Comprendre les enjeux de l'agriculture

La FAO a publié un rapport biannuel sur les ressources halieutiques et les pratiques de pêche et d’aquaculture intitulé Situation Mondiale des Pêches et de l’Aquaculture ,  préalable à l’élaboration de stratégies publiques en faveur de la préservation des ressources et de l’amélioration des pratiques. En parallèle, l’Organisation des Nations unies accélère son planning en lançant le programme Décennie d’Actions dont certaines portent sur les océans ou la restauration des écosystèmes. Le Comité des Pêches de la FAO a lancé l’initiative Blue Transformation, afin de donner au secteur de la pêche et de l’aquaculture plus de poids et de visibilité dans la transition du système agroalimentaire. Le rapport de la FAO dresse un état des lieux avant d’évoquer les pistes pour une meilleure gestion des ressources halieutiques, un développement de l’aquaculture et une valorisation de la filière aux bénéfices des populations. Et enfin, il évalue la capacité de résilience du secteur face aux enjeux d’actualité.

Les données collectées pour la rédaction de ce rapport et les analyses qui en découlent intéressent un large public : les décideurs publics, la presse, les exploitants ou les chercheurs qui disposent d’une projection future du secteur de la pêche et de l’aquaculture.

État des lieux

Le secteur agricole domine les discussions autour de la sécurité alimentaire alors que la contribution de la pêche et de l’aquaculture joue aussi un rôle. Pour permettre une meilleure prise en compte de l’activité dans l’élaboration des stratégies liées aux ODD et pour faciliter les investissements de transition, le FAO a dressé un bilan de la filière.

Sur les 178 millions de tonnes de poissons générées par l’activité :

  • 51% en captures ;
  • 49% en aquaculture ;
  • 63% en eaux marines dont les 2/3 en captures, le reste en aquaculture ;
  • 37% en eaux intérieures dont les 4/5 en aquaculture, le reste en captures.

Le marché est estimé à $406 milliards, $141 milliards pour la production issue des captures et $265 milliards pour l’aquaculture. Cette dernière ne concerne pas que l’élevage de poissons, des algues sont produites en aquaculture marine, la production annuelle représente 36 millions de tonnes avant déshydratation.

La production est destinée à un usage alimentaire pour 90% du volume, le reste concerne la production de farines et d’huiles de poisson.

Le contexte d’une transition

Près de 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à une nourriture suffisante ou variée, d’où l’importance de l’objectif de développement durable n°2 : « éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable ».

Le poisson dispose d’une bonne réputation nutritionnelle, il est source de protéines et de micronutriments. Sur le plan social et économique, la pêche et l’aquaculture génèrent presque 60 millions d’emplois dans le secteur primaire. Ces perspectives engageantes ne doivent pas faire oublier les pressions sur le stock et la biodiversité dans la quête d’innovation et de valorisation.

Le Code de Conduite pour une Pêche Responsable fête ses 25 ans, il constitue une référence dans la lutte contre la famine et l’instauration d’un développement durable face aux défis : changement climatique, appauvrissement des océans, pêches sauvages…

Le projet Blue Transformation propose une nouvelle approche prenant en compte l’ensemble des paramètres :

  • Populations ;
  • Consommation ;
  • Conservation ;
  • Chaîne de valeur.

Jusqu’à présent le secteur a satisfait une demande croissante au détriment des ressources et des acteurs de la filière. Le secteur pèse deux fois plus qu’en 1995. Pour les pays en voie de développement, la balance commerciale nette des produits alimentaires d’origine halieutique est excédentaire et représente plus que celle des autres denrées alimentaires réunis.

L’activité aquacole soutient la pêche halieutique pour répondre à cette croissance mais l’activité doit s’organiser car elle expose l’environnement à des risques : prolifération d’algues, colonisation par des espèces non endémiques… Sa transition est impérative, selon la FAO, elle va permettre d’augmenter la production de 40% dans la prochaine décennie.

Le secteur halieutique à l’épreuve des ODD

L’ONU a fixé des modalités communes de surveillance et un système de traçabilité des actions. Les États produisent régulièrement des rapports sur la base de 230 indicateurs. Le Forum politique de haut niveau des Nations unies sur le développement durable (HLPF), est chargé de se réunir une fois par an afin d’effectuer une analyse de ces comptes-rendus.

Parmi les recommandations déjà émises, figure un meilleur soutien des États aux exploitations de taille familiale ou moyenne et la stimulation de l’investissement en tant que levier de lutte contre la famine.

La sécurité alimentaire n’est pas la seule finalité de l’ODD n°2, le secteur agroalimentaire doit donner au secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture un caractère plus durable. La cible 2.5 précise les conditions dans lesquelles la durabilité s’instaure, il s’agit de préserver la « diversité génétique des semences, des plantes cultivées, des animaux d’élevage et domestiques et des espèces sauvages qui leur sont apparentées… ».

Dans les faits, la biodiversité aquatique est absente des indicateurs de suivi. Seul l’ODD 14 impose un suivi des populations d’espèces capturées.

La FAO lance un outil de collecte d’informations à l’échelle mondiale dénommé AquaGRIS, cette plateforme est destinée à générer de nouveaux indicateurs de mesure de la préservation tenant compte des activités de pêche et aquacoles. Il existe déjà quelques outils de suivi de la biodiversité :

  • World Information and Early Warning System on Plant Genetic Resources for Food and Agriculture (WIEWS) ;
  • Système d’information sur la diversité des animaux domestiques (2DAD-IS) ;
  • L’état des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde ( 2019).

Cette volonté de préservation doit cohabiter avec les besoins des populations côtières dont la pêche représente l’unique source alimentaire et financière.

Certains indicateurs traduisent des tendances optimistes : meilleur accès à l’eau, à l’éducation, au numérique, tandis que d’autres se dégradent, à titre d’exemple l’écart se creuse entre hommes et femmes quant à l’accès aux denrées alimentaires.

Les indicateurs fixés par les Nations unies restent compliqués à exploiter. Tous les pays membres n’ont pas une coordination ou les compétences scientifiques suffisantes pour collecter les données nécessaires à un bilan mondial.

Dans le cadre des indicateurs liés à l’ODD n°14 : « stocks de pêche », 36 pays seulement sur les 164 ont pu fournir des résultats exploitables. Face à ce constat, une nouvelle consultation sera lancée d’ici fin 2022 car l’exhaustivité des données garantit la sincérité des résultats et incitent les États à contribuer.

Le bémol persiste sur la pêche illicite. Les actions de prévention ou de répression restent aléatoires selon les moyens et la réglementation de chaque État. Toutefois, l’indicateur agrégé relatif à la mise en œuvre des mesures de lutte est passé de 3 à 4 sur une échelle de 5.

L’épreuve Covid

Les organismes régionaux de pêche (ORP) ont signalé une réduction des activités, de l’emploi, de la recherche et des contraintes pour faire face au contexte  particulier : distanciation, télétravail, restriction des déplacements….

 La Chine, l’Europe, le Japon et les États-Unis ont été touchés en tant que principaux producteurs mais les pays en voie de développement l’ont été plus durement dans la mesure où leurs exportations de produits halieutiques génèrent leurs recettes principales.

Ce type d’événement met à l’épreuve la filière (périssement des stocks, ventes à perte, absence de réapprovisionnement, transfert de la consommation collective vers une consommation domestique). Les petites et moyennes exploitations sont fragilisées, elles ont des difficultés à s’approvisionner en intrants,  à stocker les invendus ou à assumer les charges de main d’œuvre ou d’investissement. Les difficultés persistent avec la hausse des coûts du fret ou l’indisponibilité des conteneurs de transport.

Le choc pandémique a affecté les ménages à faible revenu, les petits exploitants, les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les migrants. Les restrictions de déplacement ont réduit la disponibilité de la main d’œuvre et la consommation estivale touristique.

Certains professionnels ont développé une activité de commerce en ligne ou créé des points de vente temporaires. En Malaisie, les petits pêcheurs et aquaculteurs ont pu s’appuyer sur MyFishman.com, une plateforme de livraison en ligne pour compenser la fermeture des marchés.

La Chine a mis à disposition des producteurs une plateforme nationale de mise en contact entre producteurs et acheteurs. D’autres pays ont proposé des allègements de charges ou des prêts à taux réduit.

Les acteurs les plus résilients ont fait évoluer les pratiques, mis en place des procédures ou développé l’usage du numérique dans l’organisation.

Les États s’engagent pour les océans.

La Conférence des Nations Unies sur les océans a été l’occasion de rappeler l’état désastreux des océans.

Les quelques 6000 participants ont entendu l’engagement des États à coopérer sur les divers problèmes qui affectent le milieu océanique :

  • Érosion côtière ;
  • Élévation du niveau des océans ;
  • Réchauffement et acidification ;
  • Pollution ;
  • Surexploitation des stocks ;
  • Appauvrissement de la biodiversité.

Le changement climatique est le défi central et l’innovation dans les pratiques et l’organisation essentielle au succès de la mission.

L’engagement porte sur des mesures de conservation :

  • Protéger 30% de l’océan par la création d’espaces protégés ;
  • Neutralité carbone d’ici les 20 prochaines années ;
  • Réduire la pollution par les plastiques ;
  • Augmenter la part des énergies renouvelables ;
  • Lutter contre l’acidification des océans.

Des programmes de recherche ambitieux doivent marquer la « Décennie d’actions ». Ils seront portés par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Cet engouement pour la Blue Transformation a poussé Peter Thomson, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies lors de cet événement , à réclamer des ressources supplémentaires dédiées.

Les océans seront au cœur des discussions lors des prochaines rencontres :

  • Conférence intergouvernementale sur un traité sur la biodiversité marine ;
  • Négociations sur le cadre mondial pour la biodiversité post-2020 ;
  • Négociations pour un financement accru du climat et des actions d’adaptation (COP27, Égypte).

Sources : ONU