À travers l’Afrique, du Sénégal à Djibouti, le rempart végétal le plus long du monde est en cours d’édification : la Grande Muraille Verte. 7 600 km de long. Bien plus qu’un programme de reboisement, le vaste projet qui traversera 11 pays a pour but de transformer des zones arides, parmi les plus fragiles du monde en pôles ruraux dynamiques de production et de développement. Elle adresse de multiples enjeux de lutte contre la désertification, économiques, de sécurité alimentaire, de changement climatique et de conservation de la biodiversité. Une muraille pour libérer le potentiel de millions de personnes au Sahel. Mais avec quelle crédibilité, tant technique qu’organisationnelle et financière ?
Édifier la Grande Muraille Verte (GMV) sera-t-elle la solution aux diverses crises qui menacent le Sahel africain ? Sera-t-il à la hauteur de l’enjeu démographique à l’horizon 2050. Les pays du Sahel, enregistrant les plus forts taux de fécondité au monde, compteront 330 millions d’habitants.
Le projet a été adopté par la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine lors du 5e Sommet tenu en juillet 2005 à Syrte (Libye) et lors de la 8e session tenue les 29 et 30 janvier 2007 à Addis Abeba. Elle s’est structurée en 2010 autour de l’Agence panafricaine de la GMV qui compte aujourd’hui 11 pays (Burkina Faso, Djibouti, Éthiopie, Érythrée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad).
En quoi consiste cette initiative de restauration écologique ? Comment se concrétise-t-il ? Quelles sont ses chances de réussite ?
Le projet GMV et son évolution
Un projet pharaonique ! La GMV se présente comme un vaste programme de lutte contre la désertification. Une bande végétale de 15 km de large devrait s’étirer sur 7 700 km, de Djibouti à Dakar sur une superficie de 780 millions d’hectares de zones arides et semi-arides. Le projet est de créer une bande de végétation multi-espèces plus ou moins linéaire, mais continue autant que possible et incluant divers systèmes d’occupation des sols, traversant des zones habitées (zones de terroirs villageois), des zones non habitées (forêts classées, parcs nationaux, parcs animaliers, réserves botaniques, réserves communautaires). En raison de certains facteurs (plans d’eau, montagnes, collines rocailleuses, zones sacrées ou hantées), la Grande Muraille pourra être déviée vers le nord ou le sud.
Carte 1. Le tracé de la GMV
La GMV permettra de contenir le processus de descente du désert, de protéger les sols et la biodiversité, de répondre au changement climatique et aux crises pluviométriques, tout en inversant les flux migratoires.
Une fois la GMV achevée, 100 millions d’hectares de terres dégradées auront été restaurés. 10 millions d’emplois auront été créés d’ici 2030. 250 millions de tonnes de carbone auront été séquestrées.
L’évaluation du potentiel de séquestration de carbone comprend à la fois le carbone stocké dans la biomasse ligneuse et dans les sols, sur la base des impacts de la restauration signalés par les pays jusqu’en 2019 pour trois activités : plantation d’arbres, régénération naturelle assistée dans des enclos et systèmes agroforestiers. Les estimations sont basées sur l’hypothèse que ces mesures rapportées sont efficaces et se poursuivent au moins jusqu’en 2030 (par exemple, survie de tous les arbres plantés).
En 2012, le projet de la GMV a été revu avec une Stratégie globale harmonisée (SGH) dans le but de consolider les stratégies nationales et les plans d’action des États membres (avec l’appui la FAO et l’Union européenne), aboutissant sur une stratégie coordonnée de mise en œuvre, structurée en étapes de planification quinquennale. Les pays membres ont donc élaboré des plans d’action nationaux pour développer des étapes pour atteindre les objectifs nationaux de la GMV.
Depuis une décennie, la vision de la GMV a évolué vers une approche dite de « gestion intégrée de l’écosystème », comme un moyen de redonner vie à tous les écosystèmes naturels et humains. Le projet vise à intégrer une mosaïque de différents systèmes d’utilisation des terres et de production, y compris la gestion durable et la restauration des terres arides, la régénération de la végétation naturelle ainsi que des mesures de rétention et de conservation de l’eau.
Figure 1. Petit historique de la Grande Muraille Verte