Un des facteurs de souveraineté alimentaire d’un pays est la fertilité de ses sols. Lorsqu’ils sont riches en matières organiques, les plantes sont plus résistantes aux bio-agresseurs et les rendements sont meilleurs. Mais surtout, les cultures sont moins gourmandes en engrais chimiques.
Dans l’agriculture, l’agro-écologie est un changement de paradigme. Son essor mobilise la recherche agronomique dans de nombreux domaines. Les sciences appliquées du sol en font partie.
Sur le site de la Fondation Farm (1), Jean-Baptiste Rogez, responsable de projet présente quelques expérimentations réalisées en Afrique de l’Ouest pour restaurer la fertilité des sols des systèmes en cultures fruitières.
Il s’agit notamment de plantations de cacaoyers en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Mais les techniques promues semblent transposables à tous les systèmes en monocultures (bananes, caféiers, palmiers etc.)
Crédits photos: Fondation Farm
Jean-Baptiste Rogez, expose ces techniques dans un article intitulé « Comment améliorer la santé des sols en Afrique de l’Ouest ?:… Restaurer la fertilité d’un sol est un travail qui s’inscrit dans le temps», affirme l’expert. Dans des sols plus riches en matières organiques, la capacité de rétention de l’eau et des engrais épandus limitent le lessivage des sols. Les plantes cultivées sur ces sols sont aussi plus saines et plus résistantes.
En améliorant la fertilité des sols des plantations de cacaoyers, l’idée n’est pas de restaurer la fertilité originelle des sols, telle qu’elle l’était lorsqu’ils étaient couverts de forêts équatoriales avant d’être déboisés par l’homme, mais de reconstituer une partie de leur stock originel de matière organique perdu depuis qu’ils sont mis en culture.
Les bio-intrants
« La coopérative de producteurs de cacao SCEB, en Côte d’Ivoire, a créé pour ses trois cents membres une unité de fabrication d’intrants biologiques, rapporte Jean-Baptiste Rogez. Installée en 2020, cette bio-fabrique d’engrais et de pesticides utilise des ingrédients locaux, à partir de la microflore présente dans le sol des forêts ».
Ces bio-intrants mélangés à des débris végétaux et animaux, épandus sur le sol, reproduisent le processus de dégradation de la matière organique en humus tel qu’il se déroule dans des milieux forestiers.
La composition en éléments nutritifs du mulch, alors obtenu, dépend en partie de la nature du substrat épandu et des bio-intrants employés.
Dans les grandes exploitations l’utilisation des bio-intrants doit être associée à des technologies d’agriculture de précision qui nécessitent de nouvelles compétences. Mais la technique est très onéreuse.
Des sols fertiles, riches en matières organiques rendent les pays africains plus souverains. Comme les engrais chimiques épandus sont plus efficaces, les cultures en ont moins besoin, ce qui réduit à la fois leurs coûts de production et leur empreinte carbone.
Variétés d’espèces
Associer plusieurs variétés de végétaux sur une parcelle initialement en monoculture de cacaoyers contribue aussi à accroître la fertilité des sols. La flore microbienne s’enrichit en fonction de la nature des débris végétaux disponibles et épandus.
L’agroforesterie allie production de bois et cultures de vente sur une même parcelle. Un écosystème agroforestier est créé en plantant des arbres au milieu des cultures. Les feuilles et autres débris végétaux tombés et mélangées à la terre accroissent le taux matière organique dans le sol après s’être décomposées.
Les parcelles sont à l’abri du vent, les plantes d’un ensoleillement excessif et le sol conserve l’humidité en période de sécheresse.
« La recherche nous enseigne que la réussite de la conduite de cultures en agroforesterie dépend de deux éléments fondamentaux : le choix des espèces associées et la densité de plantation, explique Jean Baptiste Rogez. Les arbres de services doivent être choisis pour apporter un intérêt socio-économique. Les producteurs implantent dans leurs cacaoyères d’autres espèces d’arbres fruitiers pour assurer une source de revenu supplémentaire ».
Il reste à trouver le bon équilibre entre les cultures et les arbres de service pour allier performance économique et performance écologique. Une parcelle de cacaoyer convertie à l’agroforesterie doit être rentable pour être durablement exploitée telle quelle.
Dans les petites exploitations agricoles vivrières, la polyculture-élevage est culturelle. La fertilité des sols est enrichie de matière organique d’origine végétale et animale au fil des années.
La question de la restauration de la fertilité des sols se pose sur tout le continent africain, dans toutes les régions et pour tous les systèmes de production et pas seulement en monocultures.
Dans la pratique, la régénération d’un sol doit reposer sur des pratiques agricoles accessibles et reproductibles. Les petits paysans doivent pouvoir les adopter et les développer.
Regroupés dans des coopératives, « ils y trouvent des solutions pour mieux s’organiser entre eux, en plus d’un accompagnement technique, de formations et d’une valorisation des produits », affirme Jean Baptiste Rogez. Mais sans financement aucune action de groupe n’est envisageable.
(1)https://fondation-farm.org/sante-sols-afrique-cote-ivoire/