Trois multinationales aux activités aussi variées que Gucci, filiale de Kering, le laboratoire pharmaceutique GSK (GlaxoSmithKline) et le fabricant de matériaux de construction Holcim , sont les premières entreprises mondiales à s’être fixé des des objectifs de protection de la nature et de la biodiversité énoncés par le Science Based Targets Network(STBN ). La décision de ces trois entreprises illustre la prise de conscience par les grands groupes industriels de leur responsabilité environnementale.
Le STBN est une initiative mondiale visant à aider les entreprises à se fixer des objectifs basés sur la science pour préserver la biodiversité et les écosystèmes naturels. Il a la forme d’un consortium de 80 ONG , organisations et sociétés privées déterminées à mettre fin à la perte de biodiversité. Le STBN fournit aux entreprises un cadre pour évaluer leur impact sur la nature et des objectifs mesurables et raisonnables pour en réduire les effets nuisibles. Ses travaux concernent, en particulier, la consommation d’eau douce, l’utilisation des terres et la protection des écosystèmes.
Adoptés après une année de programme-pilote, les objectifs de Gucci, GSK et Holcim se concentrent principalement sur la réduction de leur consommation d’eau douce, souvent grâce au recyclage et au colmatage des fuites. Kering, lui, s’engage à éviter l’exploitation des écosystèmes naturels. Ces trois entreprises se caractérisent, en effet, par des activités qui contribuent à la perte d’espaces naturels.
Ainsi, les métiers de la mode (Gucci) dépendent de l’agriculture qui leur fournit les matières premières nécessaires à la fabrication de leurs produits. L’industrie pharmaceutique (GSK) et les fabricants de matériaux de construction (Holcim) sont, eux, de grands consommateurs d’eau et de terres. On sait que l’exploitation minière, la déforestation et la construction dans des habitats vierges ont réduit de 73% la population animale au cours des 50 dernières années selon le WWF ( World Wildlife Fund).
Ces actions de prévention sont d’autant plus urgentes que la moitié du produit brut mondial dépend de la nature selon le World Economic Forum . L’avenir de l’économie mondiale en est tributaire. La prospérité des entreprises dépend des produits et services que la nature leur fournit. Les objectifs fixés avec l’aide du STBN visent à renforcer la résilience de la nature dans les lieux d’activité des trois entreprises.
La COP16 à Cali
Par ailleurs, des milliers d’entreprises – dont Gucci, GSK et Holcim- se sont déjà fixé des objectifs scientifiques, validés par le SBT, en matière de lutte contre le changement climatique lequel, est d’ailleurs en partie tributaire de la protection de zones naturelles comme les forêts.
Outre Gucci, GSK ou Holcim, de nombreuses autres entreprises privées sont activement engagées dans la protection de la nature et de la biodiversité. On peut citer les cas Patagonia, Unilever ou Ikea.
Patagonia fabrique des vêtements de plein air à partir de matériaux recyclés et s’engage à ne pas exploiter les ressources naturelles. Elle verse, en outre, 1% de son chiffre d’affaires à des ONG environnementales. Unilever s’est donné comme objectif de réduire son empreinte écologique à travers, notamment, de son programme Sustainable Living qui vise à réduire les déchets plastiques, à améliorer la durabilité de ses ingrédients agricoles et à soutenir les pratiques agricoles régénératrices. Ikea s’engage à utiliser uniquement des matériaux renouvelables et recyclés d’ici 2030. Ikea investit également dans des projets de reforestation et de préservation de la biodiversité.
L’adoption d’objectifs scientifiques pour la protection de la nature a coïncidé avec les négociations entre gouvernements et ONG à la COP16 à Cali en Colombie en 2024. Ses objectifs étaient d’examiner les engagements de chaque pays et de préciser les financements pour la protection de la nature et de la biodiversité. La conférence s’est conclue par une absence d’accords sur de nombreux sujets dont la stratégie pour générer $200 milliards au profit de la biodiversité.
Une avancée majeure mérite, cependant, d’être soulignée : la création d’un groupe représentant les peuples autochtones et d’un fonds (Fonds Cali) pour le partage équitable des ressources génétiques issues de la biodiversité. Ce fonds devrait, justement, être alimenté, sur une base volontaire, par les groupes cosmétiques et pharmaceutiques. 3 000 entreprises privées étaient présentes à Cali contre 1000, deux ans auparavant à Montréal.
Lors de la COP15 en 2022 à Montréal, 196 pays s’étaient engagés à protéger, à l’horizon 2030, 30% des terres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines et à restaurer 30% des écosystèmes dégradés. Hélas, ces engagements n’ont pas été tenus. Bien au contraire, la biodiversité n’a cessé de se dégrader.