Comprendre les enjeux de l'agriculture

Compte tenu des volumes de ses importations, l’Empire du milieu pilote la quasi-totalité des marchés agricoles. Mais depuis l’émergence du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie, sa politique de sécurité alimentaire revêt une dimension géostratégique très particulière.

 

Selon le Conseil international des céréales (CIC), l’Ukraine a produit cette année 38 millions de tonnes (Mt) de grains en moins qu’en 2021-2022 et la production mondiale de céréales (2856 millions de tonnes – Mt) est déficitaire de 20 Mt. Dans le même temps, la Chine dispose de stocks pléthoriques de blé, de maïs et de riz estimés à 420 Mt. Pourtant, l’Empire du milieu a l’intention d’importer d’ici la fin de la campagne 2022-2023, près de 41 Mt de grains (8 Mt de blé, 19 Mt de maïs, 9 Mt d’orges et 5 Mt de riz), toujours selon le CIC.

La Chine est le seul pays de la planète à la fois importateur et détenteur de stocks colossaux de céréales. Ses stocks de blé (135 Mt) équivalent à près d’une année de sa consommation intérieure et ceux de maïs (175 Mt), à près de six mois.

Chaque année, l’Empire du milieu importe les quantités de grains nécessaires pour compenser sa production déficitaire et pour renouveler ses stocks. Il tient à les maintenir aux niveaux des années passées.

En fait, la politique de sécurité alimentaire du gouvernement chinois reste une priorité. Elle le rend indifférent aux problèmes d’approvisionnement auxquels sont confrontés les pays exportateurs de grains pour répondre aux besoins de leurs clients. Or ces derniers ne disposent pas toujours un stock de sécurité et les prix des grains sont si élevés, qu’ils sont dans l’incapacité d’en acheter.

Aussi, la politique commerciale de l’Empire du milieu revêt une dimension géostratégique bien particulière. Au début de la campagne 2022-2023, des experts des marchés agricoles s’interrogeaient sur l’attitude qu’adopterait l’Empire du milieu. Sa politique commerciale est imprévisible.

Au début de la campagne actuelle, en décidant d’importer davantage de céréales, la Chine avait les moyens d’accroître la pénurie de grains disponible à l’export générée au début de l’année par le conflit russo-ukrainien.

 

Chine, chef d’orchestre 

Mais si un jour ou l’autre, la seconde puissance économique mondiale de la planète renonce partiellement à ses emplettes, la scène internationale ne manquerait pas d’y voir une prise de position en faveur de l’Ukraine en conflit avec la Russie. Car les céréales, que la Chine n’importerait pas, seraient alors disponibles à l’achat par les pays déficitaires et en plus, à moindre coût. Quant à la Russie, elle serait privée de recettes d’exportations.

Par ailleurs, le gouvernement de Moscou n’aurait plus les moyens de brandir l’arme alimentaire auprès des pays importateurs. Or le Kremlin avait en début de campagne la main sur plus de 60 Mt de blé russe et ukrainien, soit un tiers du commerce mondial de la céréale au cours de la prochaine campagne, selon le site le russe Sovecon.com (1).

En fait, le fonctionnement de campagne de commercialisation de grains repose, depuis le début de la campagne, sur la quantité de céréales disponibles à l’export et à l’import et non plus seulement sur les quantités de grains excédentaires potentiellement exportables.

Or ces dernières peuvent être bloquées dans des silos et dans des ports pour différentes raisons : boycotts, ports inaccessibles, trafic maritime dans la Mer Noire dangereux etc.

Mais depuis quelques mois, le corridor humanitaire sur le Mer Noire fluidifie les échanges commerciaux de céréales dans la région. En effet, il profite à l’Ukraine mais aussi à la Russie qui peinait l’automne dernier, à vendre ses grains. Les transactions commerciales avec le pays sont risquées.

Par ailleurs, au-delà de la dimension géostratégique des échanges commerciaux de la Chine, la faible croissance de l’économie chinoise, empêtrée dans la gestion de sa crise sanitaire de la Covid 19, a conduit l’Empire du milieu à réduire ses activités d’élevage porcin et avicole et par conséquent, à limiter ses achats de grains en provenance des pays tiers.

Or quelques millions de tonnes de grains importées en moins suffisent pour infléchir les marchés céréaliers et faire baisser les prix mondiaux.

 

Emprise sur le marché de la viande

La Chine est en tête des pays producteurs de viande de la planète mais aussi des pays importateurs. Aussi, la viande qu’elle n’importe pas est expédiée vers d’autres marchés.

En 2021, la production chinoise de volailles (22,8 Mt  sur 135 Mt à l’échelle mondiale) a progressé de 2 %. Mais la Chine a importé 1,9 Mt de viande de poulet, ce qui la situe en tête des pays importateurs de volailles.

En 2021 encore, la Chine a acheté 4,8 millions de tonnes équivalent carcasse (Mtéc) de viande de porc contre 5,6 Mtéc en 2020 et 2,2 Mtéc en 2016. Comme l’Empire du milieu ne semble toujours pas en mesure de maitriser la peste porcine, il recourt massivement à l’import depuis quelques mois pour approvisionner son marché intérieur. En France, les cours du porc flambent.

L’an passé, la Chine est restée le premier importateur mondial de viande ovine et détournera les viandes expédiées de Nouvelle Zélande et d’Australie du marché européen.

L’Empire du milieu a acheté 430 000 t en plus des 5,02 Mt qu’elle a produit en 2021 – un tiers de la production mondiale. Et quand la Nouvelle Zélande fournit la Chine en viande ovine, elle n’abonde pas le marché européen.

Quatrième pays producteur de viande bovine, l’Empire du milieu assèchera les disponibilités mondiales. En 2021, l’offre mondiale (71,8 Mt) était inférieure d’1 Mt à celle de 2019. L’an passé l’Empire du milieu a produit 6,9 Mt et a en importé 3,5 Mt, soit 6 fois plus qu’en 2016, avant que n’émergent la grippe aviaire et la peste porcine. Les cours de la viande bovine sont partis pour rester très élevés car l’offre mondiale ne progresse plus suffisamment.

(1) hors stocks encore détenus issus de la campagne 2021-2022.