Entre 2001 et 2023, l’Afrique a enregistré la plus forte croissance mondiale de surfaces agricoles cultivées. Selon la FAO. 96% de l’augmentation mondiale des surfaces cultivées entre 2021 et 2023 (soit 75 millions d’hectares sur un total de 78 millions) a eu lieu sur le continent africain. Cette expansion s’est faite au détriment des forêts avec une perte estimée de 82 millions d’hectares de couverture forestière durant la même période).
Dans les détails, selon la FAO et l’Université du Maryland cette expansion a été particulièrement élevée dans trois régions : l’Afrique de l’Ouest avec une augmentation de 31 millions d’hectares de terres cultivées, suivie de l’Afrique de l’Est (+25 millions d’hectares) et de l’Afrique centrale (+15 millions d’hectares). L’Afrique subsaharienne a vu ses terres cultivées passer de 155 millions d’hectares à 240 millions entre 1995 et 2016.
Au niveau des pays, le Nigéria, l’Éthiopie, le Soudan, la Tanzanie, l’Angola la République démocratique du Congo (RDC) et le Mozambique sont les pays ayant connu la plus forte expansion des terres cultivées. Le Nigéria arrive en tête de ce classement avec la plus forte surface de terres cultivées et la plus forte expansion en Afrique.
Cette expansion s’est accélérée de manière notable après 2006. Entre 2000 et 2020, la superficie totale des terres cultivées en Afrique a augmenté de 60 millions d’hectares, principalement par la conversion des la végétation naturelle (forêts, prairies, broussailles). Plus récemment, entre 2021 et 2023, l’Afrique a enregistré 96% de la croissance mondiale des surfaces agricoles cultivées, soit environ 75 millions d’hectares.
Cependant, cette expansion rapide n’est pas sans conséquences. Elle a souvent conduit à une déforestation massive (on estime que l’Afrique a perdu 82 millions d’hectares de couverture forestière entre 2021 et 2023 et à la dégradation des habitats naturels, posant des défis importants en termes de durabilité environnementale et de sécurité alimentaire à long terme.
Une expansion due aux cultures temporaires et aux cultures d’exportation
D’après la FAO, cette croissance a été principalement soutenue par l’extension des cultures temporaires (cultures dont le cycle végétatif est inférieur à un an) telles que les céréales et les tubercules comme le maïs, le riz, le mil, le sorgho, le manioc ou les ignames. Cette catégorie de production agricole a été développée sur 59 millions d’hectares supplémentaires entre 2001 et 2023 sur le continent, ce qui représente une augmentation de 38 %, largement au-dessus de la moyenne mondiale (+11 %).
L’expansion des terres directement liée aux cultures d’exportation est un moteur important de la déforestation, notamment liée à l’acquisition de terres à grande échelle et au développement de filières spécifiques. Une part significative des acquisitions de terres agricoles en Afrique (environ 37% des transactions mondiales) est motivée par la production agricole destinée à l’exportation vers d’autres régions (notamment les pays du Golfe) plutôt qu’aux marchés locaux.
Les cultures permanentes telles que le cacao, le café, le palmier à huile ou encore l’hévéa ont vu leur superficie croître de 18 millions d’hectares (+65 %). L’Afrique de l’Ouest en particulier a affiché une croissance de 79 % de la superficie agricole dédiée à ces cultures sur la période considérée alors qu’en Afrique centrale la superficie consacrée à ces filières a doublé.
Il convient de noter qu’en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de la fève, environ 45 % de la déforestation totale et de la dégradation des forêts sont imputées au développement de la culture cacaoyère. Dans un rapport publié en 2023, des chercheurs de l’Université catholique de Louvain (Belgique) ont révélé qu’environ 2,4 millions d’hectares de forêt ont été remplacés par des plantations de cacao dans le pays entre 2000 et 2019, une superficie presque équivalente à la taille du Rwanda.
Un autre rapport publié également en 2023 dans la revue académique Nature Food indique que la culture du cacao est directement liée à la perte de 386 000 hectares de forêts situées dans des aires protégées en Côte d’Ivoire et au Ghana entre 2000 et 2020.
Globalement, cette dynamique traduit à la fois la pression croissante pour nourrir une population en forte expansion sur le continent et l’essor des cultures de rente destinées à l’exportation. Il existe pourtant un potentiel inexploité d’accroissement des exportations (sans déforestation) notamment pour le cacao, les boissons, les oléagineux, les légumes et les noix.
Face à ces constats, la question n’est plus seulement celle de nourrir une population croissante, mais de savoir comment produire plus sans dégrader davantage les écosystèmes. Le défi pour les pays africains est d’accélérer l’intensification durable pour éviter que la croissance agricole ne compromette les fondements de sa propre viabilité.
Sources : FAO, Université du Maryland et Agence Ecofin