de forêts. Les forêts couvrent 31% de la surface terrestre, un pourcentage en constante diminution particulièrement en Afrique et Amérique latine. La perte croissante des superficies forestières n’est pas une bonne nouvelle pour la crise climatique et la biodiversité animale.
Près de 6,4 millions d’hectares de forêts ont été rasés en 2023. Pire, 62,6 millions d’hectares ont été dégradés à cause de la construction des infrastructures et l’urbanisation, de l’exploitation forestière, des incendies, de l’exploitation illégale et de l’agriculture. Les forêts indonésienne et bolivienne ont particulièrement souffert de l’instabilité politique et d’une demande mondiale croissante de produits comme le bœuf, le soja, l’huile de palme, le papier et le nickel. En matière agricole, la culture du soja est la plus grande coupable de la déforestation.
Cette année, le niveau de déforestation a augmenté de 57% en Indonésie. Cette contreperformance du gouvernement indonésien est d’autant plus étonnante que l’Indonésie fut le meilleur élève de tous les pays tropicaux en matière de baisse de la déforestation en 2015-2017 et 2020-2022.
Les incitations volontaires au respect des forêts ne suffisent plus. S’impose la nécessité d’une réglementation plus stricte, d’un financement accru de la lutte contre la déforestation, d’une meilleure protection des droits à la terre des peuples indigènes et de l’éradication de la corruption. La lutte contre la déforestation n’est pas chose aisée car elle n’est pas seulement l’œuvre des hommes. Si la déforestation contribue au changement climatique, elle est aussi exacerbée par les phénomènes climatiques extrêmes qui peuvent affecter les écosystèmes forestiers.
Heureusement, le Brésil donne quelques bonnes raisons d’espérer. Le président Lula da Silva a réduit de 62% la déforestation dans son pays dès sa première année de pouvoir. Cependant, vue la taille du pays, la situation y est contrastée. Ainsi, la déforestation dans la région de Cerrado, la savane tropicale, a-t-elle augmenté de 68% en un an. Le pays a aussi été ravagé par les feux de forêt : 45 millions d’hectares d’arbres ont disparu dans les cinq dernières années.
D’autres pays ont fait des progrès dont l’Australie, la Colombie, le Paraguay, le Venezuela et le Vietnam. Hors les tropiques, les forêts des climats tempérés d’Amérique du Nord et d’Amérique latine ont battu tous les records de déforestation.
Échec des politiques de déforestation
Mais le bilan global est décevant. L’objectif de zéro déforestation en 2030 de la Cop 26 s’éloigne. La déforestation continue à un rythme inquiétant incomptable avec l’objectif de son éradication dans six ans. Non point que les solutions n’existent pas pour inverser cette tendance. Citons, outre les réglementations contraignates, les politiques de reforestation de certains pays ou les pratiques de l’agriculture durable qui réduisent la pression sur les superficies forestières
Mais il y faut une volonté politique doublée d’une baisse de la consommation de bois dans les pays riches. La politique de la lutte contre la déforestation est jusqu’à présent incohérente et velléitaire. La préservation des forêts devrait être sanctuarisée.
L’évaluation de la déclaration de la Cop26 a été faite par des différentes associations de la société civile donne toutes les raisons d’être pessimiste. En se basant sur la déforestation moyenne entre 2018 et 2020, elles ont constaté que le niveau de déforestation en 2023 était supérieur de 50% au niveau nécessaire pour atteindre l’objectif zéro déforestation en 2030.
La Commission européenne a proposé une réglementation ambitieuse visant à bannir le commerce de produits directement liés à la déforestation tels que le café, le chocolat, le cuir ou les meubles. Cependant le 3 octobre dernier, elle a dû faire un pas en arrière sous la pression de nombreux pays dont l’Australie, le Brésil, l’Indonésie ou la Côte d’Ivoire. La Commission se donne une année « pour mettre en place cette réglementation contraignante. La bataille contre la déforestation est loin d’être gagnée !
Cette bataille est portant vitale car les conséquences de la déforestation sur la vie sur terre sont dramatiques. Ainsi, elle détruit les habitats de milliers d’espèces animales et végétales. La forêt abrite 80% de la biodiversité terrestre. En matière d’environnement, les forêts jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone. La déforestation libère le carbone dans l’atmosphère, aggravant le dérèglement climatique. La perte de couverte forestière contribue à la dégradation des sols dont elle réduit la fertilité. Elle menace enfin les peuples indigènes dont le mode de vie et les moyens de subsistance sont tributaires de la forêt.