Profitant de son implication dans différents projets de développement durable à travers le monde, la Banque mondiale a créé en 2014 un groupement d’études sur la question hydrique pour identifier les problématiques et mettre en œuvre les transitions nécessaires. Le Global Water Security & Sanitation Partnership (GWSP) collecte les fonds nécessaires à la mise en œuvre des actions, ses contributeurs sont des organisations, publiques ou privées, issues de différents pays dont la fondation Bill et Melinda Gates, des ministères ou des agences de coopération. Face au changement climatique, la préservation des ressources hydriques concentre les inquiétudes et avec elle se pose la question du stockage. L’eau, comme la denrée alimentaire, est un élément de stabilité économique, sociale et politique. Les efforts portent sur la consommation d’eau tandis que le stockage naturel décline. Le principe d’un accès à l’eau pour tous est inscrit dans les objectifs de développement durable, il est l’objet de l’ODD n°6 mais il conditionne aussi l’accomplissement des autres objectifs (alimentation, énergie, développement).
On estime que 25% de la population mondiale n’accède pas à une ressource en eau potable.
Les acteurs institutionnels ou économiques peinent à organiser un stockage et une distribution réguliers face aux sécheresses, inondations, pollutions et migrations de population.
Pour imaginer les dispositifs et politiques futurs en matière de stockage d’eau, la Banque mondiale a répertorié les solutions et expériences répertoriées dans les différents programmes accompagnés. Ces pratiques, locales, combinent une meilleure exploitation de la capacité naturelle avec l’intervention humaine pour optimiser le stockage.
Tous les stockages, naturels ou non, souterrains ou de surface, petits ou grands interagissent et contribuent à assurer une ressource globale qu’il vaut mieux maîtriser. La problématique est presque plus systémique que technique.
Avec ce rapport « Un nouveau paradigme pour le stockage de l’eau », la Banque mondiale espère faciliter les prises de décisions, notamment sur les financements d’infrastructures ou d’organisations :
- Construire une stratégie autour du stockage ;
- Modéliser les systèmes de stockage pour appuyer le développement ;
- Engager les acteurs sur un système équilibré entre les besoins et les compromis ;
- Construire un outil d’aide à la planification et à l’investissement.
1. L’eau au centre de la stratégie durable
Partout dans le monde, le manque d’eau modifie la vie des territoires, il engendre de simples restrictions temporaires d’usage ou conduit à des rationnements ou à des catastrophes humaines.
Puits, réservoirs, barrages et citernes stockent les eaux provenant des glaciers ou des plaines humides et assurent la vie des communautés.
Ces dernières années, la combinaison d’une démographie croissante et d’une consommation en hausse ont mis en péril les stocks naturels. La fonte des glaciers et l’accumulation de sédiments dans les réserves contribuent aussi à la réduction des capacités de stockage. Le changement climatique en accélère les effets.
Les sécheresses et les inondations devraient s’amplifier, touchant majoritairement les populations les plus défavorisées et aggravant le déficit de stockage, c’est-à-dire le ratio entre le besoin et le disponible (naturel ou construit).
A l’avenir, les infrastructures doivent être repensées pour approvisionner durablement les générations à venir.
2. Les défis du projet
La quasi-totalité du stockage en eau est naturelle mais les besoins impliquent la construction d’infrastructures dont l’organisation ou la conception peuvent améliorer le service aux populations et la durabilité de la ressource.
La disponibilité en eau varie d’une zone géographique à une autre et sa distribution est inégalitaire au sein d’une même zone, pour des raisons structurelles ou sanitaires. Les inondations ou les crues subies par les populations sont le fruit d’un éventuel écosystème local déséquilibré entre les terres agricoles, les nappes phréatiques et les plaines inondables.
L’homme construit des infrastructures de stockage ou d’approvisionnement pour :
- Garantir l’apport d’eau entre les saisons sèches et humides d’un même lieu ;
- Alimenter une région sèche ;
- Atténuer les impacts des inondations ;
- Réguler les débits sur la production d’électricité par exemple.
Globalement, les interventions humaines visent à assurer la vie économique des territoires : production de services ou de marchandises, vie quotidienne, loisirs….
Le défi consiste à élaborer des stratégies de gestion de l’eau en amont des infrastructures humaines pour faciliter la régénération des stockages naturels. La difficulté réside dans l’incapacité à prévoir les variations de stockages naturels et la tendance à focaliser les efforts sur le stockage artificiel, considérant le premier comme acquis.
Aujourd’hui les incitations publiques et financières favorisent la construction de nouvelles infrastructures plutôt que la rénovation des systèmes existants alors que ceux-ci héritent de savoir-faire traditionnels sur le stockage hybride (naturel/construit).
De plus, les frontières administratives, nationales ou politiques cloisonnent les solutions envisagées et altèrent leur efficacité.
L’apparition d’un nouveau stockage construit peut stimuler la consommation plutôt que gérer la demande et l’orienter vers des alternatives comme le dessalement ou le traitement des eaux usées pour certains usages.
3. Planifier le stockage de l’eau
L’initiative de la Banque mondiale vise à modéliser les systèmes existants pour proposer une planification intégrée des stockages dans tous les projets comprenant un volet « eau ».
A chaque nouveau projet, la question de la disponibilité et de la sécurité portant sur la ressource hydrique doit se poser :
- Quelle action pour sécuriser la ressource ?
- Comment minimiser les impacts environnementaux ?
- Quelles dispositifs connus sont mobilisables pour ce projet ?
La modélisation des systèmes s’inscrit dans la philosophie du guide de Gestion Intégrée de la Ressource en Eau (GIRE) c’est-à-dire une gestion globale plutôt que fragmentée, ou guidée par la demande locale.
L’approche axée sur le traitement de la problématique permet d’inclure des critères environnementaux comme la réduction des catastrophes naturelles ou la préservation de la biodiversité, plutôt que l’unique service à rendre.
Il faut aussi prendre en compte l’éventualité d’une solution sans stockage lorsque celui-ci est préjudiciable à la qualité de l’eau ou à la perte due aux sédiments.
Les prescriptions proposées dans le cadre du présent projet sont :
- Définir le problème à travers les attentes (exigences et stockages existants) ;
- Répertorier les solutions potentielles y compris autres que le stockage ;
- Décider sur la base de scénarios et risques connus.
Les réponses ne seront donc pas seulement techniques, le processus va engager des échanges avec les différents protagonistes autour de la ressource hydrique, le secteur public reste le décideur clé mais il doit composer avec les usages du secteur privé et des représentations citoyennes.
Collaborer sur ces questions, c’est intégrer pour chacun les contraintes de l’autre. Pour cette raison, les objectifs ciblés par les résolutions de développement durable de l’ONU sont loin d’être atteints.
Afin que les données soient mutualisées, les intentions alignées et les projets coordonnées, la gouvernance des institutions gouvernementales doit être représentative et inclure des représentants de la société civile, des entreprises et des représentants territoriaux.
La planification du stockage de l’eau est un besoin à l’échelle mondiale, nationale et locale, le cadre juridique et légale doit soutenir les initiatives à ces trois niveaux, or, à ce jour, tous les territoires ne sont pas encadrés par des textes réglementaires sur cette question. L’intérêt privé guide alors les décisions, souvent à l’encontre des intérêts environnementaux ou sociétaux.
La gestion de l’eau est une compétence publique fréquemment cédée à des entreprises qui centrent leurs décisions sur le service, la sécurité et leur propre rentabilité. Pourtant, les entreprises du secteur disposent de nombreuses expertises technologiques et connaissances qui, mutualisées, facilitent les prises de décision en matière de gestion de la ressource.
Il faut sortir du mode de pensée public ou privé, national ou local, rural ou urbain…
Le rapport propose plusieurs recommandations à l’intention des décideurs politiques afin que ceux-ci transforment leurs modèles de gestion des projets liés à l’eau :
- Inscrire la préservation de la ressource dans tous les projets de politique publique ;
- Établir une cartographie systématique du stockage naturel et construit, bassin par bassin ;
- Répertorier les interactions entre l’eau, les populations, l’économie et l’environnement ;
- Innover sur les alternatives à la solution stockage en agissant sur la demande ou les autres ressources comme le dessalement ;
- Conserver un large panel de solutions techniques pour assurer la résilience des approvisionnements d’eau face aux changements climatiques.
Les parties prenantes sont mondiales, nationales et régionales, leurs objectifs ne peuvent ignorer la cause commune, celle d’une ressource hydrique disponible pour le plus grand nombre.
Citons entre autres les services publics, industries, producteurs d’hydroélectricité, le monde agricole, les organisations environnementales, les financeurs et investisseurs ou le monde de la Recherche.
Source : Banque Mondiale