La stratégie de MASCIR comme celle du Maroc se conjuguent pour exploiter un de nos atouts : 3500 km de côtes. Une évidence s’est imposée à nous : la mer est une source inépuisable de microalgues. Ces dernières sont des micro-organismes photosynthétiques qui ont des caractéristiques que l’on retrouve chez les bactéries et les plantes : les bactéries parce qu’elles se divisent rapidement et les plantes pour la photosynthèse. Les microalgues ont besoin d’assimiler du CO2 tout en exploitant de la lumière pour produire de la biomasse organique qui peut être valorisée dans plusieurs secteurs. La mise en œuvre de notre vision a commencé en 2010 par la création de notre collection de microalgues isolées du littoral Marocain.
Nous avons commencé par développer plusieurs processus de culture de ces microalgues en captant le CO2 et la production de la biomasse. Nous avons choisi plusieurs thématiques de valorisation de ces ressources, renouvelables car ce sont des ressources cultivables.
Nous disposons de tous les moyens nécessaires pour notre recherche : un centre de culture des microalgues, de nombreuses technologies de culture incluant des photobioréacteurs et des bassins de niveau laboratoires et pilote.
Au niveau laboratoire, nos photobioréacteurs produisent ces microalgues avant de passer à tout ce qui est processus pour la valorisation de ces bioressources. L’agriculture est la principale bénéficiaire de nos recherches.
Dans le contexte national, qui est celui d’un pays aride et semi-aride, nous devons relever plusieurs défis dont ceux de la rentabilité et de la durabilité. Le changement climatique nous contraint de nous intéresser aux stresses abiotiques et biotiques agricoles. Nous nous sommes donc fixés comme tâche de valoriser ces micro-organismes pour développer de nombreux produits pour l’agriculture, principalement les biostimulants et les biopesticides.
Les microalgues sont des ressources renouvelables inépuisables
Les biostimulants sont des produits qui améliorent la résilience de la plante à un environnement hostile, à la salinité et aux températures extrêmes. Ils stimulent aussi la croissance de la plante et l’assimilation des nutriments en en améliorant le rendement. Nous avons, en effet, un problème de rendement au Maroc. De ce point de vue, nos résultats sont très probants.
Nos recherches portent aussi sur la contribution des biostimulants à la lutte contre les effets néfastes de la sécheresse sur les plantes. Le stress biotique n’est pas la moindre de nos préoccupations. Le changement climatique provoque la prolifération des pathogènes, des bactéries et des virus. Nous sommes en train de développer des produits à base de microalgues pour stimuler l’immunité des plantes contre ces maladies.
En sus d’être une ressource renouvelable, ces microorganismes absorbent beaucoup de CO2. Le plus important concernant ces micro-organismes est qu’ils constituent une ressource renouvelable tout en absorbant de grandes quantités de CO2. La conversion de ce CO2 industriel en biomasse dépend de plusieurs facteurs. En moyenne, avec deux tonnes de CO2 nous arrivons à produire une tonne de biomasse.
La conversion du CO2 en biomasse présente de nombreux avantages en matière d’empreinte carbone. En premier lieu, elle contribue à la réduction de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En deuxième lieu, la biomasse stocke le carbone sous forme de matière organique utilisable pour la production d’énergie renouvelable, entre autres. En troisième lieu, l’utilisation de la biomasse comme engrais organique améliore la qualité du sol.
Cultivables, les ressources renouvelables nécessitent l’utilisation directe de l’eau de mer et du CO2 industriel. Leur développement ne se fait donc pas au détriment des ressources d’eau douce et elles n’exploitent que les terrains non-arables. En bref, elles ne privent l’agriculture ni d’eau douce ni de terres arables
Au Maroc, ces ressources renouvelables permettent de récupérer des terrains non arables à l’abandon pour des raisons de salinité. Les terrains victimes de la désertification sont exploités pour cultiver des microalgues en utilisant l’eau de mer et le CO2 industriel.
Ces microalgues ont une croissance très rapide, plus rapide même que celle des plantes terrestres. Nous disposons ainsi de ressources quasiment inépuisables et d’applications industrielles de ces ressources des plus variées.
Applications industrielles de la biotechnologie des microalgues
Utilisés par l’agriculture, les techniques de protection de l’environnement et l’industrie agroalimentaire les microalgues conviennent aussi bien aux humains qu’aux animaux. Des recherches sont en cours pour en faire des colorants naturels ou en extraire des anti-oxydants. Ces immenses progrès se font à un moindre coût car ils ont recours à des ressources disponibles en grandes quantités et quasi-gratuites : eau de mer, CO2, terrains non arables.
Les recherches sur les microalgues ont commencé à une période relativement récente, une vingtaine d’années. Elles ont été menées en laboratoire pendant une quinzaine d’années avant de passer à la phase applications industrielles.
Nous avons créé une startup du nom de TECALGA. Cette société a pour mission la production et la commercialisation des produits de base de destinés à l’agriculture. Nous échangeons, parallèlement, avec d’autres investisseurs en vue de l’application de ces technologies à l’alimentation humaine et animale, à la cosmétique et au développement des produits pour l’industrie agroalimentaire.
L’application industrielle des technologies dérivées des microalgues se développe rapidement au niveau mondial. Pour le seul Maroc, plusieurs sociétés qui cultivent les microalgues, principalement pour l’alimentation humaine. Sont également explorées l’utilisation des microalgues en médecine, dans les sciences de l’environnement et en bioénergie.
Cependant quelques sociétés, à l’instar de Tecalga, s’intéressent principalement aux applications agricoles des microalgues. Des biostimulants de base sont validés et prêts pour la commercialisation. Nous préparons avec un investisseur l’industrialisation des produits dans notre laboratoire.
En ce qui nous concerne nous développons des applications à faible coût adaptés aux besoins du Maroc. Nous bénéficions d’un atout non négligeable : un climat et des conditions idéales – soleil et eau de mer sur 3 500 km – pour la culture des algues et leur transformation. Ces conditions nous ont permis de passer à une production industrielle à faible coût. Forts de cet avantage, nous avons été parmi les premiers au monde à produire des biostimulants à base de microalgues. Aujourd’hui, nous sommes imités par de nombreux pays.
Biostimulants et biofertlisants sont de nature différente
Il est important de garder à l’esprit que l’univers des microalgues est riche de milliers, de millions d’espèces. La biodiversité des microalgues est très riche. Chaque espèce est particulière. Nous sélectionnons celles des espèces qui correspondent à nos besoins avant de passer à la formulation des produits finis conformes aux besoins des plantes.
Nous avons ainsi développé des produits standards adaptés à plusieurs types de plantes. Nous avons, en particulier, sur un spectre assez large de cultures tel que les tomates, les poivrons, les fruits rouges (myrtilles, framboises…) et les arbres fruitiers. Nous avons testé nos biostimulants sur tous les arbres fruitiers marocains et les cultures de champs dont le blé, l’orge et les légumineuses. Nos deux produits se prêtent à une utilisation universelle.
Il est important de souligner la différence entre fertilisants et biostimulants. Les fertilisants sont destinés à la nutrition des plantes. Ils apportent aux plantes l’azote, le phosphore et le potassium dont elles ont besoin. En matière de biofertilisants, nous commençons par sélectionner des espèces riches en NPK (Azote, phosphore, potassium). Nous développons ensuite une formulation qui respecte les normes qui permettent de les considérer comme des fertilisants organiques.
Les biostimulants, eux, ne concernent pas la nutrition ; ils sont constitués de molécules qui stimulent la plante elle-même pour lui permettre de s’adapter à son environnement, d’assimiler au mieux les fertilisants, de résister à la sécheresse, à la salinité et au stress biotique provoqué par les phytopathogènes.
L’application des biostimulants se fait dans les champs sur tous les types de culture, y compris les cultures à haute valeur ajoutée dont les légumes et fruits. Les biostimulants s’appliquent sur des terrains fertiles pour en accroître le rendement et en améliorer la durabilité. Leur rôle est très important parce qu’il réduit au strict minimum le recours aux inputs chimiques – surtout les pesticides – et qu’il maximise la performance des fertilisants. Le biostimulant est, finalement, un complément du fertilisant dont il améliore considérablement l’assimilation par les plantes. Donc, la cible des biostimulants, ce sont à la fois le sol, la microflore du sol et la plante. Lorsque ces dernières sont cultivées dans des conditions défavorables telles que la salinité ou la sécheresse, elles ont besoin de compléments pour survivre et croître. Voilà pourquoi, la plupart des biostimulants actuels peuvent être considérés comme des armes antistress.
Le changement climatique produit beaucoup de stress : stress par les températures extrêmes, stress hydrique, stress par salinité et stress biotique provoqué par les phytopathogènes.
Biostimulants et biofertilisants sont des produits organiques. Ils sont l’avenir de l’écologie agricole. La biotechnologie des microalgues est la biotechnologie du présent et de l’avenir.
Biofertilisants et engrais chimiques
Peut-on dès lors affirmer que les biofertilisants sont appelés à remplacer les fertilisants minéraux ? Je ne pense pas qu’ils remplaceront les fertilisants chimiques dont ils demeurent un complément. L’Afrique, par exemple, a d’immense problèmes de fertilisation des sols. Seuls les fertilisants chimiques peuvent répondre à ses besoins. Les biofertilisants peuvent y être utilisés en synergie avec les engrais minéraux, corriger certaines dysfonctions du marché des intrants. La course à l’accroissement des rendements exige le recours à tous les types de fertilisants tout en réondant, du mieux possible, aux impératifs de durabilité.
Les biofertilisants et les biostimulants sont compatibles avec ce qu’on appelle l’agriculture de conservation du sol (ACS). Ils ne sont pas disruptifs. Ils ne perturbent pas le fragile équilibre naturel des sols. Leur composition 100% biologique fortifie la microflore de l’écosystème et l’enrichit en matière organique. Les biofertilisants améliorent la fertilité des sols et protègent leur écosystème et leur biodiversité.
Les biostimulants, eux, agissent aux deux niveaux du sol et la plante. Il est deux façons d’appliquer les biostimulants. La première, l’application foliaire agit directement sur les plantes pour produire des effets rapides. La seconde, l’application par irrigation agit sur les racines des plantes et la microflore du sol. Les méthodes d’application des biostimulants sont flexibles. On peut les pulvériser directement ou par drone. L’application par irrigation peut aussi se faire par la technique du goutte à goutte. Enfin les biostimulants se prêtent à un mélange avec d’autres produits.
Amélioration des rendements de 15 à 30%
L’efficacité des biostimulants et biofertilisants est mesurable. Nous l’avons mesurée. La comparaison avec les récoltes utilisant des produits conventionnels dépend évidemment des cultures et des environnements. D’une façon générale, les résultats de nos tests et de nos mesures indiquent que l’utilisation de nos intrants produit des gains en rendement de 15 à 30%. C’est appréciable.
J’irai plus loin. Les biostimulants et biofertilisants ne contribuent pas uniquement à l’amélioration des rendements. Ils contribuent aussi efficacement à la remédiation de la dégradation des sols. Pour être exact, ils peuvent contribuer à la récupération des sols dégradés.
La biotechnologie algale appliquée à l’environnement
Outre les recherches directement liées à l’agriculture comme la mise au point de biofertilisants et de biostimulants, la recherche en biotechnologie végétale de MASCIR est très active dans le domaine de l’environnement.
La Fondation MASCIR et ses équipes de recherche ont développé un bioprocédé à base des microalgues, qui permet la biorécupération des nutriments des eaux usées par des souches de microalgues et production de biomasse.
Les résultats obtenus après le traitement grâce aux microalgues sont significatifs notamment au niveau de la récupération de l’azote et de phosphore dans les eaux usées.