Comprendre les enjeux de l'agriculture

Source : restitution de l’étude pilote Comptabilité en triple capital, site web Fermes d’avenir

Cette nouvelle approche comptable a montré son intérêt pour l’agriculteur (pour mieux budgéter ses actions de maintien du capital naturel, pour suivre l’évolution de sa ferme), pour le financeur éventuel (robustesse, valeur de la ferme).

Elle pourrait aussi, idéalement, servir dans l’avenir de base à une fiscalité incitative favorisant l’investissement en capital naturel et humain par des agriculteurs pratiquant une agriculture réellement durable et bénéfique à l’agriculteur comme à la société dans son ensemble.  La piste d’une révolution comptable (et donc de l’évolution des référentiels en comptabilité d’entreprise et comptabilité publique), permettant une économie viable et durable, a été également présentée en colloque à l’Assemblée Nationale à Paris.

Prospective autour des systèmes agraires

Dans la section précédente, nous avons dessiné un scénario envisageable de transformation des systèmes agraires peut-être compatible avec l’ère du dépassement des limites planétaires, avec une dominante agroécologique, un usage subtil des technologies, un changement de boussole de décision et d’investissement allant donc de pair avec un changement de vision (et d’organisation) dans le jeu d’acteurs.

Il s’agit, comme toujours en prospective, ni d’une certitude, ni du scénario le plus probable, mais d’un scénario parmi d’autres envisageables.

Aussi nous dédions cette section à une discussion sur ce que la prospective peut nous apprendre pour la transition des systèmes agraires.

Distinguons dans un premier temps deux univers de la prospective : celui de la prospective du présent – qui se fonde sur les nouvelles tendances, les signaux faibles, les besoins exprimés et latents des acteurs actuels ; celui de la prospective du moyen terme – qui vise le plus souvent à construire des scénarios pluriels (quantifiés ou non) d’un système donné/sur une thématique donnée.

Ces scénarii sont souvent volontairement très contrastés, ils sont élaborés en consultant des praticiens, experts, clients, parties prenantes, en se fondant sur des publications, en listant les variables clés du système et leurs évolutions envisageables.

Le travail de probabilisation de scénarios prospectifs est plus rare, et toujours critiquable : on obtient en sortie du modèle ce qu’on a mis en entrée. Dit autrement, si l’on omet une variable clé en entrée du modèle, on obtient parfois un scénario supposé très probable mais qui ne se produira pas.

Destinée aux experts, aux décideurs publics et privés, la prospective souffre aujourd’hui de plusieurs maux : la rapidité des changements (technologiques mais pas seulement) rend l’exercice très délicat ; les budgets et le temps alloué à une prospective approfondie baissent régulièrement – alors même que notre monde est volatil, à risques croissants ; les décideurs publics ne considèrent presque pas (ou plus) le moyen et long terme, et les décideurs privés selon qu’ils envisagent une logique patrimoniale, prudentielle, de robustesse ou qu’ils répondent à des exigences de rentabilité court terme, ne sont pas toujours prêts à considérer ce que serait le système global dans lequel leur entreprise (ou leurs investissements) vont évoluer dans les vingt ans.

Or, une transition de systèmes agraires ne peut s’envisager que dans le temps long. Tout d’abord car le temps de l’agriculture est assez largement celui du vivant et du végétal : temps de régénération d’un sol vivant et plus largement d’un écosystème naturel « exploité », de croissance d’un système agroforestier… et celui de l’humain : acquisition de nouvelles pratiques et savoir faire – quelques années à quelques générations parfois nécessaires, changement de pratiques alimentaires, voire de répartition des populations (producteurs, consommateurs).

Cette « lenteur » (toute relative à l’échelle des temps géologiques) est heurtée de plein fouet par la vitesse de l’anthropocène que nous avons décrit.

Aussi nous pouvons ici recenser quelques travaux de prospective autour des systèmes agraires, qui ont l’intérêt de lister les variables, les possibles, mais sans doute pas les « scénarii » probables – à trois échelles : France, Europe, Monde.

A l’échelle du système agraire France, le travail de prospective et de scénarios de transition le plus connu est celui réalisé par le cabinet Solagro dans le cadre de son programme AfTerres 2050.

Fondé sur MoSUT, une matrice de modélisation de l’usage des terres, il permet de dessiner plusieurs scénarios couplés d’offre (production – avec une tendance vers bio, agroécologie, réduction des imports et intrants) et de demande (avec la composition différentes « assiettes » durables et/ou santé pour les Français en 2050, plus ou moins riches en viande, protéines végétales…), tout en conservant une dimension export (balance commerciale, échanges notamment Europe-Méditerranée).

Ce travail propose plusieurs scénarios : un tendanciel (BAU), un SAB (santé, biodiversité) et un REP (résilience, production). Il tente de mettre en cohérence des objectifs écologiques (climat, usage des sols, consommation d’énergie, biodiversité) et humains (santé) avec un pragmatisme économique (viabilité et revenus des fermes, emplois agricoles, réduction des pertes sur la chaine de valeur, pouvoir d’achat des ménages).

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