Comprendre les enjeux de l'agriculture

Le monde produira 18,36 Mtéc ( Millions de tonne équivalent carcasse) de viande ovine en 2030 dont 4,33 Mtéc en Afrique. La production mondiale aura alors progressé de 2,5 Mtéc mais les échanges commerciaux (1,18 Mtéc) stagneront. Dans chacun des pays éleveurs d’ovins viande, les quantités de viande disponibles supplémentaires couvriront la hausse de le consommation.

Une nouvelle maladie infectieuse, à 75% d’origine animale, apparaît tous les huit mois dans le monde. Elle modifie le fonctionnement des marchés de la viande. Le continent africain n’est pas épargné.

 

Cette année, synchronisation des calendriers religieux ! Les fêtes de Pâques juives et chrétiennes et le Ramadan, se sont déroulés au mois d’avril. Ces événements sont traditionnellement des périodes fastes pour la consommation de viande ovine. Mais l’augmentation continue et importante des prix, observée depuis plus d’un an, a dissuadé de  nombreux consommateurs d’en acheter.

En France, le cours de l’agneau n’a jamais été aussi élevé. En moyenne sur le mois de décembre, il s’établit à 8,55 €/kg, soit 52 cts de plus qu’il y a un an (+ 1,57 € par rapport à la moyenne quinquennale), selon le ministère de l’agriculture.

Des hausses de prix similaires ont été observées dans tous les pays de l’Union européenne producteurs d’ovins .Dans les pays où la production ovine est ouverte à la concurrence (l’Union européenne, la Chine, certains pays moyen orientaux), le moteur de cette inflation est une offre de viande néozélandaise et australienne réduite. Sortie de son confinement, la Chine va accroître ses importations de viande.

 

Retrait de l’Océanie

L’Union européenne ne redoute plus les importations océaniennes comme par le passé.

Comme la Chine absorbe la majorité de la viande expédiée de Nouvelle Zélande, le marché européen devient une destination mineure même si l’an passé les exportations avaient progressé de 22 % sur an.

En fait, l’ile a redécouvert le marché européen car elle ne parvenait pas à écouler autant de viande vers la Chine qu’en 2021, confrontée à une crise sanitaire qu’elle peinait à gérer.

Mais toutes destinations confondues, ses exportations ont diminué de près de 5 % l’an passé

Par ailleurs, ses producteurs privilégient la production de lait de vache aux dépens de l’élevage ovin. Aussi, le pays exporte 12 % à 14 % de moins de viande que l’année passée, toutes destinations confondues selon l’Idele.

En Australie, « les abattages d’agneaux se sont effondrés entre 2020 et 2021. Ils ont été divisés par deux à 10,3 millions de têtes », selon l’Idele. Par ailleurs, les abattoirs sont confrontés à des pénuries de personnel.

Enfin, l’évolution des prix des ovins viande est de plus en plus corrélée à celle des prix des autres viandes. En Chine, la crise de la peste porcine et la baisse de la production de viande porcs qui en a découlé, a conduit les consommateurs à se porter massivement vers d’autres produits carnés dont les prix ont fortement augmenté.

 

Au Moyen Orient et en Afrique

Dans le bassin méditerranéen, l’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Israël importent massivement des animaux, vivants de préférence. « Mais pour s’approvisionner, ces pays moyen-orientaux jouent dorénavant la carte de la proximité, explique Jean Paul Simier, économiste au Crédit Agricole. La Roumanie expédie 1,6 million d’ovins vivants vers la Jordanie et l’Arabie saoudite. L’Espagne et le Portugal exportent aussi 1,2 million de têtes vers la Lybie, l’Israël, la Jordanie et l’Arabie saoudite ».

Dans leur ensemble, les vingt-sept pays de l’Union européenne exportent 3 millions d’animaux par an vers les pays tiers, essentiellement vers le bassin méditerranéen.

Dans le même temps, « seul un million de moutons vivants sont expédiés d’Australie vers le Moyen Orient, selon l’Organisation de coopération et de développement agricole (OCDE). Or il y a trente ans, il s’en vendait trois fois plus, souligne Jean Paul Simier. Mais le transport d’animaux vifs sur de très longues distances est fortement réprouvé car pendant le trajet, les bêtes sont soumises à de mauvais traitements».

Les pays du Maghreb sont totalement centrés sur leur marché intérieur: les moutons consommés étant des moutons élevés par leurs paysans. Au regard des quantités produites, les échanges commerciaux d’animaux et de viande entre pays sont quasi-inexistants.

L’Egypte produit 82 000 Mtéc de viande ovine et elle n’en importe zéro tonne.

Aussi les prix des animaux auxquels sont vendus les moutons dans les pays maghrébins sont peu corrélés aux cours mondiaux.

Les gouvernements protègent leur marché intérieur car ils souhaitent maintenir une activité d’élevage dans les régions rurales reculées.

 

Une viande de plus en plus chère

Au cours de la prochaine décennie, les cours mondiaux de viande ovine devraient continuer à progresser, selon l’OCDE. Parmi l’ensemble des produits carnés, la viande ovine serait même la seule viande dont les  prix augmenteraient significativement car la Nouvelle Zélande  et l’Australie poursuivront leur retrait sur les marchés de l’export. Par ailleurs, le potentiel d’expansion de l’élevage est limité.

D’ici 2030, la production ovine océanienne ne progresserait que de 64 000 tonnes et atteindrait 1,23 million de tonnes équivalent carcasse (Mtéc). Elle augmenterait en Australie de près de 90 000 téc pour atteindre 796 000 téc mais elle régresserait de 23 000 téc en Nouvelle Zélande (437 000 téc). La concurrence entre les productions de viande ovine et de lait de vache sera encore plus forte au cours des dix prochaines années mais la pression environnementale limitera les velléités expansionnistes des éleveurs néozélandais.

A l’échelle mondiale, les échanges commerciaux de viande ovine ne seront pas les moteurs de la croissance de la production au cours des dix prochaines années. Estimés à 1,18 Mt, ils demeureraient quasiment inchangés. D’ici 2030, l’Océanie ne serait en mesure d’exporter qu’à peine 60 000 téc de viande ovine par an et les autres bassins de production se replieraient sur leurs marchés intérieurs.

La viande ovine produite en plus dans le monde au cours des dix prochaines années (+2,5 Mtéc) sera destinée à approvisionner les marchés intérieurs des pays éleveurs d’ovins viande.

En Afrique, la production progresserait de 930 000 téc d’ici 2030 pour atteindre 4,33 Mtéc. Sur le continent africain, l’élevage ovin valorise très bien les aires de pâturage extensif.

Mais le continent sera toujours autant absent de la scène internationale que par le passé. A peine 40 000 téc seront exportées ou importées chaque année d’ici 2030.

Toujours en Afrique, la viande consommée en 2030 sera ovine à 19 % alors qu’à l’échelle mondiale, elle n’excèdera pas 5 %.  Le continent africain s’appuiera sur la filière ovine pour accroître sur son sol sa production de viande. Mais cela ne suffira pas pour renforcer sa sécurité alimentaire. Confrontés à une forte croissance démographique, les pays africains importeront massivement de la viande de poulet.

En 2030, l’Asie et le Moyen Orient concentreront les deux tiers de la viande ovine produite en plus dans le Monde (1,5 Mtéc sur 2,5 Mtéc). La Chine demeurera le premier pays producteur au monde de viande ovine (5,5 Mtéc ; +0,7 Mtéc par rapport à 2021). Mais l’empire du milieu restera structurellement importateur net de viande ovine. Il concentrera un quart des échanges commerciaux de viande ovine (373 000 téc sur 1 185 000 téc).

En 2030, l’Union européenne à Vingt-sept produira (jusqu’à 628 000 téc/an ; -9 000 téc) et importera (151 00 téc/an; -14 000 téc) chaque année moins de viande ovine qu’en 2021. A contrario, elle en exportera un peu plus (65 000 téc ; + 9 000 téc). Aussi, son déficit (86 000 téc) sera réduit à l’horizon de 2020 de 22 000 téc/an. Mais Outre-Manche, le Royaume uni sera d’ici dix ans, importateur net (jusqu’à 23 000 téc/an) alors qu’il était historiquement excédentaire.

 

Les maladies font la loi sur les marchés des produits animaux

La loi de l’offre et de la demande régit le fonctionnement économique des filières animales et des produits animaux. A l’international, les marchés de l’export sont portés dans chaque filière par un nombre restreint de pays producteurs organisés pour exporter. Dans la filière laitière, on en dénombre six (cinq sans la Biélorussie). Mais le fonctionnement des marchés des produits carnés et des produits laitiers est aussi très lié à l’émergence d’une épizootie qui survient « sans prévenir ».

« Elle décime d’abord les cheptels domestiques, causant des pertes importantes pour les éleveurs, explique Jean Paul Simier, économiste au Crédit agricole. Ensuite l’épizootie chamboule l’ensemble des échanges commerciaux en créant des excédents et un effondrement des prix dans les pays victimes de l’épizootie, où les produits sont bannis».

Alors que dans le même temps, des pénuries apparaissent dans les pays à l’origine du boycott, la demande ne faiblissant pas. A chaque résurgence de l’épidémie de la peste porcine en Chine, l’équivalent de la moitié de la production mondiale de porcs est perdu. Et le reste de la planète est incapable de produire les quantités de porcs nécessaires pour approvisionner le marché chinois. Si bien que les prix de la viande porc flambent.

 

Une nouvelle épidémie tous les six mois

Dans le même temps, l’ensemble des autres filières animales (ovine, bovine, avicole etc.) est mobilisé pour approvisionner l’empire du milieu, entrainant dans la foulée une hausse des cours qui se propage sur tous les continents.

En France, plus de 16 millions de volailles suspectées ou atteintes de la grippe aviaire ont été supprimées. Les dégâts et les pertes occasionnés sont alors spectaculaires. On ne compte pas les producteurs victimes qui jettent l’éponge et qui renoncent à relancer leur activité. Et dans le même temps, les prix des volailles augmentent, des prix par ailleurs renchéris par la hausse des cours des céréales.

Depuis 25 ans, Jean Paul Simier est le rédacteur des chapitres consacrés aux productions animales du Cyclope – Les marchés mondiaux (1). Et chaque année, il rédige un article dans lequel il fait le point de la prise en charge des épizooties.

« Année après année, elles impactent de plus en plus le fonctionnement des marchés, observe t-il. Par ailleurs, la crise de la Covid 19 rappelle que la frontière entre le règne animal et humain est ténue ». De nombreux virus et bactéries se transmettent de l’animal à l’homme et lorsqu’ils circulent, ils s’affranchissent des frontières.

« La pandémie mondiale du Covid-19, après l’alerte de la grippe aviaire H5N1 en 2003, illustre une fois de plus les liens possibles entre santé humaine et animale », souligne Jean Paul Simier. Dans certains cas, les questions sanitaires font aussi partie de la batterie de barrières douanières non tarifaires imposées par des pays importateurs pour protéger leur marché intérieur de la concurrence.

 

Le continent africain

Pendant la crise de la vache folle, la France n’a pas pu exporter de bovins viande pendant des dizaines d’années en Chine ou vers certains pays méditerranéens.

« Basé à Paris, l’Office International des Epizooties estime que le monde est aujourd’hui face à un impact et à une extension des zoonoses, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, explique Jean Paul Simier. L’organisation recense 117 maladies animales faisant l’objet d’un suivi international (maladies ayant des conséquences sanitaires et socio-économiques graves).

« Selon le Livestock Research Institute, une nouvelle maladie infectieuse ,à 75% d’origine animale,  apparaît tous les huit mois dans le monde,», rapporte encore Jean Paul Simier. L’Afrique n’est pas un foyer de nouvelles maladies très intense. Elles émergent souvent dans les pays où se conjuguent des densités humaine et animale très fortes, en Asie notamment.

Il est vrai que le continent africain est moins densément peuplé que certaines régions du globe et l’élevage pratiqué  y est extensif. Les animaux élevés sont très bien adaptés aux conditions climatiques. En fait, ils redoutent plus le manque de nourriture et la soif que la maladie!

Evidemment, l’Afrique abrite des foyers d’épidémies endémiques. Citons par exemple, la peste des petits ruminants (ovins et caprins). « On déplore aussi toujours des foyers sporadiques de fièvre aphteuse en Afrique du Sud, en Namibie, Zambie, Zimbabwe, Tunisie, souligne Jean Paul Simier. La fièvre de la vallée du Rift est dorénavant identifiée au Sénégal où sont aussi détectés des cas de tuberculose bovine, de grippe équine, de rage ou encore de tremblante du mouton ou ‘’scrapie’’ ». En fait, on ne dispose pas de suffisamment d’informations pour se rendre compte les dégâts qu’occasionnent ces épidémies.

Par ailleurs, le continent africain n’a pas été épargné par les épidémies originaires d’autres continents. Au Sénégal, la grippe aviaire a affecté des élevages.   En France et dans les pays occidentaux, les épidémies et leurs conséquences économiques renforcent le manque d’attractivité des filières auprès des jeunes générations. Les éleveurs ne sont pas suffisamment protégés quand survient une épidémie dans leur troupeau.

Toujours en France, on ne compte pas le nombre d’élevages éradiqués dès que survient un cas de tuberculose. Des producteurs confrontés à une telle situation perdent tout et doivent attendre des mois avant d’être indemnisés.
En conséquence, la gestion des épizooties dissuade les jeunes de s’engager et de reprendre des troupeaux, effrayés par l’idée d’être confrontés à une épidémie durant leur carrière.

 

Pour consulter la nouvelle édition « Cyclope – les amrchés mondiaux », contacter [email protected]