Comprendre les enjeux de l'agriculture

La renommée du quinoa (prononcer KEEN-WAH) n’est plus à faire. Souvent qualifié de superaliment, il est une pseudo-céréale appartenant à la famille de la betterave et des épinards.  Les milieux de la santé lui reconnaissent, depuis un certain temps, des bénéfices certains. Cependant, ces derniers n’ont retenu l’attention des médias que depuis quelques années, notamment lorsque les Nations-Unies ont décrété 2013, année du quinoa. Ce grain est particulièrement populaire chez les personnes  soucieuses de leur santé. Il compte de nombreux avantages dont sa richesse en protéines, en fibres, en vitamines diverses (B et E), en minéraux (calcium, potassium et phosphore) et divers antioxydants. L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et le groupe OCP conduisent des recherches approfondies sur cette plante apte à répondre au défi de la sécurité alimentaire sur le continent africain grâce, notamment, à sa résilience au changement climatique.

Le quinoa est cultivé depuis 7 000 ans par les populations andines. Aujourd’hui, la Bolivie est le principal producteur et exportateur de quinoa (70% du marché mondial). D’autres pays, comme le Pérou, l’Equateur, le Chili, l’Argentine et le Brésil, l’ont adopté.

Le quinoa a été introduit au Maroc en 1999 par l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II dans la région de Khénifra. Depuis, plusieurs initiatives ont vu le jour à travers tout le royaume. La plupart des producteurs se sont organisés en associations à l’image de   Chabab Lemkhlif pour le développement agricole » dans la région de Bouchane, d’ Amal Abda  dans la région de Safi,  de Tirssal dans la province de Khenifra et de l’association des cultures alternatives à Berrechid. Cette production locale a alimenté une croissance de la demande de quinoa au Maroc dont la consommation a atteint 308 tonnes en 2017,  dont 90% sont importées.  Cependant, la méconnaissance des qualités nutritionnelles de cette plante et son prix relativement élevé demeurent des freins majeurs à une plus forte consommation par les Marocains.

Outre sa valeur nutritionnelle élevée, le quinoa est très résistant aux stress abiotiques par rapport aux autres cultures. Il pousse à des altitudes aussi élevées que 4500 m au-dessus du niveau de la mer, résiste aux températures élevées, se développe en peu de temps avec aussi peu d’eau que 300 mm de pluie par an. Plus important encore, le quinoa supporte non seulement la salinité, mais certaines de ses variétés peuvent prospérer dans des sols très saumâtres. Il existe plus de 3000 variétés de quinoa dont tout le potentiel et la valeur nutritive n’ont pas encore été explorés. Toutes ses caractéristiques de plante résistante aux conditions arides font du quinoa une culture de choix pour le Maroc, pays dont l’agriculture dépend principalement des pluies.

Parallèlement à sa propagation mondiale, le quinoa a vu une augmentation rapide du nombre de centres de recherche et de centres d’expérimentation qui lui sont dédiés[1]. Une analyse des publications scientifiques des 30 dernières années permet de mettre en évidence les cinq sujets  d’importance pour les chercheurs :

  1. Nutrition et diététique (gluten ou saponines),
  2. Agronomie,
  3. Botanique, physiologie végétale et génétique
  4. Biotechnologie alimentaire
  5. Biochimie[1].

Lancement des premiers programmes de recherche

En collaboration avec l’International Center for Biosaline Agriculture (ICBA), basé à Dubaï, des chercheurs à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Benguérir et du groupe OCP ont lancé un programme de développement de la chaîne de valeur du quinoa dans le but d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés rurales de Rhamna (en périphérie de la ville de Marrakech). Le projet a pour objectif l’amélioration de la nutrition et du revenu des petits agriculteurs dans des zones marginales, notamment en les rendant moins vulnérable au changement climatique. Ce projet ambitionne aussi  d’introduire et disséminer des variétés de quinoa à tolérance élevée aux stress abiotiques et à forte productivité,  de stabiliser les rendements et de vulgariser les bonnes pratiques de production et de valorisation.

Financé par le Centre de recherches pour le développement international[3] (CRDI), ce programme cible la province de Rhamna, car 6000 familles d’agriculteurs y vivent sous le seuil de pauvreté, mais qui présente l’avantage de disposer déjà d’un embryon de chaîne de valeur du quinoa. L’objectif et l’ambition ultimes de ce programme sont l’introduction à grande échelle du quinoa, l’amélioration de ses  rendements à l’échelle nationale puis à l’échelle du continent africain.

Un projet sur le quinoa a été récemment initié par le Groupe OCP et l’UM6P. Une expérimentation pilote est actuellement menée par les équipes d’OCP qui ont introduit 7 variétés de quinoa dans la région d’El Youssoufia sur une superficie de 20 ha. L’objectif principal de ce projet est de développer les connaissances et les pratiques et d’éclairer la chaîne économique liée à la culture du quinoa au Maroc. Le défi de ce programme consiste dans l’adoption d’une approche systémique qui permettrait de  comprendre les impacts de plusieurs facteurs à différentes échelles sur les différents écosystèmes liés au quinoa. Ces facteurs concernent les composantes physico-chimiques et génétiques des différentes variétés de quinoa, les caractéristiques climatiques des régions, la fertilité du sol et les limitations affectant l’efficacité de l’irrigation. La compréhension de ces facteurs enrichira notre connaissance des pratiques et stratégies d’adaptation à adopter en agronomie et de la valorisation non-alimentaire du quinoa (développement de biostimulants, biopesticides et biofertilisants et  biocolorants).

L’Université Mohammed VI Polytechnique est une institution orientée vers la recherche appliquée et l’innovation et tournée vers l’Afrique, qui ambitionne de se placer parmi les universités mondialement reconnues dans ces domaines.

[1]Bazile D, Jacobsen S-E, Verniau A. The Global Expansion of Quinoa: Trends and Limits. Frontiers in Plant Science. 2016; 7:622.

[2]https://www.researchgate.net/publication/274376582_The_dynamics_of_the_global_expansion_of_quinoa_growing_in_view_of_its_high_biodiversity

[3] https://www.idrc.ca/fr

Auteur : Abdelaziz YASRI, PhD, MBA, en collaboration avec : Kamal EL KACIMI, PhD, Mohamed EL GHAROUS, PhD, Manal MHADA, PhD, chercheurs à L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).