Comprendre les enjeux de l'agriculture

Une étude récente menée par le groupement d’agriculteurs EARA (Alliance Européenne pour l’Agriculture régénératrice) affirme que les systèmes régénératifs — allant de l’agroécologie à l’agriculture de conservation et à l’agriculture biologique — sont « non seulement viables mais déjà supérieurs dans la plupart des contextes » par rapport à l’agriculture conventionnelle en termes de rendement, de résilience et de santé de la planète. Selon l’étude, les pionniers de l’agriculture régénératrice ont certes des rendements inférieurs de seulement 2 %, mais génèrent des revenus similaires, fournissent plus de 25 % de services écosystémiques et de biodiversité tout  en utilisant 61 % moins d’engrais azotés synthétiques, 76 % moins de pesticides et 88 % moins de nourriture de bétail importée que leurs homologues pratiquant toutes formes d’agriculture conventionnelle dans des contextes similaires.

L’agriculture conventionnelle, qui se concentre sur des gains de rendement à court terme au détriment de l’environnement, ne pourra pas répondre à la volonté européenne de lutte contre la dégradation de la santé des sols, la perte de biodiversité et la dégradation du climat sans compter le souci de renforcer la souveraineté alimentaire du continent.

Le projet dirigé par EARA, dont ce rapport constitue la première phase, analyse le potentiel des systèmes agricoles régénératifs comme solution potentielle aux problèmes suscités par l’agriculture conventionnelle. Le rapport mesure les réalisations des pionniers de l’agriculture régénératrice à l’aide d’un nouvel indice appelé Regenerative Full Productivity (RFP) – une métrique de performance pour les résultats de gestion des terres développée – par des agriculteurs, des chercheurs et des agronomes.

Le Modèle complet de Productivité régénératrice (RFP)

Le RFP s’appuie sur le modèle économique de la Productivité Totale des Facteurs, qui mesure la relation entre productivité/efficacité et prospérité économique. En d’autres termes, il s’agit de faire plus avec moins. Le RFP d’EARA applique ce modèle au contexte des systèmes régénératifs, mesurant à quel point les agriculteurs peuvent être productifs avec moins (et éventuellement zéro) d’intrants synthétiques. L’étude a utilisé des mesures au niveau des champs, ainsi que des données générées par les agriculteurs et des images satellites pour obtenir ses résultats.

L’étude teste l’hypothèse selon laquelle les agriculteurs régénérateurs pionniers peuvent égaler ou surpasser leurs homologues conventionnels non seulement en termes de rendement, de résilience et de performance climatique, mais aussi dans la régénération des sols, des écosystèmes et de la biodiversité. Les résultats de l’étude réfutent l’idée selon laquelle la sécurité alimentaire de l’Europe dépend de l’agriculture intensive en produits chimiques. La réduction progressive, et l’élimination éventuelle, des intrants synthétiques est non seulement réalisable, mais aussi bénéfique sur le plan économique et environnemental.

Égalité de rendement avec moins de 60% d’engrais synthétiques

Cette première phase du programme de recherche dirigé par des agriculteurs s’est déroulée sur 78 fermes régénératrices dans 14 pays européens de 2021 à 2023. Sur ces fermes, le projet a trouvé :

  • Une productivité complète supérieure de plus de 32 % en moyenne, avec des gains allant de 14 % à 52 %.
  • Plus de 24 % de photosynthèse, 23 % de couverture du sol et 17 % de diversité des plantes, toutes nécessaires pour maintenir des terres productives et résilientes, ainsi qu’une santé optimale des sols.
  • Une « égalité de rendement » malgré une réduction majeure des intrants. Les fermes régénératrices ont atteint, en moyenne, seulement 2 % de rendement en moins (en kilocalories et en protéines), tout en utilisant 61 % moins d’engrais azotés synthétiques et 76 % moins de pesticides par hectare.

Concernant la souveraineté alimentaire régionale, alors que les fermes européennes moyennes importent plus de 30 % de l’alimentation du bétail de l’extérieur de l’UE, les agriculteurs pionniers ont atteint des rendements similaires en utilisant uniquement des aliments provenant de leurs régions. Au total, l’étude souligne que ces agriculteurs ont délivré « plus de 27 % de Productivité Complète Régénérante (RFP) que l’agriculteur européen moyen, avec des gains allant de 24 % à 38 % dans les 14 pays étudiés ».

Une réduction de 87% des émissions de gaz à effet de serre

EARA présente cette étude comme un appel à l’action, « entreprise pour fournir des données qui encouragent à suivre l’exemple des pionniers ». Par exemple, l’organisation à but non lucratif grecque, The Southern Lights, opère une exploitation agroforestière régénérative et travaille également à en éduquer d’autres sur de telles pratiques. « Avec EARA, nous sommes à l’avant-garde pour aider de plus en plus d’agriculteurs à entreprendre des parcours similaires », déclare Sheila Darmos, cofondatrice et directrice générale, qui est aussi agricultrice d’EARA.

Suivre l’exemple de Darmos, et d’autres, pourrait, selon l’étude d’EARA, réduire de 141,3 millions de tonnes de CO2e par an, soit 87%, dès les premières années de transition, les émissions nettes de gaz à effet de serre du secteur agricole de l’UE. Après trois à sept ans de transition, le bilan carbone du secteur agricole européen pourrait devenir « positif pour la nature et le climat » et être en mesure d’assurer la sécurité alimentaire pour toute la région, affirme EARA.

Le  Dr. Yann Boulestreau, agriculteur d’EARA, scientifique et cofondateur d’AgSynergie, note dans le rapport : « Restaurer les écosystèmes tout en étant productif et rentable n’est pas un rêve de théoriciens assis dans des bureaux », ajoute-t-il. « C’est ce que les agriculteurs pionniers réalisent sur leurs champs à travers l’Europe. Soutenons la diffusion de leurs techniques, pour notre bien commun. »

Source : AgFunder