Comprendre les enjeux de l'agriculture

Des risques liés à la résistance grandissantes aux antimicrobiens pèsent sur la santé des hommes et sur le système de production alimentaire. Devant l’insuffisance des initiatives politiques ou industrielles, la FAO a créé le Groupe de direction mondial dont la vocation est de mutualiser les connaissances et coordonner les actions de lutte contre cette résistance à travers le monde. Cette instance rassemble des représentants des États, des organismes de recherche, de la société civile et des acteurs du secteur privé dont l’objectif est d’apporter un cadre commun dans l’élaboration des futures politiques nationales, notamment en faveur d’un usage plus durable des antibiotiques. Présidée par des représentants des gouvernements du Bangladesh et de la Barbade, l’instance a reçu Qu Dongyu, directeur général de la FAO, à l’occasion de sa sixième session.

La lutte contre la résistance aux antimicrobiens comprend plusieurs volets : recherche, développement, surveillance, rôle des acteurs et financement.

En premier lieu, c’est le secteur agroalimentaire qui est scruté. Il représente le principal levier d’action en termes de transition concernant l’utilisation des antimicrobiens. Après la pandémie, la majorité des États a choisi de transformer son système agroalimentaire, la FAO souhaite que cette transition intègre la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

La feuille de route de ce groupe de travail est établie pour les 10 prochaines années, l’objectif est de réduire et de mieux cibler l’usage des antimicrobiens dans l’activité humaine en favorisant l’information et la formation des utilisateurs.

Le Groupe de direction mondial s’est également équipé d’une plateforme de surveillance mutualisée, enrichie au fur et à mesure des différentes réflexions sur le sujet. Le prochain rendez-vous se déroulera du 24 au 26 juillet 2023, à Rome, à l’occasion de la présentation des résultats du Programme d’accélération agroalimentaire en faveur des ODD.

Au-delà de la santé humaine, la résistance aux antimicrobiens impacte aussi la faune et la flore. Les bactéries, parasites et champignons soumis à un usage abusif des traitements antimicrobiens par l’homme développent une résistance à ces derniers et menacent plus fortement l’écosystème environnemental. L’intensification des traitements antimicrobiens s’accompagne d’autres éléments polluants pour la faune microbienne, comme les métaux lourds.

Les pays en voie de développement sont les plus touchés par ce phénomène avec un risque de mortalité et de pénurie alimentaire plus élevé.

InFarm, une surveillance à l’échelle mondiale

La FAO a lancé son système international de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, le International Antimicrobial Resistance Monitoring (InFARM).

Ce dispositif de surveillance appuie sa stratégie sur une normalisation de la collecte, de l’échange et de l’analyse de données sur le plan mondial pour contribuer à une lutte plus efficace contre la résistance antimicrobienne. L’objectif est de fournir aux pays membres une data fiable pour les deux axes de connaissance :

  • État de la résistance aux antimicrobiens (RAM) ;
  • Usage des antimicrobiens sur les cultures (UAM).

L’initiative, regroupée sous l’appellation Tripartite Integrated System for Surveillance on AMR and AMU (TISSA), comprend le soutien aux pays pour une meilleure organisation de la collecte de données, une mise à disposition publique de celle-ci et une montée en compétence sur l’usage des antimicrobiens. Les données concernent majoritairement des informations à caractère scientifique.

La FAO veille aussi à la récupération de données issues d’autres initiatives comme les divers plans de surveillance nationaux ou les autres programmes de la FAO en lien avec le sujet. Il s’agit d’organiser une base de connaissances la plus exhaustive possible.

L’outil, encore en cours de déploiement, garantit la confidentialité des données en proposant deux interfaces, l’une librement accessible, l’autre par un accès privé. Le partage se fera donc soit publiquement, soit au sein d’un groupe privé composé de membres préalablement désignés dans le pays et autorisés par l’administrateur de la plateforme.

Renofarm, rationaliser l’usage des antimicrobiens

L’utilisation croissante des antimicrobiens se concentre sur l’élevage, 70% de la viande destinée à la consommation a subi un tel traitement. La pression sur la demande en protéine animale devrait intensifier l’usage des antimicrobiens et donc la résistance des microbes.

En novembre dernier, à Oman, le Directeur général de la FAO a rappelé les recommandations du Comité de l’agriculture de la FAO (COAG) favorable à un usage plus durable des antimicrobiens dans l’agroalimentaire, plus spécifiquement dans l’élevage. Fondé en 1971, ce comité regroupe 130 États membres qui se réunissent tous les deux ans et contribuent à l’établissement des stratégies en matière d’élevage, d’agriculture, de sécurité alimentaire, de nutrition, de développement rural et de préservation des ressources naturelles.

La FAO s’engage à accompagner le secteur agroalimentaire dans une évolution des mentalités et des usages pour réduire les besoins en traitement antimicrobien, conformément aux ODD et à l’Agenda 2030. Elle a lancé une initiative pour la prochaine décade (2023-2033), “Réduire les besoins en antimicrobiens dans les exploitations agricoles” (RENOFARM).

Les membres se verront accompagnés dans leur transition conformément au Manifeste de Muscat signé en novembre dernier à Oman par une cinquantaine de pays : Algérie, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Chypre, Égypte, France, Inde, Indonésie, Irlande, Italie, Jordanie, KSA, Koweït, Liban, Libye, Malaisie, Malte, Maroc, Mauritanie, Pays-Bas, Nigeria, Oman, Palestine, Philippines, Qatar, Russie, Somalie, Espagne, Afrique du Sud, Soudan, Syrie, Suède, Suisse, Thaïlande, Tunisie, UAE, Yémen.

La réduction de l’usage des antimicrobiens est spontanément mise en œuvre par certains membres pour des questions environnementales, mais aussi pour des questions économiques, notamment dans les pays en voie de développement où les agriculteurs n’ont pas les moyens de protéger leurs champs ou leurs élevages.

A travers Renofarm, la FAO réaffirme sa volonté de réduire l’usage des antimicrobiens en stimulant la quête d’alternatives durables par le biais de solutions innovantes issues de la recherche et de partenariats public-privé.

La finalité est une production améliorée, une nutrition plus sûre, un écosystème environnemental préservé et globalement une qualité de vie supérieure pour les populations. Les États pourront référencer les meilleurs pratiques sur tous les volets :

  • Exploitations agricoles ;
  • Programmes de vaccination ;
  • Protocole de surveillance sanitaire.

L’initiative Renofarm est aussi une opportunité d’intégrer les acteurs agroalimentaires dans la lutte contre les risques sanitaires, au côté des pouvoirs publics et de la communauté scientifique.

L’objectif est de soumettre les traitements antimicrobiens à l’autorisation de référents experts pour réduire de 30 à 50% leurs usages agroalimentaires et viser le « zéro antimicrobien » pour les hommes, les animaux et le végétal d’ici quelques années.

Renofarm s’appuie sur la base de données Animal antiMicrobial Use (ANIMUSE), elle rassemble une centaine de pays participants qui ont adhéré volontairement à cette initiative et qui ont intégré dans leur plan d’action nationale un volet sur la résistance aux antimicrobiens.

Le financement reste un frein à la réalisation des objectifs. La dernière enquête FAO sur la capacité des membres à lutter contre la résistance aux antibactériens a établi que seuls 20% disposaient des moyens propices à la mise en œuvre de leur plan d’action. Avec Renofarm, la FAO espère atteindre un taux de 60%.

Le projet prévoit aussi de former 50% des acteurs de la santé animale ou végétale (vétérinaires, consultants de l’agriculture…) pour accélérer la transition des exploitations agricoles.

Source : FAO