Selon le forum politique de haut niveau pour le développement durable le monde ne sera pas en mesure d’atteindre la plupart des objectifs de développement durable (ODD) pour l’alimentation et l’agriculture. Tel est le constat du dernier rapport établi selon les objectifs de développement durable liés à l’alimentation et à l’agriculture en 2020 et publié en juillet 2019.
Septembre 2020.La situation n’a pas évolué cette année. Les dernières données du rapport collectées sur la Covid-19 montrent que les progrès en matière d’alimentation et d’agriculture sont encore insuffisants et que le monde n’atteindra pas ses objectifs pour 2030. Aujourd’hui, en raison de la pandémie, des crises sanitaires, économiques et sociales sans précédent menacent des vies et compliquent davantage la réalisation des objectifs de développement durable.
La Covid-19 est venu perturber la collecte des statistiques, agricoles et alimentaires. Les recensements ont été retardés, reportés ou suspendus dans plus de la moitié des 150 pays visés, alors qu’ils sont essentiels à l’identification de besoins immédiats et des pratiques durables nécessaires aux agriculteurs.
Afin de suivre les incidences de la Covid-19 sur l’alimentation et la collecte de données agricoles, la FAO a pris quelques grandes initiatives qui comprennent :
1. L’outil de collecte de mégadonnées du Laboratoire de données de la FAO
2. L’outil de suivi et d’analyse des prix alimentaires de la FAO
3. Le système d’information sur les marchés agricoles (AMIS)
Le rapport sur les progrès réalisés dans le cadre des indicateurs des ODD liés à l’alimentation et à l’agriculture s’est articulé principalement sur 6 objectifs durables de la FAO :
Objectif n° 2 : Faim Zéro
En 2020, les données les plus récentes sur la consommation alimentaire de nombreux pays ont permis une estimation précise de la prévalence de la sous-alimentation.
Elles ont aussi permis de réétudier les estimations annuelles de la sous-alimentation en Chine qui remontaient à 2000, révisant à la baisse le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde.
Cette nouvelle version confirme que le nombre de personnes touchées par la faim depuis 2014 a augmenté de 10 millions en un an et de 60 millions sur les cinq dernières années, loin de l’objectif ODD 2.1 « Faim Zéro » fixé pour 2030.
La situation risque de se détériorer du fait de la récession engendrée par la pandémie et d’un ralentissement de l’économie mondiale. L’inefficacité des politiques de protection sociale, les répartitions inégales des revenus, des ressources ou des actifs bloquent l’accès à la nourriture, principalement chez les personnes vulnérables, notamment celles touchées par la pauvreté.
La météo, les conditions environnementales et la propagation des maladies et des virus comme la Covid-19 sont aussi des facteurs clés de la pauvreté et donc de la faim surtout dans les pays où la population croît rapidement avec un accès à la santé et à l’éducation est limité.
L’alimentation et la santé sont directement liées. Elles impactent directement la croissance économique et le développement durable, les pays doivent redoubler d’effort afin de soutenir les petits producteurs alimentaires, conserver les ressources génétiques animales et végétales à destination agricole et alimentaire, prendre les mesures de lutte contre l’instabilité des prix des denrées alimentaires et consacrer des fonds à l’agriculture proportionnels à sa contribution au PIB.
Objectif n° 5 : Égalité entre les sexes
Bien qu’elles constituent une part importante de la main-d’œuvre agricole dans les pays en développement, les femmes ne jouissent toujours pas de tous leurs droits fonciers. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à avoir des droits de propriété ou des droits garantis sur les terrains agricoles.
Les données permettant d’évaluer l’évolution de l’égalité entre les sexes à l’échelle mondiale restent insuffisantes. Cependant, on peut observer que dans les quelques pays disposant de données suffisantes, l’écart se réduit entre le pourcentage d’hommes et celui de femmes ayant des droits de propriété ou de garantie sur les terrains agricoles. Plusieurs pays ont revu leur législation dans le but de renforcer l’égalité entre les sexes durant ces trente dernières années.
Afin d’accélérer les progrès et l’évolution de l’égalité des sexes en matière d’accès à la propriété et de contrôle des terres, des mesures clés ont été prises :
- L’allocation de ressources financières nécessaires à l’acquisition des terres par les femmes ;
- L’établissement de quotas en faveur des femmes dans les institutions de gouvernance foncière.
Objectif n° 6 : Eau propre et assainissement
L’impact de l’eau sur la santé, la pauvreté et la sécurité alimentaire n’est pas des moindres. Aujourd’hui des milliards de personnes dans le monde n’ont accès ni à l’eau ni au service d’assainissement. Cette situation accélère la propagation de la Covid-19.
Les pays sont dans l’obligation de relever les défis liés à la pénurie et la pollution de l’eau, dont le stress hydrique. D’un niveau alarmant, ce stress impacte directement la paix, les droits de l’homme et l’éducation et risque d’engendrer des perturbations socioéconomiques étendues s’il n’est pas rapidement maitrisé.
L’usage optimisée des ressources en eau est la mesure primordiale qui permettrait de réduire le stress hydrique et ainsi la pénurie de l’eau.
Entre 2000 et 2017, l’efficacité d’utilisation des ressources en eau dans le monde est passée de $12,58 à $18,17 par m3. Les estimations sur cette efficacité varient selon les pays : de $0,2/m3 pour les pays qui dépendent économiquement de l’agriculture à $1197/m3 pour ceux dont l’économie est axée sur l’industrie et les services, peu dépendants des ressources naturelles. Pour les deux tiers du monde l’efficacité d’utilisation des ressources en eau varie entre $ 5 et $100 par m3.
Les secteurs de production permettent d’avoir une efficacité d’utilisation des ressources en eau plus importante que celle des secteurs agricoles. Par conséquent, il est essentiel d’augmenter la productivité de l’eau à usage agricole en réduisant les fuites dans les réseaux municipaux de distributions en optimisant les processus de refroidissement industriels et énergétiques.
Objectif n° 12 : Consommation et production responsables
Les piliers de l’économie mondiale sont la consommation et la production mais le schéma actuel de ces fondements nuit à la santé de la planète.
L’empreinte matérielle augmente très rapidement, voire plus rapidement que la croissance démographique et la production économique. La subvention aux combustibles fossiles reste une des préoccupations majeures. Une proportion inacceptable de denrées alimentaires d’un montant de $400 milliards est perdue dans la chaîne d’approvisionnement chaque année. Il est donc important de réduire le gaspillage alimentaire par habitants afin d’améliorer l’efficacité des systèmes alimentaires et baisser les coûts de production.
Une méta-analyse expliquant la variation des pertes et du gaspillage selon les stades de la chaîne de valeur production, mais aussi d’une région et d’un groupe de produits à un autre, permet de conclure qu’il est important d’adopter les bonnes pratiques lors de la manipulation des denrées. Celles-ci incluent le renforcement des capacités de transport et de stockage tout au long du circuit de distribution. Les efforts doivent aussi redoubler en matière de la collecte des données pour cibler les interventions, optimiser la planification et ainsi réduire le gaspillage alimentaire.
Objectif n° 14 : Vie aquatique
Les océans, considérés comme le plus grand écosystème du monde, ont un rôle important dans la régulation du système climatique. Cependant, ils risquent de ne plus assurer cette fonction et de ne plus pouvoir répondre aux besoins économiques, environnementaux et sociaux du monde.
Du fait de l’exploitation irresponsable des océans, les ressources halieutiques sont en déclin. Il est donc primordial de lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR).
Aujourd’hui, la priorité est de rétablir rapidement les stocks de poissons en mettant un terme à la pêche INDNR. Pour ce faire, les pays doivent faire preuve de :
- Coopérations nationale et internationales dans un objectif commun
- Transparence en matière de partage de données et d’informations garantissant la traçabilité des produits halieutiques
- Respect des règles en s’allouant des moyens de surveillance et d’intervention solides.
Une gestion efficace des pêches et le respect total des politiques gouvernementales favorables sont les clés pour améliorer la contribution de la pêche durable au PIB, principalement dans les pays où elle est directement liée aux économies locales, à la sécurité alimentaire et aux communautés vulnérables.
Objectif n° 15 : Vie terrestre
La conservation des écosystèmes terrestres est loin de devenir durable. La déforestation dans le monde est toujours d’actualité. Les superficies forestières sont en déclin et un grand nombre d’espèces est menacé de disparition.
D’après les dernières statistiques de « l’Évaluation des ressources forestières mondiales 2020 » la superficie forestières a diminué progressivement par rapport à la surface terrestre mondiale : de 31,9% en 2000 (soit 4,2 milliards d’hectares), elle est passée à 31,5% en 2010 pour finir à 31,2% en 2020 (soit 4,1 milliards d’hectares). Sur 20 ans, la perte s’élève à 100 millions d’hectares même si le mouvement s’est ralenti durant la dernière décennie.
La déforestation contribue considérablement au réchauffement de la planète étant donné que les forêts ont un grand impact sur la régulation du cycle de l’eau qui atténue les effets du changement climatique. Les superficies forestières constituent aussi un grand réservoir du carbone et de biodiversité et offrent beaucoup d’autres services environnementaux et sociaux.
Mettre un terme à la déforestation reste un défi majeur, en particulier dans les pays les moins avancés.
Les Etats ont bien compris l’importance des forêts et ont progressé dans la gestion durable des superficies forestières même si leur réduction reste inquiétante.