Les prévisions établies par le conseil international des céréales annoncent une offre mondiale de blé déficitaire et une baisse généralisée des stocks de céréales durant la prochaine campagne céréalière. Toutefois, les perspectives de récolte de blé, d’orge et de blé dur en Afrique du Nord sont bonnes. Mais elles ne seront pas suffisantes pour s’affranchir quelque peu des importations pour couvrir des besoins croissants.
51 millions de tonnes est le chiffre clé du dernier rapport mensuel du Comité international des céréales (CIC). Il correspond à la baisse estimée des stocks mondiaux de céréales à la fin de la prochaine campagne 2018-2019. Cette prévision augure le retour à l’équilibre progressif des marchés après plusieurs années caractérisées par des excédents massifs de l’offre par rapport à la demande. Durant la prochaine campagne, la consommation mondiale devrait augmenter de 31 millions de tonnes (Mt) sur un an pour atteindre 2,14 milliards de tonnes. Elle sera supérieure de 51 Mt environ à la production (2,09 milliards de tonnes).
Baisse universelle de la production de blé
Pour le blé, la production est estimée à 739 Mt pour 2018-2019 contre 758 Mt cette année (source CIC). La superficie cultivée dans le monde serait la plus faible des six dernières années avec des rendements qui s’inscriraient dans la moyenne quinquennale.
La production étatsunienne a été revue à la baisse en mai par rapport aux prévisions du mois passé. Elle serait équivalente à celle de la campagne qui s’achève (47,5 Mt). En cause le mauvais état persistant des cultures à la sortie de l’hiver, annonciateur de rendements médiocres.
Des productions en recul de près de 20 Mt sont aussi attendues en Asie du sud-est, en Océanie et dans la CEI (Russie et ses États satellites). Victime d’une période de froid tardive, l’Europe des Vingt-huit ne récolterait que 148,5 Mt de blé, soit un recul de 7 % par rapport à son record de 2015/2016.
Toutes ces prévisions mises bout à bout, associées à une consommation en hausse de 5 Mt par rapport à la campagne actuelle, conduiraient à un fléchissement des stocks mondiaux de blé de 14 Mt parmi les grands pays exportateurs (Union européenne, Etats-Unis, Russie). Mais les stocks de fin de campagne estimés par le CIC à 72 Mt en juin 2019 seront encore très élevés. Ils n’augurent aucune remontée durable des cours.
L’Afrique du Nord accroîtra ses importations de blé
Tout au long de la prochaine campagne, le commerce mondial du blé se rééquilibrera aux dépens de la Russie, toujours en tête des pays exportateurs (37 Mt pour une production de 74,5 Mt). Les échanges mondiaux porteront sur des volumes plus importants (+ 2% sur un an) pour atteindre 179 Mt. A elle seule, l’Afrique du Nord importera 27,6 Mt, soit une hausse 1 Mt sur un an. Pourtant les bonnes conditions climatiques (pluies abondantes) présagent de bons rendements et une récolte satisfaisante, notamment au Maroc où seraient récoltées 7,1 Mt. Les dernières prévisions établies par le CIC ont même été réévaluées de 1,6 Mt par rapport à celles annoncées en avril dernier.
Toutefois, le Royaume chérifien devra importer 4,0 Mt au cours des douze prochains mois contre 3,8 estimées pour 2017-2018. Ses voisins méditerranéens s’inscriront dans la même tendance. L’Egypte achèterait 12.2 Mt (+0,8 Mt sur un an) pour compenser une production estimée à 8.6 Mt largement insuffisante pour couvrir les besoins de la population. En Algérie, les 8,1Mt qui seraient achetées à des pays tiers équivalent à plus de 3 fois la récolte attendue l’an prochain (2,5 Mt). Enfin, la Tunisie compléterait sa récolte, estimée à 1,3 Mt, en s’approvisionnant sur le marché mondial à hauteur de 1,9 Mt pour assurer sa sécurité alimentaire. Mais après l’Egypte et l’Algérie, le troisième pays africain importateur de blé est le Nigéria (5,5 Mt pour 2018-2019) avec des besoins en forte croissance.
Redressement de la production de blé dur
Les prix attractifs contribueraient au redressement de la production de blé dur en Amérique du Nord notamment après une mauvaise année au Canada.
La production mondiale devrait croître de 3 % pour atteindre 38,5 Mt alors que la demande mondiale est évaluée, selon le CIC, à 38,8 Mt. Le Canada, le premier producteur de la planète récolterait 5Mt et l’Italie, 4,5 Mt. Mais la production européenne devrait reculer de 4 % globalement, à 9,0 Mt. Cependant, cette baisse n’altérerait pas ses capacités d’exportations (1 Mt).
Les bonnes conditions climatiques hisseraient le Maroc au premier rang des producteurs nord-africains de blé dur. La récolte attendue est estimée à 2,3 Mt ce qui permettrait de réduire de 0,2 Mt les importations nécessaires pour couvrir les besoins du marché intérieur (0,6 Mt contre 0,8 Mt cette année). Dans le même temps, l’Algérie importerait pratiquement quasiment autant de grains (1,7Mt) qu’elle en produira (2 Mt). Pour répondre à ces besoins, la Canada est en mesure d’exporter 4 ,75 Mt de grains l’an au cours de la prochaine campagne.
Marché de l’orge à l’équilibre
Pas de bouleversement attendu pour l’orge en 2018-2019. Comme les années précédentes, la production mondiale sera en adéquation avec la demande. 147,7 Mt seraient récoltées en 2018/19. La hausse de la production de 2 % sera équivalente à celle de la demande. Dans ce contexte, « l’orge pourrait se révéler une option attrayante pour de nombreux cultivateurs », analyse le CIC.
La Maroc tirerait à lui seul la hausse la production nord-africaine de 0,8 Mt. Celle-ci est attendue à 4,7 Mt dont 2,7 Mt produites par le royaume chérifien si bien que les importations s’établiraient à 0,8 Mt. Son voisin algérien récolterait 1,2 Mt et achèterait à des pays tiers, 0,7 Mt. C’est la Lybie qui serait le principal importateur d’orge (1,5 Mt) l’an prochain de la côte sud de la Méditerranée.
Production de maïs déficitaire
Le maïs contribuera fortement au retour à l’équilibre des marchés céréaliers. Une nouvelle contraction massive des stocks mondiaux de maïs est attendue avec une répercussion attendue, cette fois-ci, sur les prix de vente. Les stocks atteindraient 262 millions de tonnes (Mt) courant 2018-2019 contre 307 Mt en juin prochain.
L’essentiel du repli serait imputable aux Etats-Unis où le soja aura la faveur des farmers au détriment du maïs. « Si bien que la production devrait chuter de 4 %, à 355 Mt » souligne le CIC.
Sinon, la production mondiale de 2018-2019 estimée est de 1,05 milliard de tonnes alors que 1,09 milliard de tonnes sera destiné à l’alimentation animale ou transformé. En 2018-2019, la production mondiale croîtrait seulement de 7 Mt mais un rééquilibrage s’opérera entre les principales régions productrices.
Frédéric Henin