Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le Président de Madagascar lève un fonds de 50 millions de dollars (200 milliards d’Ariary), baptisé programme Fihariana,  pour soutenir la création ou la croissance des entreprises malgaches. Les acteurs de l’agriculture, start-up comme petits exploitants, sont éligibles aux crédits accordés par ce fond. La création de ce prêt à faible taux mettra-t-elle fin au marasme agricole de Madagascar ?

À Madagascar, l’investissement dans l’agriculture renaît tout doucement avec le programme Fihariana, lancé le 19 mai 2019, qui est une facilité de crédit pour répondre aux besoins d’investissement des entrepreneurs. L’objectif de Fihariana – qui signifie littéralement « façon de gagner de l’argent »  ̶  est d’insuffler l’esprit d’entreprise aux jeunes malgaches, en leur offrant l’occasion de travailler pour leur propre compte et de monter une affaire.

Un financement sans exclusive

Bien que le programme Fihariana ne vise pas en particulier l’agriculture, les start-up agricoles ont une place de choix dans sa politique de financement. Le crédit à faible taux fait défaut dans toutes les branches d’activité, mais plus encore en agriculture. La surface agricole par tête s’amenuise, entraînant une crise des rendements. Le Gouvernement malgache fonde ainsi de solides espoirs sur ce programme pour faire épanouir l’agrobusiness, de manière à :

  • améliorer la sécurité alimentaire ;
  • valoriser le conditionnement et la transformation agricole ;
  • renforcer les chaînes de valeur ;
  • concourir à l’équité territoriale en réduisant les clivages ville-campagne ;
  • favoriser une gestion responsable et durable des ressources naturelles.

Le programme Fihariana est un soutien à l’émergence de jeunes entreprises innovantes dans le domaine de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

L’une des innovations capitales du programme Fihariana repose sur le fait qu’il ne fixe aucun seuil de chiffre d’affaires, intégrant ainsi les micro-entreprises exclues des systèmes financiers traditionnels. Le montant du prêt varie d’un seuil plancher de 50 € (200 000 Ar) à un plafond de 50 000 € (200 000 000 Ar). Les postulants peuvent solliciter :

  • soit un prêt compris entre 50 € et 750 € ;
  • soit un prêt compris entre 751 € et 50 000 €.

Le premier type de crédit s’adresse aux petits producteurs comme les familles paysannes. Le dossier de projet n’exige aucun business plan. Le second type de crédit, qui annonce un plafond ambitieux de 50 000 €, est destiné aux start-up ou entreprises agricoles à fort potentiel de croissance.

Privilégier l’agriculture de subsistance

Aussi surprenant que soit le prêt de 50 €, il a pour objectif de viser les acteurs condamnés à une activité de survie. L’agriculture de subsistance végète, comme l’indique un rapport récent de la Banque mondiale en 2019 : « La performance constamment médiocre du secteur agricole signifie que la majorité de la population ne ressent pas les retombées de la croissance économique, lit-on dans la publication. […] Le secteur agricole est limité par une faible productivité due à l’utilisation minimale de techniques agricoles modernes, au manque de connectivité aux marchés pour faciliter le transport des marchandises et à une grande vulnérabilité aux fluctuations climatiques. Le seuil minimum de 50 € en dit long sur la vision de l’État malgache : promouvoir une croissance privilégiant les plus démunis à travers la pleine participation des petits agriculteurs à l’économie de marché.

Offensive commerciale

Cette stratégie favorable aux plus pauvres s’accompagne d’une politique commerciale agressive. En effet, certains produits agricoles exportés par Madagascar ont acquis une bonne réputation à l’étranger. La crevette de l’île a obtenu le label rouge, tandis que sa vanille est jugée de meilleure qualité que celle des pays asiatiques. Le miel malgache a retrouvé la confiance de l’Union européenne, qui a mis fin à l’embargo décrété en 2011. Très prochainement, les produits d’élevage comme la viande seront admis sur le marché européen. Le crédit de catégorie supérieure (de 750 € à 50 000 €) peut être mis à profit par les jeunes start-up de l’agroindustrie voulant s’investir dans les filières porteuses. L’obtention de ce crédit important aidera ces dernières à rénover leur exploitation et leur ouvrira les portes de l’international.

Les start-up de l’agrobusiness doivent relever le défi de la qualité

Le crédit accordé par le programme Fihariana est sûrement utile mais non suffisant pour le décollage des start-up agricoles. La conquête des marchés extérieurs commande de relever plusieurs défis, dont la mise en conformité des produits aux normes internationales de qualité et d’hygiène. M. Tolotra, un gros apiculteur d’Antananarivo, se désole des exigences du marché : « les clients français ou belges acceptent d’acheter le litre à meilleur prix, mais ils refusent toute commande de moins de 500 l. De plus, les grands distributeurs font la fine bouche, martela-t-il. Ils réclament que le miel passe dans une miellerie agréée munie d’un extracteur en inox, un appareil qui coûte près de 1 750 € ».

John Mahrav