Comprendre les enjeux de l'agriculture

Comme beaucoup de pays confrontés à la pandémie et aux risques de pénuries alimentaires, les Émirats Arabes Unis mettent en œuvre une politique destinée à renforcer leur sécurité alimentaire. Leur opulence ne les met pas à l’abri des défis économiques contemporains. La sécurité alimentaire est désormais une préoccupation de cet État fédéral qui compte Dubaï, capitale économique en effervescence et pôle d’attractivité pour le tourisme et les affaires. Friand d’innovation, l’émirat de Dubaï va renforcer sa notoriété en construisant l’un des plus grands pôle FoodTech du monde.

Le gouvernement des Émirats arabes unis a étoffé sa politique nationale de sécurité alimentaire de diverses actions pour garantir à tous ses citoyens et résidents un accès à des aliments abordables, sûrs, de qualité et en quantité suffisantes, même en situation de crise.

Sa stratégie comprend divers leviers d’action :

  • Faciliter le commerce agroalimentaire ;
  • Promouvoir la recherche dans ce domaine ;
  • Intégrer la technologie dans la production ;
  • Réduire les pertes et gaspillage ;
  • Améliorer la nutrition ;
  • Maîtriser les risques ou les crises alimentaires.

En 2020, le magazine britannique Economist a publié son classement annuel des pays par indice de sécurité alimentaire. Les Émirats arabes unis se classent 5e dans le monde arabe et 42e à l’échelle mondiale. L’indice se compose de 4 facteurs au sein desquels les Émirats se classent plus ou moins bien sur 113 pays :

  • L’accessibilité à la nourriture (56e) ;
  • Sa disponibilité (26e) ;
  • Sa qualité (17e) ;
  • Les ressources naturelles pour l’obtenir (89e).

La politique émiratie a pour objectif de faire progresser les Émirats arabes unis dans ce classement en améliorant le pouvoir d’achat, la disponibilité et la qualité des aliments.

L’objectif passe par un développement des moyens à cet effet, tant sur le plan humain que technologique. Le pays doit se doter de compétences en la matière, les échanges commerciaux ne règlent qu’en partie le problème de la sécurité alimentaire.

Les acteurs publics doivent être capables de proposer des stratégies pour un approvisionnement plus intelligent et déployer une politique sociale qui incite la population à une nutrition plus qualitative avec moins de gaspillage.

Les initiatives

D’ores et déjà, la vie publique est rythmée par des opérations lancées par le gouvernement et qui visent à encourager des citoyens, entrepreneurs ou chercheurs porteurs d’idées innovantes.

Ces actions convergent toutes vers un objectif de sécurité alimentaire et sont encadrées par le Bureau de la sécurité alimentaire.

Le programme accélérateur d’Ag-Tech soutien les projets de différentes manières :

  • Label agriculture durable des Émirats ;
  • Cadre de financement agricole ;
  • Code de l’Ag-Tech : objectif de réduction de l’empreinte carbone de 15%, réduction du temps de délivrance des permis de construire de 50 à 10 jours… ;
  • Attribution d’une licence agricole standardisé ;
  • Plateforme de data sur la FoodTech ;
  • Création d’un cadre à l’aquaculture : normes, site de production d’aliments pour poissons, études géographiques sur le potentiel d’implantations piscicoles sur le territoire.

Le concours Case Study est une autre initiative qui permet à des individus ou groupes de venir présenter, en mars de chaque année, une étude de cas sur un sujet lié à la sécurité alimentaire. Ce concours, ouvert

Un autre évènement, le FoodTech Challenge, met en concurrence des solutions innovantes pour lutter contre la sécurité alimentaire. Les universitaires et les startups sont invités à postuler pour partager leurs pistes d’innovation durable dans le secteur agroalimentaire, sur toute la chaîne : production, distribution, consommation, recyclage. Les critères de sélection garantissent la viabilité des projets présentés :

  • Intégration de technologies adaptatives ;
  • Optimisation des ressources naturelles consommées ;
  • Solution commercialisable et profitable.

Cet événement d’envergure récompense quatre projets avec une enveloppe pouvant aller jusqu’à $1.000.000. Les candidats présentent leurs projets devant un jury d’experts composé d’investisseurs, de think tanks, d’entrepreneurs, de représentants publics, d’universités et d’organismes internationaux comme la FAO. Les lauréats sont présentés dans les réseaux d’affaires et accompagnés au développement de leur produit ou service auprès des entreprises et des institutions publiques du secteur agroalimentaire.

La plateforme sécurisée ZADI

Il y a quelques mois, DP World, troisième exploitant portuaire mondial, a lancé une plateforme d’importation de denrées pour améliorer la sécurité alimentaire : ZADI.

Elle couvre les besoins de plus de 18.000 entreprises qui travaillent dans l’agroalimentaire, en facilitant leurs importations et ré-exportations, au total 360.000 transactions facilitées.

Selon le PDG de DP World, cette fluidification des échanges a pour objectif de raccourcir les délais d’acheminement et de limiter les pertes, notamment pour les denrées issues de cultures vivrières.

Des commerçants sont mis en relation avec de nombreuses sources d’approvisionnement grâce à la présence de DP World dans plus de 50 pays et les négociants sélectionnent leur prestataire de transport via les partenaires du groupe.

La mise en place de cette plateforme s’est faite avec la collaboration des douanes pour une offre de service globale comprenant tous les acteurs de la filière, du producteur au consommateur.

Les inspections réglementaires des denrées sont maintenues mais celles-ci sont précommandées par le biais de la plateforme ZADI qui offre à l’administration une meilleure visibilité des flux à venir.

L’ensemble des opérations bénéficie d’une traçabilité et permet la collecte de données pour les opérateurs du secteur agroalimentaire. En temps réel le pays connaît le volume des stocks et le degré de sécurité alimentaire dont il bénéficie dans tous les contextes.

La Food Tech Valley de Dubaï

Dubaï va encore plus loin dans sa course à la sécurité alimentaire. L’Émirat va accueillir son pôle de technologie alimentaire, le point de départ de la construction d’un écosystème voué à porter le secteur agroalimentaire vers un meilleur service à la société tant en qualité qu’en quantité, quelle que soit la situation.

Ce projet a aussi la vocation de susciter l’innovation et d’être une locomotive de l’économie émiratie.

Mohammed ben Rachid Al Maktoum, Vice-président, Premier ministre, gouverneur de Dubaï et Ministre de la défense et des finances, a présenté en avril dernier les grandes orientations de ce projet d’ampleur qui devrait emprunter à la technologie les dernières avancées en matière d’agriculture (agriculture verticale, …).

A terme, ce nouvel outil avant-gardiste multipliera par trois les capacités productives des EAU. C’est du moins l’objectif des deux protagonistes du projet, le Ministère de la Sécurité alimentaire et le Groupe Wasl, l’un des plus gros promoteurs dubaïotes, filiale de Dubaï Real Estate Corporation (DREC), un groupe propriétaire et gestionnaire des propriétés gouvernementales.

A l’image des villes vertes, La Food Tech Valley sera accueillante et bienveillante pour toutes les startups et experts en agroalimentaire. Ce pôle de technologie et d’ingénierie agricole soutiendra des projets innovants en bio-ingénierie, automatisation, robotique, intelligence artificielle :

  • Une ferme verticale aux technologies de pointe pour assurer toute l’année une production vitale, complétée par d’autres techniques agricoles (l’aquaculture et la culture hydroponique). Au total, un projet portant sur 300 variétés de cultures différentes ;
  • Un centre d’innovation alimentaire, véritable écosystème agro-industriel incubateur d’idées comprenant une usine de production d’aliments novateurs et des restaurants 2.0 offrant un service de restauration optimisé pour un gaspillage réduit ;
  • Des installations de R&D permettant des travaux de niveau international au service des entreprises agro-industrielles : amélioration des rendements et de la résistance des cultures, impression 3D à base d’algues, production alternative de protéines, implications de l’IA, agriculture saline,  génomique nutritionnelle, mécanisation agricole et usage de drones ;
  • Un stockage de denrées de quatrième génération : logistique intelligente, blockchain, mégadonnées liées au tri et au transport, contrôle de qualité et de composition, méthodes de transformation, optimisation des chaînes d’approvisionnement…

Avec un commerce alimentaire qui représente annuellement $27 milliards, les EAU entendent surfer sur ce dynamisme pour opérer une transition du secteur agroalimentaire pour le rendre plus durable et plus résilient, notamment dans le cadre de la préservation des ressources naturelles et face aux changements climatiques défavorables.

A plus long terme, la Food Tech Valley doit conduire à améliorer l’alimentation mais aussi la connaissance médicale, deux secteurs stratégiques mis à mal durant la période pandémique alors qu’ils garantissent la stabilité d’une nation.

Dubaï et les Émirats arabes unis souhaitent se préparer à la transition technologique attendue dans le secteur agricole avec un marché de l’AgTech estimé à $13,5 milliards et projeté à $22 milliards d’ici 2025.

Comme à l’accoutumée, ce projet important sera l’opportunité pour des architectes réputés de marquer de leur style l’expansion de Dubaï. Le centre d’innovation alimentaire prendra la forme d’une tête de blé et rassemblera des espaces de recherche, des laboratoires et des fermes expérimentales.

L’aboutissement d’un tel projet devrait faire des EAU, une référence et un interlocuteur d’expertise pour les autres décideurs du monde entier. Pour ce pays qui défie depuis 50 ans son environnement naturel pour assouvir ses désirs d’expansion, ce nouveau challenge ne devrait être qu’une étape. Le Bureau des investissements émirati a déjà financé à hauteur de $100 millions les initiatives de plusieurs entreprises innovantes :

Ces entreprises ont pour objectif de faire progresser l’exploitation des sols ou de tout espace cultivable sous des climats arides. L’agriculture verticale est déjà reconnue pour sa faible consommation d’eau, comparée à l’exploitation traditionnelle : -90%.

Horizons 2021 et 2051

Le projet Food Tech Valley s’inscrit dans les objectifs des Émirats car elle permet d’espérer simultanément la sécurité alimentaire, la durabilité et la préservation des ressources. Pour 2021, le pays a l’intention de se positionner dans les premiers rangs du classement de l’indice de sécurité alimentaire puis d’en occuper la pole position d’ici 2051. 60% de l’espace seront réservés à la production de denrées.

Dans ce grand projet, les fermes verticales semblent occuper le devant de la scène.

Dès 2018, Badia Farms a ouvert sa première ferme hydroponique verticale à Dubaï, un entrepôt de presque 800m2 qui produit des herbes et des légumes pour les restaurants locaux de la ville.

Emirates Flight Catering a suivi, en partenariat avec Crop One, l’opérateur n°1 des solutions verticales. Ils ont investi $40 millions dans la construction de la plus grande ferme verticale au monde à Dubaï. A plein régime, l’installation produira 2,7 tonnes par jour de légumes sans pesticides pour satisfaire les clients des 105 compagnies aériennes et 25 salons de l’aéroport de Dubaï qui pourront profiter des produits frais de cette ferme verticale. Objectif : 225.000 repas par jour.

Cette méthode de culture mise sur l’utilisation d’une eau riche en nutriments. Le volume utilisé est très faible et n’entame pas les nappes phréatiques : -70% d’eau consommée. Les premiers essais sur cette culture ont été effectués en 2009 à Dubaï et l’État n’a cessé d’inciter les agriculteurs à adopter ce mode de production. Aujourd’hui, il se réunissent en communauté de producteurs au sein de l’Emirates hydroponics Farms (EHF).

Sur le plan économique, Hesham Abdullah Al Qassim, PDG du Groupe Wasl, avance que la Food Tech Valley fournira aussi un cadre logistique, une structure d’affaires et un soutien officiel pour accompagner la recherche, l’innovation et le développement des entreprises qui les commercialisent.

Selon le Ministère du changement climatique et de l’environnement ; les EAU comptent aujourd’hui :

  • 177 fermes modernes ;
  • 100 entités pour l’agriculture bio ;
  • 500 entreprises de transformation alimentaire

Sources : Wanda, Atalayar, Gulfbusiness