La pêche artisanale maritime africaine a connu des modifications importantes dans ses conditions d’exploitation. La flotte a augmenté de manière considérable depuis les années 1980. Les pirogues sont mieux équipées et peuvent évoluer loin des côtes. La pêche artisanale n’en souffre pas moins de nombreux handicaps.
Ainsi, au Sénégal, par exemple, le nombre de pirogues est ainsi passé 20 ans de 3800 à plus de 12600. Elles disposent aujourd’hui d’outils de navigations GPS et de sondeurs, évoluant sur de longues distances, au-delà des eaux territoriales, en Mauritanie et en Guinée Bissau, avec une grande adaptabilité, passant au gré des besoins de la ligne au filet.
Il n’en demeure pas moins que la pêche artisanale est confrontée à diverses difficultés qui contrarient son essor. Elle est particulièrement vulnérable à l’épuisement des ressources (comme l’effondrement des stocks de poissons, du mérou blanc, le thiof, au Sénégal. Les pêcheurs artisans sont confrontés à des évolutions qu’ils ne maîtrisent pas, dont la pollution marine. Ils ont peu ou pas accès au crédit et aux assurances, ce qui limite l’effort de pêche et la production. Ils subissent des pertes en raison des défaillances de la chaîne de froid et de la transformation des produits. Les problèmes de sécurité sanitaire souvent ne sont pas réglés alors que les normes d’exportation sont de plus en plus rigoureuses.
Mais le péril le plus grand qui menace la pêche artisanale reste celui que fait peser sur elle la pêche industrielle, souvent étrangère, européenne et asiatique. Cette forme de pêche, qui s’est beaucoup développée grâce au soutien des gouvernements africains et des projets de l’aide internationale, constitue une concurrence directe pour la pêche artisanale dans la mesure où elle a souvent lieu près des côtes, dans les zones réservées traditionnellement aux pêcheurs artisanaux. Elle exploite donc les mêmes espèces (la crevette en Guinée-Bissau, au Sénégal ou à Madagascar, le thon albacore au Cap-Vert, la bonite aux Seychelles). En outre, la cohabitation de ces deux types de pêche entraîne parfois la destruction des pirogues et des filets des artisans pêcheurs. Les conflits qui opposent les flottilles industrielles et artisanales sont fréquents. Si la solution paraît évidente (introduire, par exemple, des zones séparant l’utilisation des divers équipements, en particulier lorsque les stocks ne se déplacent pas), l’application est souvent problématique.
Face aux menaces qui pèsent sur les ressources halieutiques, des mesures d’encadrement du secteur sont prises. Si les pays qui ne pratiquent aucun contrôle sont encore nombreux, quelques pays – le Gabon et le Sénégal notamment – ont mis en place depuis les années 1980 une législation qui vise à réglementer les techniques et matériels de pêche, à imposer des saisons de pêche, à limiter l’intensité de la pêche industrielle par l’octroi de licences de pêche et à interdire la pêche industrielle dans certaines zones.
Quels accords ?
L’Union européenne est l’un des plus grands importateurs de produits de la mer. Près d’un quart du volume total des poissons pêchés par la flotte européenne est capturé hors de ses eaux. Une moyenne de 240 000 tonnes par an (surtout du thon et des crevettes) quitte ainsi chaque année les côtes africaines, principalement, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Sénégal et l’Angola, pour le marché européen. Pour ce faire, l’Union européenne a signé des accords de pêche favorables à ses flottes avec presque tous les pays côtiers d’Afrique, permettant à près de 300 navires européens de sillonner les eaux africaines. Ce pourcentage devrait augmenter puisque les stocks européens de poissons déclinent.
De leur côté, de nombreux pays africains tentent de mieux protéger leurs intérêts, en signant des accords s’inspirant des principes de la gestion durable, incluant en priorité la conservation des écosystèmes marins et des stocks de poissons, et en se fondant sur des éléments scientifiques pour permettre de pêcher les stocks excédentaires, prévenir la surpêche et promouvoir une surveillance efficace qui facilite la régénération des stocks. Dans cet esprit, certains pays signent désormais des accords de pêche dits de « deuxième génération ». Le premier fut signé entre le Sénégal et l’Union européenne. Les plus importants accords en vigueur, en termes de montants financiers et de quotas de pêche, concernent la Mauritanie, la Guinée- Bissau et les Seychelles.
Quelques pays comme la Namibie, conscients des conséquences nuisibles des accords de pêche, exigent des mesures pour favoriser la flotte et l’industrie locales. On parle d’accords de « troisième génération », quand les pays donnent ainsi la priorité à leurs flottes nationales et à une plus grande participation dans le traitement du poisson. D’autres pays, comme la Mauritanie, ont également décrété des périodes de repos biologiques pendant lesquelles la pêche dans les eaux territoriales est interdite. Cette pratique est supposée permettre aux poissons de se reproduire et d’assurer ainsi la pérennité des stocks halieutiques. L’idéal serait d’obtenir face à l’Union européenne une négociation en bloc des pays appartenant à une même écorégion. Cette perspective est notamment ouverte en Afrique de l’Ouest pour les pays de la Commission sous régionale des pêches (Mauritanie, Sénégal, Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau et Guinée).
Quelle politique ?
L’approche généralement préconisée est à présent plus systématique. Pour conduire un développement durable des ressources halieutiques, les mesures à prendre seraient au nombre de quatre :
- Disposer d’un dispositif scientifique (système d’information géographique, télédétection, cartographie) afin de définir les règles de l’aménagement marin côtier, de préciser les normes d’allocation des quotas et éventuellement de créer des aires protégées pour la pêche.
- Adapter la législation en tenant compte des pratiques traditionnelles et des spécificités locales.
- Conduire des actions sur les filières, de la prise à la commercialisation, avec un accent particulier accordé à la chaîne de froid.
- Organiser une gestion régionale. Les organisations régionales de gestion des pêches, qui mettent en commun l’information relative aux flottilles, peuvent jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. La coopération régionale en matière de suivi et de surveillance connaît depuis quelques années un développement significatif, avec des opérations menées conjointement par des pays membres de la Commission de l’océan Indien (IOC) et de la SADC en Afrique australe. Un plan d’action de la SADC contre la pêche illicite a été approuvé en 2010. L’Union africaine, par l’entremise du New Partnership for African Development (NEPAD), apporte son soutien à des initiatives similaires lancées par d’autres communautés économiques régionales en Afrique.