Comprendre les enjeux de l'agriculture

Selon les pêcheurs locaux, la ressource halieutique se raréfie dangereusement sur les côtes africaines, mettant en péril l’avenir des pêcheurs artisanaux. Moustapha Diouf, pêcheur sénégalais, indique que dès 2005, date des accords signés avec l’Europe, des bateaux de grande capacité ont investi les eaux sénégalaises. Celles-ci se composent de deux espaces océaniques, un premier de faible profondeur et un deuxième appelé domaine océanique profond. Dans ces écosystèmes vivent des poissons à reproduction lente ou rapide. Selon Haïdar El Ali, militant écologiste, c’est cette spécificité qu’il faut prendre en compte dans les politiques de gestion de la ressource halieutique. Selon ce militant, des espèces sont menacées d’extinction si l’État sénégalais ne réserve pas des espaces dédiés à la reproduction. Un challenge pour les eaux sénégalaises qui accueillent aussi des navires de pêche étrangers moins préoccupés que les pêcheurs locaux par la gestion durable des ressources.

 

La baisse des populations océaniques est telle qu’un pays comme le Sénégal est devenu un importateur net, approvisionné par d’autres pays africains, comme le Maroc. Il n’est pas rare que les pêcheurs traditionnels reviennent sans prises alors que leur pêche subvient aux besoins économiques et nutritionnels de leur famille. La résilience océanique existe, mais elle s’inscrit dans une alternance entre prélèvement et renouvellement.

Ismaïla Ndiaye, inspecteur régional des pêches à Dakar, confirme la baisse des volumes débarqués sur les trois dernières années. Il considère que la gestion des populations halieutiques relève de la responsabilité de tous les pêcheurs, petits et grands. Selon lui, l’État a déjà réduit les flottes industrielles de moitié. En parallèle 20.000 pirogues artisanales écument l’océan, sans périmètre d’activité et sans quota.

Dans tous les cas, les derniers rapports scientifiques confirment la surexploitation des ressources, qu’il s’agisse des poissons pélagiques ou démersaux. Pour faire face à cette menace, les scientifiques émettent plusieurs recommandations dont :

  • Réduire les prises de 60% ;
  • Réserver les prises à la consommation humaine et non à la consommation animale (farines).

Pour le Dr Aliou Ba, responsable de la campagne océan de Greenpeace Afrique, tous les acteurs de la pêche portent la responsabilité d’une pêche durable mais c’est aux États d’organiser le secteur pour satisfaire à la fois les attentes économiques et les objectifs de développement durable, plus particulièrement l’ODD n°14, qui traite de la conservation durable des ressources marines.

Le Sénégal, comme d’autres États africains, sont pris entre leurs obligations et les rétributions financières qu’offrent les accords signés avec les navires étrangers. Ces fonds permettent aux États de subventionner la pêche artisanale (achats de moteurs par exemple).

La « sénégalisation » des flottes

Pour contourner les textes relatifs aux quotas de pêche qui s’appliquent aux flottes étrangères et leurs incidences fiscales, les propriétaires des navires, asiatiques ou européens principalement, s’associent avec des pêcheurs ou industriels locaux afin de placer leur flotte sous pavillon sénégalais et pêcher plus librement. Le Sénégal a programmé un audit pour établir l’état du parc de pêche avec une liste exhaustive des navires, tous pavillons confondus.

La « sénégalisation » consiste donc pour l’armateur étranger à s’associer à l’exploitant pour recevoir les agréments en tant que navire sénégalais. Cet associé doit être sénégalais et détenir une majorité des parts.

Une fois la licence d’exploitation délivrée, le navire de pêche bénéficie des avantages réservés aux pêcheurs locaux, entre autres l’exonération de la taxe sur le tonnage. Certains dénoncent une telle pratique, selon eux le pêcheur sénégalais associé sert de prête-nom, en contrepartie, il reçoit une partie du montant correspondant à l’exonération.

Des pistes pour une politique halieutique durable

La disparition du poisson inquiète les pécheurs locaux. Après la disparition de la ressource, ils seront sans revenu et sans source alimentaire alors que les navires étrangers pourront voguer vers d’autres eaux encore prolifiques.

Comme le rappelle Moustapha Diouf, c’est aussi une question sociale. Si les moyens de subsistance disparaissent, la jeunesse ne verra son avenir que de l’autre côté de l’Atlantique, au péril de sa vie. Selon le pêcheur, il faut établir des périodes de reproduction et renforcer la lutte contre l’utilisation de poissons consommables par l’homme dans la fabrication d’aliments destinés à la nutrition animale.

La Mauritanie a récemment pris un arrêté dans ce sens. Le pays a aussi réservé 25% de son territoire : pêches, industrielles ou artisanales, y sont interdites, sauf celles pratiquées par les peuples autochtones. Lorsque la politique halieutique favorise les pêcheurs locaux, ceux-ci subissent moins de pression et sont plus enclins à respecter les périodes de reproduction.

Le Sénégal confirme avoir cessé l’attribution de licences en vue de la transformation des poissons en farines animales, même si aucun arrêté officiel n’a été pris en ce sens. Les usines de transformation qui restent en activité utilisent encore des poissons consommables, et non des rebuts, pour produire leurs farines.

Le pays a aussi créé des aires marines protégées (AMP), elles constituent un écosystème idéal pour la reproduction des espèces, à condition que des moyens de contrôle soient mis en œuvre : observation des espèces, protection contre les intrusions…. L’aire marine protégée de Bamboung, financée par l’Agence française de développement (AFD) et gérée par l’Océanium de Dakar, a pour but de sensibiliser les pêcheurs à la gestion durable de leurs ressources.

Les AMP constituent un pilier de l’Accord adopté par quelque 70 États, au titre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale. Aussi appelé Traité sur la haute mer, il constitue un cadre privilégié pour élaborer des politiques nationales convergentes et éviter que les eaux africaines soient épuisées au seul profit de pays développés.

Le marché mondial de la pêche

Estimé à $710 milliards, ce marché devrait atteindre les $771 à l’horizon 2029.

La demande en poisson reste croissante, d’abord parce que cet aliment bénéficie d’une bonne image nutritionnelle, et ensuite parce qu’il est accessible dans tous les océans du monde. Cette accessibilité est renforcée par le développement de l’aquaculture qui bénéficie de forts investissements.

Quelques tendances. Le thon et le saumon restent les poissons les plus consommés. L’Islande est le plus gros consommateur de produits de la mer avec 91 kg par habitant par an, et la zone Asie Pacifique détient la plus grosse part de marché en valeur, près de 70%.

Le marché africain est en pleine croissance, il devrait enregistrer un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 2,65 % pour la période 2023-2029.

Les activités de pêche restent toutefois impactées par l’inflation énergétique, les quotas et les événements climatiques extrêmes, d’où une tendance croissante à la production aquacole. Le phénomène est particulièrement vrai pour l’élevage de la crevette.  Dans ce secteur, l’aquaculture domine, tant pour les approvisionnements des circuits on-trade (bars, restaurants) qu’off-trade (supermarchés, magasins).

Les principales compagnies sont Austevoll Seafood ASA, Maruha Nichiro Corporation, Nippon Suisan Kaisha Ltd, Sysco Corporation et Thai Union Group PCL, elles n’occupent toutefois que 2,79 % du marché

 

Source : Deezer Podcast Le Débat Africain Épisode Sénégal : comment remédier aux ravages de la surpêche, MordorIntelligence